À l’heure de l’éolien et du photovoltaïque, quid du stockage de l’énergie ?

© CHRISTOPHE TOFFOLO

L’annonce a fait le tour de la planète : le groupe Tesla va prochainement installer un parc de batteries pour stocker l’énergie en Australie. Très médiatisée ces derniers temps, cette technologie n’est pourtant pas la seule solution. D’autres méthodes sont également envisageables. Leur développement ne se fera toutefois pas sans un cadre législatif favorable.

Dans le monde de l’énergie, les batteries au lithium sont devenues la technologie à la mode. Début juillet, le charismatique Elon Musk annonçait que son groupe Tesla créera bientôt la plus grande zone de stockage en Australie. D’une capacité prévue de 100 MW, le projet devrait voir le jour, selon le patron, pour la fin de l’année. Si l’objectif est ambitieux, il pourrait bien être le début d’une réponse à l’une des plus grandes difficultés de l’énergie renouvelable : parvenir à fournir de l’électricité de manière continue dans le temps. Le solaire et l’éolien étant forcément dépendants de Dame Nature, le développement d’une technologie de stockage est indispensable. ” Dans certaines régions, il commence à être nécessaire d’arrêter des éoliennes car la production est trop importante par rapport à la consommation et que nous n’avons pas de ressources pour stocker le surplus “, explique d’ailleurs Francesco Contino, professeur au sein du département d’ingénierie mécanique à la VUB. De là à considérer les batteries comme la solution miracle ? Probablement pas.

Pour stocker l’énergie, il existe une petite dizaine de solutions, aussi bien mécaniques qu’électrochimiques.

D’autres technologies sont à l’étude. Si la plupart ne dépassent pas le niveau d’avancement des batteries d’Elon Musk, certaines technologies ont en revanche déjà prouvé leur efficacité. La CREG s’est penchée sur le sujet, dans un rapport analysant l’état actuel de l’offre de stockage d’énergie. Elle recense une petite dizaine de solutions, aussi bien mécaniques qu’électrochimiques, allant du turbinage aux batteries de toutes sortes en passant par l’utilisation de l’air comprimé. ” Chacune des technologies a des points forts et des faiblesses, explique Laurent Jacquet, directeur à la CREG. Le pompage-turbinage a, par exemple, un bon niveau de maturité mais nécessite de très gros investissements et une situation géographique très spécifique. A l’inverse, les batteries sont flexibles et plus abordables. Mais leur efficacité n’est pas encore optimale et doit encore être améliorée. Il ne faut donc pas favoriser une technique au détriment d’une autre. En leur laissant à toutes la possibilité de se développer, cela permettra, au final, d’en voir émerger efficacement l’une ou l’autre. ”

Coo, la référence du pompage-turbinage

La centrale de Coo a développé le principe du pompage-turbinage il y a une dizaine d'années et a adapté la technologie à l'éolien et au solaire.
La centrale de Coo a développé le principe du pompage-turbinage il y a une dizaine d’années et a adapté la technologie à l’éolien et au solaire. © CHRISTOPHE TOFFOLO

Le pompage-turbinage arrive en tête des solutions actuellement les plus efficaces. En Belgique, ce principe est développé depuis plusieurs dizaines d’années à la centrale de Coo (province de Liège) détenue par Engie. Proche de celle utilisée dans les barrages classiques, la technologie fonctionne grâce à l’énergie de l’eau stockée dans un bassin supérieur qui alimente une turbine transformant le mouvement en courant électrique. A l’inverse du barrage, la centrale de Coo fonctionne en vase clos. ” Nous travaillons en fonction de l’offre et de la demande pour soit injecter de l’électricité dans le réseau, soit la stocker en faisant remonter l’eau dans les bassins supérieurs pour une demande postérieure “, explique Marc Locht, responsable de l’exploitation de la centrale. Cette dernière a une puissance pouvant aller jusqu’à 1.200MW, soit un peu plus que le réacteur Doel 4. On est donc bien loin du projet de batteries au lithium du groupe américain.

Conçue comme un complément à l’énergie nucléaire, la centrale de Coo s’est parfaitement adaptée au développement du renouvelable. ” Auparavant, c’était très simple, poursuit Marc Locht. Le cycle se faisait de manière complète, en turbinage le jour et pompage la nuit, lorsqu’il y avait moins de consommation. Aujourd’hui, il faut s’adapter à l’éolien et au solaire, si bien que d’un jour à l’autre, la production est différente. On effectue plusieurs cycles de pompage-turbinage par jour. ” Car malgré l’importance de l’infrastructure, la réactivité est l’une des forces de la centrale. ” En deux minutes, nous pouvons activer toute la puissance, précise le responsable de la centrale. Coo est d’ailleurs le premier site à redémarrer en cas de black-out total. ”

À l'heure de l'éolien et du photovoltaïque, quid du stockage de l'énergie ?
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Nouvelle législation indispensable

L’efficacité est donc bien au rendez-vous, Engie dispose d’ailleurs d’un projet d’extension qui prévoit la création d’un nouveau bassin supérieur et la mise en place de deux nouvelles turbines. Un investissement de 600 millions d’euros serait nécessaire pour permettre d’accroître la puissance de 600MW. La réalisation d’un tel projet dépendra de l’évolution de la réalisation. ” Le cadre régulateur actuel est incertain et défavorable, confie Anne-Sophie Hugé, porte-parole d’Engie. La centrale de Coo est soumise à une double taxation selon qu’elle injecte ou consomme de l’électricité, ça n’a pas de sens. ”

La législation n’est donc plus vraiment en adéquation avec la réalité de l’énergie renouvelable et aurait donc bien besoin d’un petit coup de jeune. Un constat que confirme la CREG qui écrit, dans son rapport sur le stockage, que ” le montant des tarifs, taxes, surcharges et autres obligations imposés au stockage représente une première barrière au développement des centrales de stockage directement raccordées au réseau “. Les choses pourraient néanmoins bouger dans un futur proche avec l’adoption par le Parlement fédéral d’une loi permettant de réduire les taxes à charge du stockage. ” Les mesures qui seront prises permettront alors de trancher sur l’avenir du site “, explique-t-on encore du côté d’Engie. Et attirer Elon Musk chez nous ?

Par Arnaud Martin.

La chimie comme solution ?

Depuis près de deux ans, le monde universitaire se penche sur la question du stockage d’énergie, mais sous une forme encore plus méconnue. Le projet FREE (Flexible eneRgy vEctors of the futurE) a été mis en place par cinq universités afin d’étudier une technologie chimique, visant à transformer l’électricité en carburant. L’énergie produite est d’abord transformée sous forme d’hydrogène qui peut être ensuite directement utilisé comme source d’énergie ou être à son tour transformé en méthane, méthanol ou ammoniac, à l’état liquide ou gazeux. “Cela permettrait le stockage à long terme, à l’inverse des batteries actuelles”, commente Maxime Pochet, l’un des doctorants travaillant sur le sujet avec le professeur de la VUB Francesco Contino.

La maturité de cette solution n’est toutefois pas encore optimale, la CREG la classe d’ailleurs à maturité faible dans son rapport. Mais le professeur est optimiste quant à son évolution. “La phase de transition avec l’énergie renouvelable est aujourd’hui une réalité, nous sommes dedans, assure Francesco Contino. Il faut trouver un mixte entre deux systèmes. D’une part, une solution de stockage permettant de répondre à la variabilité de la demande quotidienne, pour cela les batteries lithium sont efficaces. Et d’autre part, des solutions pour la variabilité à long terme, comme la plus faible production en hiver. Pour ce point, le stockage chimique est l’une des possibilités.”

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