Quand la philo s’en mêle

" Ce programme permet d'élever la conscience et de prendre la mesure de ce qui se passe autour de nous. " © PG

Pour la septième année consécutive, la Solvay Brussels School propose un module de réflexion philosophique étalé sur neuf mois. A raison d’une journée par mois, cadres et patrons d’entreprises sont amenés à se frotter à des philosophes de courants différents. Objectif : prendre du recul sur sa pratique professionnelle, lui donner un sens nouveau et repousser les limites de la réflexion sur la façon dont chaque participant conçoit son rapport au management.

Que se passe-t-il quand un penseur comme Raphaël Enthoven croise le fer avec un capitaine d’industrie comme Jean-Pierre Hansen ? Qu’ont à se dire le philosophe et sinologue François Jullien et Jean-Paul Philippot quand ils ont l’occasion de se rencontrer ? C’est tout l’enjeu de la formule proposée par ce module de formation unique en son genre. ” Il n’y a en effet pas d’équivalent, à ma connaissance “, confirme Philippe Biltiau, un des trois codirecteurs académiques de ce programme, avec Laurent Ledoux et Laurent Hublet. ” Nous avons aujourd’hui plus de 150 cadres qui ont suivi cette formation. Tous nous disent que ces neuf jours de rencontres ont représenté pour eux des moments de pause nécessaires, des moments de recul indispensables pour confronter leur pratique professionnelle avec d’autres personnes que leurs collègues ou leur patron. C’est une respiration qui leur apporte du sens dans leur trajectoire professionnelle. ”

Le nouveau cycle de l’Executive Programme en Management et Philosophies débute en novembre prochain et s’étalera jusqu’au mois de juin. Les neuf journées du programme sont groupées en quatre domaines de réflexion : la régulation et la liberté, la prise de décision et les émotions, le sens du management et, enfin, comment appréhender la complexité. ” Nous avons un tiers des participants qui viennent du secteur non marchand, un autre tiers sont des patrons de PME et le tiers restant représente des cadres de grandes entreprises. Nous ne sommes pas là pour convaincre nos participants de rejoindre Katmandou en fin de cycle, ironise Philippe Biltiau. Nous ne sommes pas là non plus pour offrir des recettes toutes faites, sur le bonheur au travail par exemple. Notre méthode à nous est de permettre aux participants de vivre des moments uniques de rencontres, de confronter des personnes qui habituellement n’ont pas l’occasion de parler ensemble du travail et du sens à apporter aujourd’hui à cette période de mutations. Je suis personnellement très touché par un penseur comme André-Comte Sponville et ses réflexions sur le bonheur. Il y a aujourd’hui dans le monde de l’entreprise une prise de conscience réelle sur la façon de gérer l’augmentation importante de cas de burn-out. Prendre le temps d’écouter un penseur sur la recherche du bonheur par l’individu apporte un éclairage nouveau et des réponses nouvelles aux problèmes que rencontrent aujourd’hui bon nombre d’entreprises. ” Un regard décalé, donc, qui a pour vocation de rafraîchir les réflexions managériales actuelles.

Remettre à plat les pratiques traditionnelles

Muriel Hanikenne est senior talent manager au sein du groupe industriel Engie. Elle s’est inscrite au module de formation qui est sur le point de commencer. ” Il me semble que cette démarche favorise le questionnement et donc, nécessairement, la prise de recul. Je suis amenée à faire du coaching dans mes fonctions et un programme comme celui-ci permet d’élever la conscience et de prendre la mesure de ce qui se passe autour de nous. J’ai déjà été amenée à suivre des cycles de conférences où l’on abordait des questions sous l’angle philosophique. Mon propre rayonnement au départ d’une réflexion de ce genre aura, je l’espère, un impact sur les personnes que je vais être amenée à coacher dans leur développement. Une sorte d’effet papillon. C’est également une prise de hauteur qui va non seulement renforcer la crédibilité de mes actions au sein de mon entreprise mais également me permettre de remettre à plat les codes de pratique managériale en fonction des changements actuels au sein de notre société. ”

” Parmi les nombreux thèmes abordés, la place de l’erreur et de la faute en entreprise me semblent, par exemple, être des questions actuelles très pertinentes, poursuit Muriel Hanikenne. Souvent quand on prépare les cadres dirigeants, on met plutôt l’accent sur les points forts de la personne et on a plutôt tendance à cacher ce qui peut apparaître comme des échecs. Reconsidérer cela sous la lumière plus philosophique de la place à accorder aux différents essais menés au sein d’une carrière me semble tout à fait intéressant. Et puis, j’attends aussi beaucoup des échanges que je vais pouvoir avoir avec d’autres cadres ou patrons d’horizons différents. La réflexion philosophique mêlée au partage d’expériences devrait m’apporter des réponses aux questions que je me pose actuellement. ”

La philo au service de l’innovation

Serge Maes, information technology manager pour les entreprises du Village n°1, a, quant à lui, suivi cette formation l’année passée. ” Le lien entre philosophie et monde du travail me paraît aujourd’hui aller complètement de soi. L’innovation managériale ne peut se faire si on ne repense pas fondamentalement notre rapport au travail en tenant compte des avancées de notre époque. Le penser et le repenser est un préalable à toute innovation. Il m’a été très difficile après cette formation de faire le deuil de ces moments de recul offerts. Il n’y a pas aujourd’hui de lieu de parole au sein des entreprises pour évoquer ces questions de management sous l’angle philosophique. J’ai le sentiment qu’un seul courant de pensée économique a été dominant pendant de nombreuses années. L’ouverture actuelle à un management plus philosophique, plus humain, me semble être une voie salutaire au regard, notamment, de la pression toujours plus forte sur le lieu de travail. Il est temps de prendre en considération les désirs actuels des travailleurs. J’ai pour ma part été marqué dans le programme par la rencontre avec un patron comme Yves Jongen (fondateur et chief research manager IBA, Ndlr) qui est pour moi emblématique de ce renouveau managérial. Un patron éclairé, qui permet le transfert de cette lumière depuis la haute fonction dirigeante jusqu’à la base des employés. ”

” Ce n’est pas la sagesse qui me vient en premier à l’esprit pour évoquer ce programme, conclut Philippe Biltiau. Je parlerai plutôt d’une prise de conscience responsable et d’un recul nécessaire que doivent avoir tous ces cadres et dirigeants d’entreprises par leur position impactante .”

” Executive Programme en Management et Philosophies “, soirée d’information le 24 octobre, www.solvay.edu

FABRICE LAMBERT

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