Industrie musicale, médias, streaming… Thierry Geerts (Google) face à MC Solaar

© Laurie Dieffembacq (belgaimage)

Digitalisation, piratage, montée en puissance du streaming… En 25 ans de carrière, le rappeur français MC Solaar a vécu la métamorphose de l’industrie musicale et assisté au succès de nouveaux acteurs comme Spotify ou YouTube, propriété du géant Google. Une bonne raison de l’inviter à la table de Thierry Geerts, grand patron de Google Belgique, pour un débat feutré.

Son retour est pour le moins spectaculaire. Après 10 ans d’absence sur la scène musicale, MC Solaar s’est offert le trophée de ” L’album de chansons de l’année ” aux dernières Victoires de la Musique, il y a un mois à peine. Baptisé Géopoétique, le huitième opus du rappeur français est sorti en novembre dernier avec un titre-phare, Sonotone, clin d’oeil autobiographique à son statut d’artiste vieillissant.

A 49 ans, MC Solaar n’a rien perdu de sa superbe et c’est pour évoquer justement le temps qui passe et, surtout, les bouleversements de l’industrie musicale que nous l’avons convié à L’Ecailler du Palais Royal, à Bruxelles, pour un dîner en compagnie de Thierry Geerts, grand patron de Google Belgique. Histoire de préparer au mieux cette ” rencontre inattendue “, nous avons offert au CEO le dernier album du chanteur, en guise de prélude à la discussion. Lever de rideau.

THIERRY GEERTS. Ma plus grande surprise par rapport à votre dernier album, c’est le fil rouge Gainsbourg. Il y a bien sûr la chanson Super Gainsbarre, mais il y a aussi toute une série de références dans la musique et dans les textes. Moi, je suis un grand fan. Je suppose que vous aussi…

MC SOLAAR. Oui, je l’aime beaucoup. C’est quelqu’un d’essentiel pour moi. Je pense que pour apprendre le français, Gainsbourg devrait même être une méthode. C’est compréhensible, ça va dans tous les sens et, personnellement, je l’ai écouté lorsque j’étais enfant. Gainsbourg est toujours resté en moi. Maintenant, j’ai ce style d’écriture, je ne dirais pas ” gainsbourgien “, mais cette espèce de liberté d’aller dans tous les sens, sans le côté Gainsbarre quand même, parce que je n’y arrive pas…

T.G. ( Rires) Vous n’avez pas 10 femmes et tout ce qui va avec ?

MC.S. Non, je n’arrive pas à avoir ce côté trash ( rires) !

TRENDS-TENDANCES. Mais au-delà des références ” gainsgbourgiennes ” qui truffent l’album, pourquoi lui avoir dédié une chanson ?

MC.S. Parce que j’ai rencontré des gens qui sont nés en 2000, ceux qu’on appelle les millennials, et je me suis rendu compte qu’ils ne le connaissaient pas ! Donc, je me suis dit que j’allais faire une petite biographie en prenant des choses qui risquent de leur faire plaisir.

T.G. C’est un magnifique hommage parce que ça sonne juste. C’est de la musique d’aujourd’hui avec des mélodies qui reviennent aussi. C’est très subtil et c’est bien de le faire connaître aux jeunes car aujourd’hui, malheureusement, les gens raisonnent par silos. Par exemple, on vote pour Trump, donc on ne va lire que des nouvelles qui lui sont favorables…

MC.S. Là, on entre dans le vif du sujet : aujourd’hui, les gens choisissent leur média. S’ils sont fans de rock, ils ne vont écouter que ça. Le problème, c’est l’enfermement dans une seule source d’information. Moi, j’essaie de leur faire découvrir autre chose.

T.G. Tout le problème est là : comment peut-on continuer à rendre les gens plus ouverts à d’autres cultures et les intéresser à plein de sujets différents, qu’il s’agisse de politique ou de styles musicaux ?

MC.S. Une partie du rôle de l’école, c’est de former des gens qui sont équilibrés et s’intéressent à tout. C’est ce qu’on appelait le gentilhomme, l’homme de la Renaissance, quoi ! Si on en fait des honnêtes hommes, ils iront partout…

T.G. Le problème ne concerne pas uniquement les jeunes, mais aussi des personnes de notre âge qui restent par exemple coincés dans la logique Facebook et ne lisent plus que les publications de leurs amis. Les médias traditionnels doivent se transformer et je suppose que c’est la même chose pour vous. Vous ne distribuez plus votre musique de la même façon et vous êtes obligé de passer par de nouvelles plateformes…

– Profil – Thierry Geerts

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52 ans.

Directeur de Google Belgique.

Titulaire d’un diplôme d’ingénieur commercial Solvay décroché à la VUB en 1989.

Directeur du magazine Passe-Partout (éditions Corelio) de 1999 à 2008.

Il devient alors CEO de Corelio Business Developpement et participe activement à la digitalisation du groupe.

En 2011, Google le repère et il est promu country director du géant américain pour le marché belge.

Le mois dernier, Google Belgique a investi 250 millions d’euros dans son centre de données à Saint-Ghislain, atteignant ainsi la somme totale d’1 milliard d’investissements sur le site hennuyer.

Justement, comment MC Solaar qui a débuté avec le CD a-t-il traversé tous les bouleversements de l’industrie musicale ces 25 dernières années ? La dématérialisation, l’apparition de nouveaux acteurs comme YouTube ou Spotify, la disparition du monopole des maisons de disques…

MC.S. Je me souviens, au début de Napster ( le service de téléchargement de fichiers musicaux en ” peer-to-peer ” lancé en 1999, Ndlr), tout était pirate et j’avais fait un morceau pour décrire cette nouvelle dimension du piratage dans le monde de la musique. J’étais aussi venu en Belgique et j’étais allé voir un chanteur, Marka, qui n’avait pas fait beaucoup de ventes mais dont tout le monde connaissait les chansons. Un mois après la sortie de son album, il était heureux que les gens chantent ses paroles, mais je me suis dit : ” Il y a quand même quelque chose qui ne va pas “. Cela dit, c’était génial parce que pour les ados qui habitaient, par exemple, à la montagne et qui devaient expressément aller dans les grandes villes pour acheter un CD, Napster devenait une belle opportunité. C’était un plaisir pour eux et ils ne faisaient pas spécialement de mal. Donc, la musique s’est extrêmement diffusée au début des années 2000 et pendant ces grandes années de chambardement, moi, de 2001 à 2004, j’ai fait une pause.

T.G. Je ne sais pas à quel point vous êtes actif sur YouTube, mais pour un artiste, ça lui permet de pouvoir toucher potentiellement un milliard de personnes, sans passer nécessairement par la maison de disques qui est un filtre. Alors, il faut trouver naturellement l’audience, mais par exemple, quand Stromae a commencé à mettre sa musique sur YouTube, il a découvert grâce à cela de nouveaux marchés où le CD a ensuite été distribué. Si ma mémoire est bonne, il y avait la Guadeloupe où la sortie du disque n’était pas prévue et qui, grâce à la mesure de l’audience sur YouTube, a finalement vu le disque sortir.

MC.S. Moi, j’ai énormément écouté de choses sur YouTube, pendant des années. Je sélectionnais un genre musical et je passais des nuits entières à découvrir de nouvelles choses…

– Profil – MC Solaar

49 ans.

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Chanteur français, né au Sénégal de parents tchadiens.

Premier succès avec le titre Bouge de là en 1991 et, dans la foulée, avec son premier album Qui sème le vent récolte le tempo.

Huit albums au cours de sa carrière avec des chansons emblématiques comme Caroline, Le Nouveau Western, Les Temps changent, Solaar Pleure, Hasta la vista, Da Vinci Claude

Dernier album en date : Géopoétique, sorti en novembre 2017 et auréolé du trophée de ” L’album de chansons de l’année ” aux dernières Victoires de la Musique.

Il sera en concert le 16 novembre à Forest national et, avant cela, de passage le 6 juillet aux Ardentes et le 4 août au Ronquières Festival.

T.G. Ce qui est intéressant, c’est que des gens qui chercheront, par exemple, Gainsbourg sur YouTube vont peut-être découvrir MC Solaar en guise de proposition, grâce à vos références.

MC.S. C’est comme ça que plusieurs groupes se sont fait connaître au niveau mondial.

Mais à un moment donné, en tant qu’artiste, on ne se dit pas : “Avec le streaming, le ‘business model’ vacille, je vais gagner moins d’argent” ?

MC.S. Oui, mais ce n’est pas nécessairement la panique. En France, il y a des sociétés de gestion de droits d’auteur comme la Sacem et l’Adami qui mènent les discussions avec ces nouveaux acteurs. Les artistes sont défendus. Ce sont un peu nos syndicalistes. Mais personnellement, je n’ai pas encore vécu la vraie transformation. Pour mon avant-dernier album, Chapitre 7, sorti en 2007, il y avait encore 92 % de ventes physiques – donc des CD – pour le marché français, tandis que maintenant, le marché est plutôt à 51 % de ventes physiques. Donc, oui, le modèle a changé, mais, d’un autre côté, il y a énormément d’abonnements à Deezer, Spotify… Et puis, vous savez, je suis un cas un peu à part. Comme je suis vieux…

T.G. ( Rires) Mais non, vous faites 10 ans de moins que votre âge !

MC.S. Non, mais je veux dire que j’ai encore un gros pourcentage de ventes matérielles par rapport à d’autres artistes. Mais beaucoup, effectivement, se sont posé des questions.

T.G. C’est vrai que dans le temps, on était obligé de passer par le filtre d’une maison de disques et donc, probablement, il y a des gens plein de talent qu’on a laissé de côté. Bon, aujourd’hui, ça ne veut pas dire que, dès qu’un artiste signe un contrat, c’est forcément bingo, mais par contre, il y a des millions de personnes qui peuvent se faire connaître par YouTube. Vous habitez au centre de l’Afrique, vous pouvez diffuser un morceau, monter un petit clip et trouver une audience. Il n’y a plus ces frais de structure qui existaient par le passé, mais naturellement, comme on vient d’un modèle qui était très rentable pour un certain nombre de personnes, c’est difficile de switcher vers un modèle moins rentable mais grâce auquel beaucoup de gens peuvent vivre de leur musique. On est dans une transition. On est en pleine renaissance.

MC.S. C’est vrai que, avant, il y avait beaucoup d’appelés et peu d’élus. Il n’y avait pas non plus beaucoup de maisons de disques. Et là, maintenant, il y a plein de gens qui sortent de presque nulle part. Avec peu de moyens, ils arrivent à s’organiser.

T.G. Moi, j’aime assez bien ce modèle où aujourd’hui, un artiste gagne plus en faisant des concerts. On dit parfois que la digitalisation fait que les gens ne sortent plus. Mais c’est le contraire: aujourd’hui, les gens paient beaucoup pour l’expérience. Plutôt que de payer pour avoir un boîtier, ils paient parfois très cher pour vivre quelque chose avec l’artiste.

MC.S. Il y a un transfert.

T.G. Oui. L’argent que les jeunes consacraient dans le temps aux CD, ils le donnent aujourd’hui pour voir les artistes en live. Il y a une vraie volonté d’être là, en sa compagnie. C’est la raison pour laquelle tous les festivals ont plus de succès qu’avant. C’est une époque passionnante : on peut habiter en pleine montagne et découvrir des artistes sur YouTube, et en même temps faire des centaines de kilomètres pour venir les voir en concert. Nous, nous avons été éduqués dans une société où il fallait tout posséder. Il fallait acheter une voiture, des CD… Les jeunes d’aujourd’hui ne sont plus dans cette logique-là. Qu’ils habitent Paris ou Bruxelles, ils n’ont plus de CD et ils n’ont plus besoin de posséder de voiture. Ils utilisent Uber ou Zipcar. Et c’est tant mieux, car la voiture est à l’arrêt 95 % du temps. Vous payez 10.000 euros et, finalement, vous l’utilisez très peu.

On bascule dans une société du leasing ?

T.G. Je dirais plutôt une société de l’utilisation car le leasing demande un engagement constant. En fait, je pense que l’on va vers une société beaucoup plus humaine. Cela peut sembler contradictoire avec la digitalisation, mais ce n’est pas le cas. On va plus échanger, on va davantage utiliser les biens en commun et la digitalisation va permettre justement de mieux organiser tout ça. Uber en est un bon exemple.

MC.S. Je suis d’accord. Avant, on achetait des CD, mais on écoutait moins de musique puisqu’on restait souvent dans un genre particulier. Aujourd’hui, on fait plus de découvertes et on a aussi plus d’amis. Cela ouvre les consciences. Avant, lorsqu’on voulait entrer en contact avec quelqu’un en Afrique, il fallait envoyer un courrier ou téléphoner, mais c’était compliqué. Maintenant, tout se fait en temps réel. Quand il y a des innovations politiques ou que l’on évoque la bonne gouvernance, on peut se parler directement et cela élève les standards dans d’autres endroits. Cela a changé le monde.

T.G. On est aujourd’hui dans un village de 4 milliards d’habitants. Sur une population mondiale de plus de 7 milliards d’êtres humains, nous sommes en effet 4 milliards à être connectés. On est à un clic l’un de l’autre et il faut continuer à connecter le monde. C’est un droit humain presque essentiel parce que le droit à la connexion entraîne la démocratie.

MC.S. Quelqu’un dans le Kerala peut aujourd’hui avoir, sans une éducation scolaire pointue, des connaissances sur plein de choses, s’il choisit les bons mots clés sur Google…

Mais le quasi-monopole d’un acteur surpuissant comme Google comme porte d’accès à l’information, ça ne vous fait pas peur ?

MC.S. Je regarde ça comme un 100 mètres avec Usain Bolt, parce qu’il y a d’autres coureurs. Avant, c’était AltaVista, Lycos et d’autres encore. Donc la question que je vous pose, c’est comment Google, qui est arrivé après, a fait pour s’imposer ? C’est quoi, le petit plus ?

T.G. La force de Google a été de penser vraiment à l’utilisateur. Donc, on ne parle pas de business model, mais d’une vraie volonté de distribuer l’information. Il a développé le système du PageRank (algorithme de classement des pages web, Ndlr) qui était plus intelligent que les autres systèmes. Mais quelqu’un pourrait très bien, à l’avenir, faire mieux que Google. Et puis, il y a beaucoup plus de concurrence que ce que l’on croit. On ne vit pas du tout dans un état d’esprit monopolistique. N’oubliez pas non plus les Chinois. Là-bas, il y a 181 sociétés valorisées au-dessus du milliard. Baidu est peut-être là pour nous tuer demain.

MC.S. Mais vous êtes un outil ou bien vous avez des valeurs ? Parce qu’on a l’impression que c’est plutôt ” Je veux quelque chose, paf, Google ! “. Donc, pour l’image, on dirait que c’est un outil…

T.G. Mais c’est un outil ! Notre mission consiste à donner l’accès à l’information à tout un chacun et de rendre cet outil utile. Mon objectif personnel n’est pas de faire du profit, mais bien de rendre l’information accessible. Alors, in fine, on gagnera peut-être de l’argent, mais la mission n’est pas celle-là. Google est parfois critiqué mais c’est comme pour l’intelligence artificielle : elle est très décriée mais on peut aussi se poser la question de savoir comment elle peut nourrir la musique. En Belgique, il y a un artiste, Ozark Henry, qui est en train de composer un album avec l’aide de l’intelligence artificielle. Ce sont souvent les artistes qui sentent en premier ce qui est en train de se passer. Ils ont un rôle essentiel.

MC.S. On m’a proposé aussi de composer avec une intelligence artificielle. C’est Dan Levy du groupe The Dø qui a eu cette idée. Il m’a présenté un projet l’année dernière avec des données, mais je ne sais pas où cela en est maintenant.

T.G. On pourrait, par exemple, alimenter une machine avec toutes les chansons, les paroles et les partitions de MC Solaar et de Mylène Farmer et de voir en retour ce que l’intelligence proposerait comme nouvelle chanson ( rires) !

MC.S. Il y aura des problèmes de droits ! Qui sera l’auteur : Mylène Farmer, le propriétaire du logiciel ou moi ( rires) ?

T.G. Justement, comment démarre-t-on le processus d’une chanson ? Cela vient comme ça, dans le métro ?

MC.S. Si c’est le lundi, ce ne sera pas la même chose que le mardi. Souvent, le processus démarre avec la musique. J’entends des notes et puis, j’ai quelque chose qui devient leader dans le cerveau. Mais parfois, pendant un an, je ne fais rien. Je fais de la musique quand j’ai des choses à faire. Ici, pendant 10 ans, je n’ai pas fait d’album.

T.G. Mais pourquoi ?

MC.S. Je voulais m’arrêter deux ou trois ans…

T.G. Et cela a duré 10 ans !

MC.S. Oui, c’est la vie, ça.

T.G. ( Rires) Et donc le dernier album, en combien de temps a-t-il été conçu ?

MC.S. Oh, je dirais huit mois. Parce que je n’étais pas régulier. J’avais encore les réflexes de paresseux ( sourire). Mais c’est bien parce que, pendant toutes ces années, j’ai pu faire plein de trucs. J’ai élevé mes enfants, j’ai pu aller au musée, rencontrer des gens, faire ” Copains d’avant ” en réel… Mais ce ne sont pas de conseils que je peux donner à quelqu’un.

MC Solaar:
MC Solaar: “Je voulais m’arrêter deux à trois ans. Cela a duré 10 ans. C’est la vie.”© Laurie Dieffembacq (belgaimage)

Par exemple, dans la chanson “Eksassaute”, vous racontez l’histoire d’un patron qui dédie toute sa vie à son travail et finit par oublier de penser à lui, à sa famille et à ses amis. Comment vous est venue l’idée de ce texte ?

MC.S. Je me suis inscrit dans un club de sport, pas très loin de chez moi. Un jour, dans les douches, j’ai entendu un gars dire à un jeune qui voulait lancer un business : ” Ne fais jamais quelque chose qu’un Chinois peut faire ou sinon, tu vas te planter “. J’ai trouvé que c’était une maxime extraordinaire. C’était peut-être vrai ou pas, peu importe, mais c’était le conseil d’un senior à un jeune. Et si on ne lui donne pas de conseil, cette personne va peut-être commettre des erreurs, par exemple se lancer dans un business de coques de smartphones, faire des emprunts bancaires, s’endetter, perdre son temps… Dans le même temps, j’allais aussi dans des cafés où je rencontrais des gens, dont des étudiants en école de commerce. Je les ai vus pendant cinq ans. Ca m’a fait réfléchir. Donc, j’ai raconté toute une histoire. Je voulais transmettre ça. Dire aux gens qu’il ne faut pas se focaliser que sur son business, qu’il faut aussi prendre le temps de vivre…

T.G. Mais pourquoi, dans votre chanson, il est patron d’une ” petite fabrique de trampolines ” ?

MC.S. Parce que la chanson s’appelle Eksassaute… ( rires)

T.G. ( Rires) Fantastique !

En tant que patron, vous vous êtes retrouvé dans cette chanson, Thierry Geerts ? Vous pensez suffisamment à vous et à votre famille ?

T.G. C’est un sujet super important parce qu’on vit effectivement dans une société où tout va vite. Chez Google, nous sensibilisons énormément nos employés pour éviter qu’ils travaillent nuit et jour. Ils sont passionnés par ce qu’ils font et il faut parfois réellement leur dire : ” Mais rentre à la maison, va voir tes enfants, c’est important ! “. Je crois que l’être humain n’est stable et heureux que s’il trouve cet équilibre entre sa vie de famille et sa vie professionnelle : passer un bon moment à table, s’occuper de ses enfants et avoir du succès professionnel, peu importe si ça rapporte de l’argent ou pas. La seule erreur qu’on a fait par le passé, c’est de mesurer notre bonheur avec de l’argent. C’est affreux. Il y a quelques mois, j’ai d’ailleurs lu dans vos pages l’interview d’un grand patron de médias belge qui disait que sa mission première était de faire de l’argent. Cela ne me plaît pas. Moi, je ne vois pas du tout les choses de cette façon. Notre mission, je le répète, c’est de donner l’accès à l’information à tout un chacun. Il faut d’abord faire ce qu’on a envie de faire, que ce soit écrire des chansons ou autre chose. Si ça rapporte, tant mieux, mais l’argent ne doit jamais être la première motivation. Et donc, pour en revenir à Eksassaute, je trouve que c’est important d’écrire et de chanter ce genre de texte.

MC.S. Il faut faire attention parce que moi, c’est l’excès inverse que j’ai eu. Depuis l’école, j’ai toujours fait ce que je voulais et cela m’a quand même posé des problèmes. Je n’étais pas organisé et donc j’ai dû m’adapter.

T.G. Un peu de structure dans une vie, c’est important.

MC.S. Je n’en ai strictement jamais eu. Heureusement que j’ai des compositeurs qui, eux, sont super carrés !

T.G. Sur YouTube, ce n’est pas si facile de trouver votre nouvel album. Vous avez une équipe qui travaille là-dessus ?

MC.S. Je ne sais pas. Je ne suis pas trop sur les réseaux sociaux car je ne voulais pas m’y mettre quand je ne faisais rien. J’aurais alimenté du vide. Mais je vais m’y mettre. On en revient à mon problème de structure ( sourire).

T.G. ( Rires) Il y a encore un bon potentiel devant vous !

MC.S. Oui, c’est pour le futur.

Mais sur Twitter et Facebook, on trouve pourtant plusieurs comptes à votre nom…

MC.S. Oui, un jour, j’ai rencontré quelqu’un qui m’a dit : ” Pourquoi tu n’es pas venu à mon événement ? Je t’ai envoyé une invitation sur Twitter ! “. Je lui ai répondu : ” Mais ce n’est pas moi ! ”

T.G. Aujourd’hui, il faut considérer une marque – je me permets de dire que MC Solaar est une marque – comme quelque chose qui est open source. On n’est plus dans un monde où l’on contrôle tout. On est en open source, c’est-à-dire que l’on s’offre à sa communauté. Car non seulement, c’est impossible de tout contrôler, mais en plus, ce n’est pas intéressant. Les gens qui essaient de tout contrôler, ça ne marche pas. C’est d’ailleurs un des grands drames de la Belgique avec l’image de Tintin : au lieu de rendre Tintin dynamique et accessible au plus grand nombre, Moulinsart l’a cadenassé. Or, aujourd’hui, les marques qui réussissent sont justement les sociétés qui lâchent. Google est le bon exemple. On crée des softwares qui sont super sophistiqués et qui sont super chers et on les offre à la communauté. C’est la même chose avec les marques ou avec vous : il faut être assez fort pour oser lâcher ça.

MC.S. Mais il faut quand même le discours…

T.G. Oui, mais c’est plutôt capter et orienter que cadenasser. Cela demande plus d’empathie.

MC.S. Un jour, il va vraiment falloir que je le fasse ( sourire).

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