Un tour au musée s’impose !

Philippe Ledent

Véritable star financière de 2017, le bitcoin fait de plus en plus parler de lui, non seulement dans les cercles spécialisés de la finance, mais aussi auprès du grand public. A force de lire les multiples articles à son sujet, il en devient presque familier. On en a même tous une représentation matérielle : si vous pensez au bitcoin, vous imaginez cette pièce, dorée, frappée du ” B ” doublement barré. N’est-ce pourtant pas un comble pour une monnaie virtuelle que d’avoir une représentation physique ?

En fait, comprend-t-on vraiment le bitcoin ? En particulier, peut-on vraiment le considérer comme une monnaie ? Pour répondre à cette question, j’encouragerais toute personne intéressée mais surtout les candidats investisseurs en bitcoin, convaincus qu’il s’agit de la monnaie du futur, à visiter le nouveau Musée de la Banque nationale dédiée à la monnaie (lire aussi en page 88). Cela devrait leur être très instructif. Ils y apprendront, par exemple, qu’une monnaie doit assurer trois fonctions : être un moyen d’échange, une unité de compte et un moyen de réserve. Or, la capacité du bitcoin à être utilisé dans une transaction commerciale reste à l’échelle mondiale très limitée. Cette monnaie n’a pratiquement nulle part cours légal. Au contraire, de plus en plus de juridictions l’interdisent ou vont le réguler. Cette ” monnaie ” repose également sur une limitation de sa production. Comment alors pourrait-elle suivre l’augmentation du nombre de transactions ? Elle serait, par construction, déflationniste. Dans l’histoire, la question de la quantité de monnaie disponible a joué des tours à plus d’un métal précieux : la quantité physique disponible ne permettait pas de suivre la croissance du nombre de transactions, si bien que le système monétaire s’en est peu à peu détaché. Enfin, les gains de valeur du bitcoin (partiellement envolés très récemment) au cours des dernières années ne plaident pas pour une utilisation du bitcoin : celui qui en détient préfère les conserver plutôt que de les utiliser pour acquérir autre chose, en espérant que le bitcoin gagne encore de la valeur. Mais alors…ce n’est pas une monnaie, mais plutôt un actif financier.

Une future multiplication de crises des crypto-monnaies, par des pertes brutales et soudaines de la confiance, incitera les autorités à s’approprier l’émission d’UNE crypto-monnaie régulée.

Au-delà de la question des fonctions que doit remplir une monnaie, la multiplication actuelle des crypto-monnaies (il y en aurait déjà plus de 1.000 différentes à travers le monde) rappelle étrangement ce qui prévalait jusqu’au milieu du 19e siècle, lorsque chaque institution bancaire émettait sa propre monnaie papier. A l’époque, la multiplication des crises bancaires doublées de crises monétaires (c’est- à-dire une soudaine perte de confiance totale dans une monnaie) qui s’en était suivie avait incité les autorités à mettre de l’ordre dans la création monétaire en octroyant un monopole d’émission à UNE banque (centrale). L’histoire se répétera : je reste convaincu qu’une future multiplication de crises des crypto-monnaies, par des pertes brutales et soudaines de la confiance, incitera les autorités à s’approprier l’émission d’UNE crypto-monnaie régulée. Spéculer sur le fait que le bitcoin finira par s’imposer comme véritable monnaie semble donc très hasardeux.

Sur la capacité du bitcoin à être une vraie monnaie, au sens premier du terme, la seule valeur que l’on peut lui trouver est celle de sa technologie de la blockchain sur laquelle reposent les transactions en bitcoin et la production de celui-ci. Mais l’idée d’une blockchain n’est pas protégée. La technologie pourrait donc être copiée en utilisant d’autres algorithmes. Dès lors, n’étant pas protégée par un brevet, quelle est véritablement la valeur de cette technologie ?

Finalement, qu’est-ce que le bitcoin ? Personnellement, j’ai encore du mal à me faire une idée claire à ce sujet. Au regard de l’histoire, sa capacité à devenir une véritable monnaie me semble néanmoins très limitée. Les investisseurs en bitcoin y voient-ils plus clair ? Quelle considération fondamentale les pousse à y investir ? Sa capacité à devenir une véritable monnaie ? Ou bien un actif ? Ou un objet virtuel, mais rare, que tout le monde convoiterait tel un diamant ? Une technologie qui apporte une véritable valeur ajoutée ? Peut-être que la motivation première à y investir n’est en rien fondée sur la compréhension de ce qu’est le bitcoin, mais uniquement sur l’appât du gain. Si c’est le cas, on connaît déjà la suite de l’histoire.

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