Entreprises familiales: opter pour un conseil d’administration ou consultatif?

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Les entreprises familiales qui souhaitent professionnaliser leur gestion font souvent appel à des conseillers et administrateurs externes. Mais vaut-il mieux les rassembler dans un organe purement consultatif ou opter pour un conseil d’administration avec un réel pouvoir de contrôle ?

La moitié environ des entreprises familiales ont un conseil d’administration ou un conseil consultatif actif. C’est ce que révèle une étude réalisée par Johan Lambrecht, professeur à la KU Leuven (campus de Bruxelles) et lié au Studiecentrum voor Ondernemerschap (Centre d’études de l’entrepreneuriat) et à l’Instituut voor het Familiebedrijf (Institut de l’entreprise familiale). Serait-il donc urgent que les conseils d’administration deviennent plus actifs ? La réalité est plus nuancée. Les entreprises familiales cherchent surtout la solution la mieux adaptée au regard de leur croissance et de leur désir de professionnalisation.

Quant à Johan Lambrecht, il voudrait surtout mettre fin à la confusion des rôles. ” Dans une entreprise familiale, il y a officiellement trois niveaux : propriété, administration et gestion journalière. Le conseil d’administration et le conseil consultatif se situent tous deux au niveau intermédiaire. On peut constituer un conseil consultatif dans n’importe quelle entreprise, tandis qu’un conseil d’administration est obligatoire dans une S.A. ”

Les explications concernant cette obligation légale nous sont fournies par Rik Donckels, professeur émérite à la KU Leuven, fondateur en 1983 du KMO-Studiecentrum, le centre d’études des PME, et cofondateur de l’Instituut voor het Familiebedrijf. ” Selon la législation sur les sociétés, toute société doit avoir un organe d’administration, explique-t-il. Cet organe peut poser tous les actes qui ne sont pas expressément réservés à l’assemblée générale. Outre prendre ces décisions, cet organe est également chargé de leur exécution et de représenter la société. ”

Dans la pratique, toutefois, on rencontre quantité de variations sur le thème. Souvent, les S.A. familiales ont un conseil d’administration, mais qui ne fonctionne pas activement. D’autres variantes fréquentes sont le conseil d’administration familial (composé exclusivement de membres de la famille), le conseil d’administration actif comportant des personnes extérieures à la famille et la combinaison d’un conseil consultatif et d’un conseil d’administration au sein de la même entreprise. Cette mixité se retrouve souvent dans des entreprises qui commencent par installer un conseil consultatif, qui en tirent les leçons et qui gardent ce conseil lorsqu’elles en viennent à instituer un conseil d’administration. Mais il y a d’autres solutions. Chez ASCO Industries, qui fabrique des composants pour avions, la famille Boas a opté pour un conseil d’administration actif, composé de membres de la famille et d’administrateurs indépendants. Ce conseil se fait épauler par différents comités, comparables à un conseil consultatif. On peut donc rencontrer toutes les nuances de gris. Mais quelles sont les différences de fonctionnement déterminantes pour le choix que posera une entreprise familiale ?

1. Avis contraignant ou pas

La principale différence entre le conseil d’administration et le conseil consultatif réside dans la responsabilité des membres. Les membres d’un conseil d’administration sont responsables de leurs décisions au sens juridique du terme. Ce n’est pas le cas pour un conseil consultatif. Cette différence fait que le conseil d’administration est un véritable organe de contrôle. ” Une décision de conseil d’administration a force impérative et absolue, souligne Rik Donckels. Ses décisions doivent tout simplement être exécutées. Les entreprises familiales veulent parfois rectifier le tir au moment de la mise en oeuvre d’une décision, mais c’est tout bonnement interdit. La famille peut se protéger contre cette situation au moyen d’une charte familiale. Même quand une nouvelle génération reprend le gouvernail, elle doit respecter les décisions prises par le passé par le conseil d’administration. Il est donc important de définir clairement les circonstances dans lesquelles une décision peut être révoquée. ”

Le choix d’un conseil consultatif équivaut souvent, dans ce contexte, à réserver un rôle plus informel aux conseillers extérieurs. Une famille peut en outre dissoudre le conseil consultatif sans motif, même si l’apport des conseillers externes est bénéfique. Dans un conseil d’administration, on peut aussi destituer un administrateur, mais la procédure est moins évidente, notamment parce que cela doit être publié aux annexes du Moniteur belge. Johan Lambrecht apporte cependant une nuance à cette différence essentielle. ” Dès lors qu’un conseil d’administration ou un conseil consultatif fonctionne bien, je constate peu de différences dans la pratique. A strictement parler, l’avis du conseil consultatif n’est pas contraignant, mais si un entrepreneur familial accorde beaucoup d’importance à l’avis des externes, la différence devient souvent infime. ”

2. Transparence minimum ou totale

Une des conséquences logiques du caractère obligatoire des décisions du conseil d’administration est que les administrateurs extérieurs s’attendent à une transparence totale sur les chiffres. Rik Donckels parle d’expérience. ” Les entreprises familiales qui envisagent de laisser entrer des externes dans le conseil d’administration me demandent si ce seront de ‘vrais’ administrateurs. Quand je réponds oui, il s’ensuit souvent un silence ou une nouvelle question, à savoir s’ils devront voir ‘toutes’ les facettes financières de l’entreprise. Cela a, soit dit en passant, une conséquence positive importante : l’ouverture du conseil d’administration à des membres externes signifie souvent la fin de certains circuits dans l’entreprise familiale. ”

Du fait de leur responsabilité juridique, les administrateurs indépendants exigent une transparence totale. Mais cela ne signifie pas pour autant qu’on peut se contenter d’informer les externes du conseil consultatif au compte-gouttes. A ce niveau aussi, la transparence est de mise, même si elle se limite généralement au sujet traité par le conseil lors d’une réunion.

3. Condition de recapitalisation ?

Un troisième facteur, très déterminant, du choix en faveur d’un conseil consultatif ou du conseil d’administration est le pouvoir d’influence des tiers. Les entreprises familiales qui recherchent des capitaux externes découvriront souvent que les investisseurs potentiels sont très attachés au conseil d’administration et à son efficacité. ” Un tiers extérieur va souvent exiger des sièges au conseil d’administration, poursuit Rik Donckels. Surtout s’il s’agit de participations significatives, car en fin de compte, l’investisseur prend aussi des risques. Le besoin de capital intervient souvent dans une phase bien précise de la vie de l’entreprise, pendant laquelle les connaissances et l’expérience de personnes extérieures sont d’office les bienvenues. ”

Selon Johan Lambrecht, quand une entreprise familiale en quête de capital peut montrer qu’elle a un conseil d’administration actif, cela inspire confiance. ” On trouve plus facilement des capitaux extérieurs via un conseil d’administration actif. Cela prouve que l’entreprise s’est déjà engagée dans la voie de la professionnalisation. ”

4. Processus d’apprentissage ?

Reste que toutes les entreprises familiales ne sont pas mûres pour le scénario d’un conseil d’administration actif, avec des membres extérieurs à la famille. Celles qui se sentent trop peu expérimentées vont souvent commencer par essayer le conseil consultatif. ” C’est psychologique, estime Johan Lambrecht. Parfois, se lancer directement dans l’aventure du conseil d’administration et des indépendants, c’est viser trop loin. Mais le contraire peut aussi se produire. Que des indépendants souhaitent d’abord apprendre à connaître l’entreprise au sein d’un conseil consultatif avant de s’engager comme membre actif dans un conseil d’administration. ”

Le moment opportun pour faire le pas du conseil d’administration différera d’une entreprise à l’autre. Toutefois, pour Johan Lambrecht, il y a un moment idéal dans presque tous les cas : ” Lorsqu’une entreprise familiale décide, sur le plan opérationnel, de recourir à des managers extérieurs, elle peut aussi placer des administrateurs indépendants dans son conseil d’administration “.

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