UNE INSTITUTION “SO BRITISH” !

Lloyd’s of London est une institution séculaire et riche en traditions comme les Britanniques en ont le secret. ” Les touristes qui désirent se plonger dans l’histoire britannique vont à l’Abbaye de Westminster ou à Tower Bridge. Les courtiers en assurances vont chez Lloyd’s of London où les documents sont encore écrits à la plume, où les contrats sont scellés par l’apposition d’un tampon et où les déjeuners d’affaires sans alcool sont vus comme une hérésie “, relevait récemment le Financial Times.

L’histoire de Lloyd’s remonte aux alentours de 1688, lorsqu’un certain Edward Lloyd ouvre un café au coeur de Londres. Pour attirer la clientèle des hommes d’affaires, il récolte des informations commerciales, notamment sur les navires transportant des cargaisons des colonies vers la capitale. Les armateurs s’y retrouvent et y négocient avec des investisseurs disposés à assurer leurs navires. Le marché des Lloyd’s of London (Lloyd’s en abrégé) est né.

Au départ, les investisseurs sont de riches particuliers (les Names dans le jargon de Lloyd’s), responsables sans limites sur leurs biens propres. Cette organisation est cependant violemment secouée au début des années 1990 lorsqu’éclate le scandale de l’amiante qui débouche sur une kyrielle de plaintes, notamment aux Etats-Unis. Les entreprises américaines attaquées par leurs anciens ouvriers se retournent contre leurs assureurs. Pour la première fois de l’histoire de Lloyd’s, les Names ne peuvent pas indemniser leurs clients : 1.500 d’entre eux (sur 34.000) font faillite.

Pour résoudre la crise, le Lloyd’s modifie sa structure en 1994. Il loge ses anciens risques dans une structure ad hoc et élargit le membership à des sociétés étrangères qui peuvent devenir membre à responsabilité limitée. ” Grâce à cette réforme, nous avons ainsi pu devenir la première société non britannique à être membre de Lloyd’s, se souvient Pierre van de Mersch, aujourd’hui président du holding belgo-luxembourgeois Brederode, dont la filiale, Athanor, est active dans sept syndicats. Pour être membre, il faut certes montrer patte blanche, mais aussi, apporter des garanties, des funds at Lloyd’s qui peuvent être du cash ou des titres mis en dépôt. L’importance des risques auxquels les membres peuvent souscrire dépend de la hauteur de ces fonds. ”

UNE ORGANISATION ONÉREUSE

Cette réforme assoit à nouveau la solidité de Lloyd’s, qui affiche aujourd’hui un beau rating (AA- chez Fitch, A+ chez Standard and Poor’s). Elle permet aussi de renforcer l’internationalisation du marché qui a réalisé l’an dernier 50 % de ses activités en Amérique du Nord, contre 15 % au Royaume-Uni, 14 % sur le reste du continent européen et 10 % en Asie-Pacifique. ” Lloyd’s est un marché de niche, ajoute encore Pierre van der Mersch. Les syndicats ne couvrent pas les risques de masses : ils n’offrent pas de police d’assurance auto et presque pas d’assurance-vie. En revanche, ils assurent des risques très particuliers : les dommages corporels comme les mains des pianistes célèbres, les risques nucléaires (un syndicat s’est spécialisé dans ce type de business), les plateformes pétrolières, les événements… et la réassurance. ”

Pour être présent aux quatre coins de la planète, Lloyd’s peut compter sur un réseau mondial de 200 courtiers qui négocient les assurances auprès des syndicats pour le compte de clients, et de 4.000 coverholders (des intermédiaires qui peuvent souscrire des risques pour le compte de syndicats). Ce réseau n’est pas gratuit et les charges opérationnelles représentent 40 % des primes encaissées, contre 25 % auprès de certains de ses concurrents. En 2016, Lloyd’s a engrangé un bénéfice de 2,1 milliards de livres sterling, apparemment en ligne avec les années précédentes, mais ces chiffres ont été embellis par les effets de change (des primes encaissées en devises et des comptes libellés dans une livre sterling qui a fortement chuté). Sans cela, Lloyd’s aurait accusé un bénéfice réduit à 1,4 milliard de livres, le plus faible depuis 2011.

Les écrits à la plume d’oie, l’usage des tampons et les négociations en face à face présentent un certain charme. Mais ces traditions coûtent cher, surtout à l’heure de la finance en ligne…

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