Un thriller post-apocalyptique de Deon Meyer

“La Fièvre a été une épidémie tsunami. Trop rapide. Trop mortelle. Malgré les protocoles, les systèmes et les vaccins, malgré l’activité paniquée de virologistes et d’épidémiologistes, de centres pour le contrôles et la prévention des maladies, les décisions de gouvernements et les interventions militaires, la Fièvre a décimé quatre-vingt-quinze pour cent de population mondiale. En quelques mois seulement. ” C’est dans ce contexte pour le moins particulier que Nico Storm et son paternel Willem survivent au propre comme au figuré dans un environnement hostile malgré la beauté naturelle du Karoo, cette région désertique d’Afrique du Sud.

Avant de rentrer dans le vif du sujet, sachez que la forme de ce nouveau thriller de l’auteur de Les soldats de l’aube ou de A la trace est une (fausse) autobiographie. D’ailleurs, le sous-titre de ce thriller entêtant et obsédant s’intitule Les mémoires de Nicolas Storm sur l’enquête de l’assassinat de son père. Sachez aussi que le fait de savoir avant la première page que le paternel va se faire trouer la peau n’est en rien handicapant. A l’heure où Nico écrit ces lignes, il a 47 ans, l’âge qu’avait son père quand il est mort pendant l’année du lion. Parce que depuis la Fièvre, les années s’écoulent différemment. Au début du récit, c’est l’année du chien et Nico, 13 ans, est obligé de se servir d’armes pour tuer des chiens enragés qui déchiquettent son père.

Quelqu’un a succombé à la Fièvre ici. Les animaux ont décharné la carcasse et ont dispersé les ossements. Nous les ramassons et les jetons dans les herbes folles.

Willem Storm est, à l’image de Deon Meyer, un profond humaniste. Curieux, tolérant, bienveillant et suffisamment brillant intellectuellement pour rêver d’un monde meilleur. Il décide de trouver le meilleur emplacement possible pour reconstruire une société avec l’aide de quelques rescapés et survivants rencontrés sur la route dont Domingo, un ténébreux lascar qui cache mal son passé de militaire. La communauté s’appelle Amanzi et son président n’est autre que Willem Storm. Recueillant au fil des jours des réfugiés, des femmes et des enfants bien mal en point, Amanzi finit par ressembler à une société idéale et démocratique où chacun a droit à la parole lors des assemblées et lors du Comité.

Jusqu’ici, tout va bien mais comme nous sommes dans un thriller post-apocalyptique, les difficultés arrivent toutes en même temps même si Amanzi parvient à vivre avec ses propres ressources y compris en fabriquant sa propre essence à base d’huile de tournesol. Tensions internes, menaces extérieures : l’idéal de Storm est rapidement mis à sac.

L’année du Lion peut forcément rappeler Le Fléau de Stephen King ou même La route de Cormac McCarthy mais ce livre se différencie rapidement des deux ouvrages précités par sa forme justement. Deon Meyer, qui s’éloigne de son terrain de jeu habituel, écrit des chapitres très courts – 120 au total -, ce qui lui permet de maintenir la tension et, avec les nombreux témoignages des protagonistes de l’histoire, d’élargir le spectre et de développer des thèmes qui lui sont chers comme la survie de l’espèce, par exemple. Avec toujours, c’est une constante chez l’écrivain sud-africain, cette manière bien à lui à faire de la nature un personnage à part entière.

On s’en voudrait de ne pas faire allusion à l’ultime pirouette finale qui offre, sur le coup, un nouveau regard sur ce récit habile et malin en miroir d’une civilisation, la nôtre, qui va droit dans le mur.

” L’Année du Lion “, Deon Meyer, traduit de l’afrikaans et de l’anglais par Catherine Du Toit et Marie-Caroline Aubert, éditions du Seuil, 629 p., 23 euros.

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