Quand les avocats comblent eux-mêmes les carences de la justice

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Une nouvelle plateforme digitale permet aux avocats de déposer leurs conclusions auprès des cours et tribunaux… qui ne sont eux-mêmes pas tous informatisés.

La Digital Platform for Attorneys (DPA) est sur les rails. Concocté et financé, à hauteur de 1,5 million d’euros, par l’Ordre des barreaux francophones et germanophone (Avocats.be) et l’Ordre des barreaux flamands (OVB), ce nouveau système informatique offre aux avocats un accès en ligne unique, pour tous leurs contacts avec l’institution judiciaire. Via cette plateforme digitale, qui est actuellement en phase de test auprès d’un groupe limité d’utilisateurs avant d’être élargie à l’ensemble des membres des barreaux, les avocats pourront déposer leurs conclusions et autres pièces sous forme électronique auprès des greffes des cours et tribunaux. Les avocats payeront une redevance à l’Ordre pour chaque dépôt de conclusion.

Jean-Louis Joris (Avocats.be) :
Jean-Louis Joris (Avocats.be) : “On a parfois l’impression d’être au 19e siècle.”© PG/Thierry Dauwe

Cela signifie-t-il que la justice s’est enfin informatisée ? Non. Si les cours d’appel, les tribunaux du travail et certains tribunaux du commerce et de première instance sont passés au e-deposit (dépôt électronique), ce n’est pas le cas des autres juridictions, qui fonctionnent encore exclusivement avec le bon vieux papier. Jusqu’à présent, les avocats y déposaient donc leurs conclusions par courrier recommandé, par fax, ou en se rendant sur place. ” On a parfois l’impression d’être au 19e siècle “, soupire Jean-Louis Joris, administrateur et responsable informatique chez Avocats.be. Avec la DPA, même si le tribunal avec lequel l’avocat communique n’est pas encore entré dans l’ère numérique, ses conclusions seront acheminées au greffe d’un simple clic. Les représentants des avocats ont en effet signé un partenariat avec Unified Post, qui convertit les documents électroniques en format papier et les transmet au tribunal. Une sorte de numérisation inversée.

Bons de greffe

D’autres projets viendront ensuite se greffer sur cette DPA. Un service d’échange sécurisé d’informations, baptisé e-box, permettra aux avocats de communiquer avec les greffes, et notamment d’obtenir la signification d’un jugement de façon électronique. Aujourd’hui, pour obtenir copie d’un jugement, un avocat doit se rendre sur place. Il n’est pas rare, surtout en droit pénal, qu’un avocat se fasse lire une décision qui le concerne par téléphone. Un système de paiement électronique des droits de greffe est également en développement. Les tribunaux ne sont en effet pas équipés de lecteurs de cartes : les paiements se font en cash ou… en bons de greffe, l’un des derniers avatars des archaïques carnets de chèques.

Avec tous ces projets digitaux, les représentants des avocats suppléent aux carences d’un département de la justice certes sous-financé, mais qui s’est révélé incapable de développer un système informatisé digne de ce nom. ” C’est une véritable révolution pour l’Ordre, explique Jean-Louis Joris (Avocats.be). Cela ne fait pas partie de nos missions légales, mais si nous ne le faisons pas, le risque est que rien ne bouge. Cela nous fait entrer dans une sorte de démarche entrepreneuriale, avec des budgets et un équilibre financier à trouver. C’est un peu angoissant, mais nous sommes en train de réussir notre pari. ”

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