L’expatriation, un boost pour votre carrière?

Le mot "expat" fait toujours rêver. © Getty Images/iStockphoto

De nombreux Belges s’expatrient pour raisons professionnelles. L’expérience à l’international et les connaissances du marché local sont les premières motivations pour faire ses valises. Le package salarial est toutefois moins séduisant qu’il y a 10 ans.

Le mot ” expat ” fait toujours rêver. Près de 500.000 Belges résident à l’étranger, selon les statistiques de septembre 2018 du ministère des Affaires étrangères. Ce nombre augmente sensiblement chaque année. ” Il faut toutefois analyser ces données avec des pincettes, avance Matthieu Branders, porte-parole du SPF Affaires étrangères. Il s’agit du nombre de personnes réellement inscrites à la diplomatie belge. Certaines ne le font pas et d’autres travaillent à l’étranger pour des périodes plus temporaires. ”

Le pays le plus convoité, toutes nations confondues, reste évidemment la France (130.000), suivi des pays voisins comme les Pays-Bas (38.000), l’Espagne (28.000), l’Allemagne (28.000) et le Royaume-Uni (27.000). Hors de l’Union européenne, des pays comme les Etats-Unis (27.000), le Canada (16.000), l’Afrique du Sud (8.000) ou l’Australie (5.500) ont toujours la cote. Parmi tous les expatriés, certains ont envisagé de quitter le pays pour raiosn profesionnelle. Envoyés par des boîtes belges ou internationales hors des frontières pour quelques années, ils ont tenté une expérience internationale pour booster leur carrière. Certains sont même restés. Combien sont-ils dans ce cas-là ? Impossible de le dire, ni même de savoir si ce chiffre est en augmentation. Les statistiques ne fournissent en effet pas la nature de l’expatriation. A défaut, nous avons pris la température en interrogeant des expatriés partis dans le cadre de leur travail. Première constatation : l’expatriation est, comme il y a 10 ans, encore considérée comme un tremplin pour évoluer dans sa carrière. ” Revenir au pays après avoir travaillé quelques années à l’étranger représente une plus-value indéniable “, estime Vincent Gondouin, responsable des ressources humaines chez Besix, qui compte dans ses rangs plus de 200 anciens expatriés. ” Avoir l’expérience d’un autre marché et s’adapter à d’autres cultures est valorisé également dans un poste ici en Belgique. ” Ce qui motive les candidats à l’expatriation ou les expatriés n’est plus forcément le package salarial, revu à la baisse dans certains secteurs d’activité, crise oblige.

Un package salarial ramené à un niveau local

” Dans le domaine pharmaceutique, dans lequel on est assez bien payé, les avantages liés à l’expatriation ne sont plus les mêmes qu’il y a 10 ans, avance Christophe Martinot, expatrié au Danemark et en Espagne durant 12 ans. Les expatriés sont plus généralement payés au niveau local et il n’y a plus forcément tous les avantages, comme la prise en charge de la scolarité pour les enfants. ” Pour Daniel Geyer et ses 15 ans passés au sein du groupe Bolloré, essentiellement dans des pays africains, ” le salaire est beaucoup moins avantageux qu’il y a 10 ans. Avant, on pouvait multiplier ce salaire par trois par rapport à un emploi national. Aujourd’hui, le rapport est plutôt de un et demi ou deux “. Les expatriés évoquent d’ailleurs rarement le salaire comme moteur. Citons surtout ” l’expérience “, ” les affinités avec le monde international ” et ” le challenge pour évoluer dans un nouveau marché “. L’apprentissage de la langue locale, même si l’anglais prime au niveau international, s’inscrit également comme un intérêt. Pour finir, l’expatriation est plutôt vue par les intéressés comme un mode de vie, épanouissant également pour le côté personnel. Avoir un pied dans une boîte internationale facilite évidemment les chances d’expatriation mais il est aussi possible de démarrer une carrière de zéro depuis la Belgique. ” Les personnes qui ont des compétences particulières auront plus de facilités à s’exporter hors de l’Union européenne “, avance Diego Angelini, conseiller expatriation à l’UFBE, l’Union francophone des Belges à l’étranger. ” Citons notamment les ingénieurs ou les chimistes. En parallèle, les entreprises auront tendance à expatrier les profils dont la qualification ne se retrouve pas forcément dans le pays vers lequel il faut travailler. Certains pays vont d’ailleurs opérer des vagues de recrutement. C’est par exemple le cas du Canada, qui recherchait en novembre dernier 1.460 profils belges pour des jobs dans les technologies de l’information, l’éducation ou l’horeca. Il y a trois ou quatre ans, il recherchait notamment des grutiers. Il y a quatre à cinq ans, les compagnies aériennes des Emirats arabes unis recherchaient des pilotes d’avion belges. ” Y a-t-il toutefois une raison à l’augmentation du nombre d’expatriés belges ? ” Le contexte plus mondial de notre société, les facilités de transport et les facilités administratives au sein de l’Union européenne rendent la mobilité internationale plus aisée “, conclut Diego Angelini, conseiller expatriation à l’UFBE.

Géry Brusselmans

Christophe Martinot

Christophe Martinot.
Christophe Martinot. ” J’envisage l’expatriation différemment à 45 ans “

Fort d’une expérience de 20 ans dans le domaine pharmaceutique, essentiellement en Espagne et au Danemark, Christophe Martinot est aujourd’hui installé à Barcelone.

Quel a été le déclic pour vous expatrier ?

Ma passion pour les voyages, dont un séjour Erasmus à Barcelone et un stage dans un service public au Chili durant mes études. J’ai fait des études de droit que j’ai terminées à l’UCL, suivi d’un Master en management interculturel à l’Ichec. Ma première idée, en me lançant dans le secteur professionnel, était de trouver une boîte internationale pour évoluer dans différents pays. J’ai obtenu un poste en tant que product manager pour L’Oréal en 1997 et j’ai ensuite eu la chance de pouvoir travailler pour Danone à Barcelone. Le nom de deux grosses entreprises sur un C.V. m’a ouvert d’autres portes plus facilement.

Auriez-vous envisagé d’évoluer uniquement au niveau belge ?

Non, car je gardais cette envie d’international. Après L’Oréal et Danone, j’ai évolué dans le secteur pharmaceutique : en tant que product manager chez Sanofi puis Estève à Barcelone. J’ai ensuite travaillé quatre ans pour le compte d’une société danoise, Lundbeck, qui m’a permis de m’expatrier au Danemark. En 2010, je suis ensuite revenu en Belgique pour une durée de huit ans en tant que responsable marketing en ventes chez Abott et ensuite Novo Nordisk. Je viens d’emménager, toujours avec mon épouse et mes trois enfants, à Barcelone.

Considérez-vous l’expatriation comme une opportunité de carrière ?

Au départ, l’idée était d’évoluer dans un environnement international avec tous les avantages que cela comprend : l’ouverture aux cultures, l’apprentissage des langues, les voyages, etc. Professionnellement, le fait de travailler à l’international est plus grisant : il y a des dynamiques de marché différentes, on dispose de moyens plus ou moins étendus et on est confronté à des situations ou contextes très différents. Cela ouvre l’esprit et stimule la flexibilité. J’ai 45 ans aujourd’hui. Après 20 ans de vie professionnelle, dont 12 à l’étranger, j’envisage plutôt l’expatriation comme une belle opportunité de vie, moins comme un coup d’accélérateur pour ma carrière. Grâce aux voyages, mes enfants parlent trois langues et sont plus ouverts d’esprit.

Anne-Sophie Lenoir

Anne-Sophie Lenoir.
Anne-Sophie Lenoir. ” J’ai choisi l’expatriation pour la qualité du poste “

Grâce à sa formation poussée en marketing, Anne-Sophie Lenoir a déjà travaillé dans trois pays européens.

Dans quel pays travaillez-vous actuellement ?

Je suis en poste depuis près d’un an chez Danone Nutricia à Utrecht, mais je suis actuellement basée à Nuremberg en Allemagne. Avant, J’ai travaillé deux ans et demi à Londres en tant que consultante stratégie marketing pour ZS Associates. Le Brexit fut une des raisons pour lesquelles je tenais à changer de pays. Je suis Liégeoise, j’ai étudié à Solvay et j’ai voulu ensuite m’orienter dans la recherche. Après Solvay, j’ai fait un doctorat en marketing et science du comportement à l’Université de Rotterdam durant quatre ans et demi.

Avez-vous envisagé de travailler en Belgique après votre post-doctorat ?

J’ai postulé dans différents pays, dont en Belgique, mais aussi ailleurs en Europe. Je me suis toujours sentie profondément européenne. Rester en Belgique ne me semblait pas indispensable. Le poste le plus intéressant que j’ai trouvé était à Londres. Le salaire n’était pas une motivation en soi, je cherchais surtout un poste intéressant en termes de challenge. Sortir de ma zone de confort est un de mes moteurs.

Estimez-vous avoir une plus-value sur le marché du travail grâce à votre expérience internationale ?

Cela dépend de quel point de vue. Changer de pays, c’est chaque fois s’adapter à une nouvelle culture et donc à une nouvelle manière de travailler. Par rapport à un employé local, je dispose moins des connaissances du marché du pays, je n’ai pas forcément de réseau en arrivant. Par contre, mon expertise assez spécifique et mes connaissances linguistiques et culturelles sont de vrais atouts pour des employeurs actifs au niveau international.

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