Trois candidats au redressement sur Euronext

Un seul facteur a empêché les investisseurs internationaux de montrer un réel enthousiasme à l’égard des actions européennes ces derniers mois : l’incertitude politique et surtout les élections présidentielles en France. Nous estimons que la candidate populiste de droite Marine Le Pen ne l’emportera pas au second tour et que le choix en faveur de Emmanuel Macron ouvrira la voie à la poursuite du mouvement de rattrapage des Bourses européennes. De manière comparable à ce qui s’est passé durant le premier semestre de 2015, lorsque l’Europe s’était pour une fois distinguée des États-Unis de manière impressionnante.

Car on recense plusieurs éléments qui confèrent aux actions européennes de sérieuses possibilités de redressement. Et pas uniquement leurs faibles valorisations, même si la valeur moyenne d’un indice américain se négocie à 25 fois le bénéfice récurrent (hors éléments uniques) de 2017, 3,1 fois la valeur comptable et 2,1 fois le chiffre d’affaires alors qu’on est à 18,5 fois le bénéfice récurrent, 1,9 fois la valeur comptable et 1,3 fois le chiffre d’affaires pour la valeur d’indice européenne moyenne.

Le potentiel réside surtout dans la reprise économique et la nette amélioration des bénéfices des entreprises. De très nombreux indicateurs de la zone euro sont ainsi à leur plus haut niveau de ces six dernières années. La croissance des bénéfices des entreprises européennes a dépassé celle des entreprises américaines pour la première fois en 18 mois. La croissance du bénéfice de 11 % pour l’indice Stoxx Europe 600 au cours des trois derniers mois de 2016 n’est pas seulement la plus élevée en deux ans : elle dépasse aussi nettement les 5 % d’augmentation des bénéfices des membres du S&P 500.

Nous vous présentons donc trois valeurs cotées sur Euronext qui pourraient profiter du mouvement de rattrapage et de la reprise économique en Europe. Leur potentiel n’est pas encore totalement intégré dans le cours actuel.

1. ArcelorMittal : le chaud et le froid

Le premier producteur mondial d’acier a traversé un net creux ces dernières années. Au printemps 2016, il a même été contraint, pour inverser la tendance, de procéder à une lourde augmentation de capital de 3,1 milliards de dollars (70 % d’actions supplémentaires) à un cours plancher historique de 2,2 euros par action. Mais l’opération, entre autres, a permis de réduire la dette nette de 4,6 milliards de dollars, à 11,1 milliards de dollars l’an dernier, son plus bas niveau depuis la fusion entre Arcelor et Mittal Steel en 2006. Autre élément favorable : la Chine commence enfin – et de mauvaise grâce – à s’attaquer à la surcapacité chronique du marché de l’acier. De plus, le lobbying des entreprises sidérurgiques occidentales a entraîné en 2016 l’adoption d’une foule de mesures antidumping aux États-Unis et en Europe qui ont enrayé une chute des cours de l’acier entamée il y a plusieurs années. Sur une base annuelle, le chiffre d’affaires du groupe a baissé de 10,7 %, à 56,8 milliards de dollars. Mais le cash-flow opérationnel (EBITDA) a fait un bond de 20 %, à 6,26 milliards de dollars, nettement au-dessus de l’objectif initial d’au moins 4,5 milliards. Le bénéfice net s’élevait l’an dernier à 1,78 milliard de dollars, contre une perte nette de 7,95 milliards en 2015. Le groupe s’attend cette année à une hausse de la demande mondiale de 0,5 %, à 1,5 %. Preuve du regain de confiance, le budget d’investissement a été accru de 0,5 milliard de dollars, à 2,9 milliards de dollars. Une reprise de la distribution de dividendes est peut-être envisageable à partir de 2018.

L’action ArcelorMittal a gagné près de 10 % en réaction à la publication des résultats annuels pour atteindre un pic (provisoire ? ) de près de 9 euros, contre encore 2 euros au moment de l’augmentation de capital de début 2016. Mais l’action a également replongé sous les 7 euros le mois dernier en raison du repli du cours du minerai de fer et de premiers doutes concernant le caractère durable du redressement du cours de l’acier. La valorisation est ainsi redevenue attrayante à 0,8 fois la valeur comptable, 5 fois le bénéfice attendu cette année et un rapport attendu entre la valeur d’entreprise (EV) et l’EBITDA de moins de 5. D’où le relèvement de la note à digne d’achat (note1B).

2. BAM Groep : une bien meilleure année 2017

Nous nous intéressons à nouveau au Koninklijke BAM Groep. C’est un groupe de construction européen très concentré sur l’Europe occidentale, dont les marchés domestiques sont la Belgique, les Pays-Bas, l’Allemagne, le Royaume-Uni et l’Irlande. Il est également actif au Danemark, en Suisse et au Luxembourg. Cette entreprise historique (créée en 1869, c’était jadis une entreprise de charpenterie) est cotée sur la Bourse d’Amsterdam depuis 1959. La décennie écoulée n’a certainement pas été la plus florissante de son histoire. Le spécialiste des travaux de construction et d’infrastructure a vu son chiffre d’affaires davantage baisser qu’augmenter et a surtout été confronté à un problème de rentabilité. La crise financière – et la crise immobilière qui s’y est greffée, notamment aux Pays-Bas et au Royaume-Uni – n’a pas favorisé les groupes européens de construction. Alors qu’elle culminait encore au-dessus de 16 euros à l’été 2007, l’action BAM est retombée à un plancher de 2 euros en 2012 et en 2015, après des pertes en 2012 et 2014.

Mais elle a amorcé un net redressement depuis l’été dernier, passant d’environ 3 euros à 5 euros. Un reflet de la reprise attendue du bénéfice cette année, avec au moins un doublement attendu à la fois du cash-flow opérationnel (EBITDA) et du bénéfice par action. Respectivement de 101 à 221,2 millions d’euros et de 0,17 à 0,44 euro par action. Le groupe pourrait même s’approcher de ses meilleurs résultats de ces dix dernières années.

La valorisation est acceptable à 0,2 fois le chiffre d’affaires, 1,5 fois la valeur comptable, 11 fois le bénéfice attendu 2017 et un rapport EV/EBITDA escompté de 5,5. Nous reprenons le suivi de l’action BAM avec la note positive digne d’achat (note1B).

3. Boskalis : creux temporaire

Jusqu’il y a peu, la plus grande entreprise de dragage au monde connaissait une décennie dorée qui en avait fait une vedette absolue en Bourse. Pour preuve : un chiffre d’affaires qui a triplé entre 2003 et 2013, passant d’environ 1 à 3 milliards d’euros, un cash-flow opérationnel (EBITDA) multiplié par six (de 150 à 900 millions d’euros) entre 2004 et 2014, et un cours de Bourse multiplié par dix (d’environ 5 à 50 euros) entre 2003 et le printemps 2015. L’entreprise surfait sur l’essor des pays émergents et leurs nombreux travaux d’infrastructure, ainsi que sur la hausse du cours du pétrole.

Mais les choses se sont compliquées depuis. L’an dernier, le chiffre d’affaires est retombé à 2,6 milliards d’euros alors qu’il culminait à 3,24 milliards d’euros en 2015 et l’EBITDA s’est établi à 660 millions d’euros (sommet de 910 millions en 2014). L’action a quant à elle chuté à 29 euros à l’automne 2016 (sommet de 49 euros en 2015). Elle est clairement restée en retrait ces dernières années, y compris en comparaison avec son concurrent belge CFE. Le marché s’est également étonné des choix stratégiques des dirigeants de Boskalis, désireux de réduire le poids du dragage et de diversifier les activités du groupe, avec notamment les acquisitions de SMIT Internationale (assistance aux navires de haute mer à l’entrée et la sortie des ports avec des remorqueurs, mais aussi missions de sauvetage et enlèvement d’épaves) et Dockwise (déplacement de plateformes offshore extrêmement lourdes). Sans compter la polémique Fugro, un prestataire de services pétroliers néerlandais spécialisé dans la collecte et l’interprétation de données sur la surface et les couches inférieures de la terre ainsi que les roches. Boskalis détenait 28,6 % de Fugro fin 2016, mais le géant du dragage a sonné la retraite depuis, notamment sous la pression des actionnaires et de la direction hostile de Fugro.

Il est vrai que Boskalis traverse sa période la plus complexe depuis plus d’une décennie, mais l’action est aussi nettement moins chère qu’auparavant. En 2010, elle se traitait encore à 2,3 fois la valeur comptable, contre 1,2 fois aujourd’hui. Le rapport escompté EV/EBITDA s’élève à 8,5. Le cours/bénéfice attendu (23,5) est toujours élevé, mais la rentabilité devrait selon nous se redresser à partir de 2018. Nous maintenons dès lors notre note positive digne d’achat (note1A).

Paru sur initiedelabourse.be le 28 avril

La voie est libre pour un mouvement de rattrapage des actions européennes par rapport à l’indice mondial.

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