Paul Magnette et sa rage noire contre Proximus

Amid Faljaoui

Le plan de transformation de Proximus qui devrait se solder par 1.900 licenciements ne passe pas auprès du monde politique. Si le Premier ministre l’a déjà fait entendre directement et très vertement à Dominique Leroy, CEO de Proximus, il est en revanche plus rare de voir une personnalité politique de l’opposition prendre une position encore plus dure.

Pourtant, c’est le cas avec Paul Magnette, bourgmestre de Charleroi et porte-parole du parti socialiste. Dans le cadre d’une interview qu’il a accordée à mes confrères du journal L’Echo, il n’y va pas avec le dos de la cuillère. Il pose directement la question de l’incompétence du PDG de Proximus et de son comité de direction. Etant dans une rage noire comme il l’indique lui-même, il dit et je le cite : ” Cette boîte est gérée par un management incompétent “. C’est effectivement d’une rare violence verbale ! Dans cette même interview, il avoue ne pas croire à l’excuse de la concurrence du numérique pour justifier ces 1.900 départs. Paul Magnette estime que la direction de Proximus est trop bien payée pour ne pas savoir depuis 10 ans au moins que la digitalisation de nos sociétés est un défi. Conclusion de son raisonnement : il ne comprend pas que des mesures n’ont pas été prises plus tôt pour accompagner cette transformation digitale.

Le politique est aussi fautif : il se plaint d’être mis devant le fait accompli des 1.900 licenciements, mais il n’a pas donné de feuille de route à ses représentants.

De son côté, Paul Gérard, l’éditorialiste du journal L’Echo estime que des entreprises aussi différentes que Proximus, telles ING ou Carrefour, ont également utilisé l’excuse du numérique qui est, selon lui, une grosse ficelle pour se débarrasser en réalité des travailleurs les plus coûteux, à savoir les plus âgés. Ce qui pose par ailleurs aussi un défi aux syndicats : doivent-ils encore défendre le salaire à l’ancienneté au risque de voir d’autres entreprises prendre les mêmes mesures qui défavorisent les 55 ans et plus ? Ou doivent-ils changer de cheval de bataille et accepter que le salaire ne soit pas nécessairement lié à l’ancienneté pour préserver les emplois du personnel plus âgé ? La question reste posée aujourd’hui.

En revanche, ce qui étonne dans l’interview de Paul Magnette, c’est qu’il demande aussi à ce que le gouvernement ait plus de pouvoir de contrôle sur une entreprise comme Proximus. En d’autres mots, il reconnaît que l’Etat est actionnaire principal de Proximus mais n’a plus grand-chose à dire sur sa gestion. Paul Magnette a raison mais il oublie juste de dire que tous les partis politiques qui se sont succédé au pouvoir fédéral – dont le sien – ont aussi favorisé l’autonomie de Proximus. Ils ont beaucoup parlé d’Etat stratège, mais en réalité ils ont donné les clés de la maison au management. Et tant mieux d’ailleurs car l’Etat actionnaire est schizophrène : il ne veut pas de licenciements secs mais il pousse à l’arrivée d’un quatrième opérateur ou favorise des réglementations (ouverture du câble) qui plombent la rentabilité de Proximus.

Par ailleurs, le dernier gouvernement Michel a même donné le droit au conseil d’administration de Proximus de nommer le futur CEO de l’entreprise alors que jusqu’ici c’était un droit réservé exclusivement au gouvernement. Les plus avisés diront que ce n’est pas grave puisque le gouvernement a des représentants au sein du conseil d’administration de Proximus. Mais justement, ce sont ces mêmes administrateurs qui ont voté à l’unanimité le plan de restructuration actuel.

Bref, le politique est aussi fautif : il se plaint d’être mis devant le fait accompli des 1.900 licenciements, mais il n’a pas donné de feuille de route à ses représentants. Maintenant, il faut raison garder et ne pas crier au cataclysme avant de voir si les 1.900 départs sur trois ans auront vraiment lieu ou si le chiffre sera plus bas après négociation avec les syndicats. Aujourd’hui, les départs sont chiffrés à 1.900 mais Proximus s’engage aussi à engager 1.250 nouveaux profils. Ce qui veut dire que sur trois ans, les départs nets seront d’un peu plus de 200 par an. Je rappelle qu’au cours des dernières années, les départs étaient de 400 par an ! La différence étant que, maintenant, la direction de Proximus parle de licenciements secs et non plus de prépensions. Les négociations n’en seront que plus dures.

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