” Nous sommes une vraie machine à recruter ! “

© Frédéric Raevens

“Group HR director” chez Puratos, Sophie Streydio décroche le titre de HR Manager of the Year 2017 décerné par les magazines “Trends-Tendances” et “Trends”. Pour soutenir l’expansion internationale de cette pépite de l’industrie belge, présente dans plus de 100 pays, la lauréate et son équipe ont mis en place une approche globale des ressources humaines.

C’est un joli paradoxe. Peu de Belges connaissent Puratos. Et pourtant, ils dégustent ses produits quasi quotidiennement en rendant visite à leur boulanger ou en allant au restaurant. Puratos, il est vrai, est une société purement B to B. Basé à Grand-Bigard, ce groupe international propose un assortiment complet de produits et solutions innovants dans les secteurs de la boulangerie, de la pâtisserie et du chocolat. Il possède 58 unités de production réparties dans le monde entier, 68 ?liales et 81 centres d’innovation. Ses produits sont vendus dans plus de 100 pays. En 2016, son chiffre d’affaires s’est élevé à 1,7 milliard d’euros. Puratos emploie 7.664 personnes dans le monde entier dont 1.168 en Belgique. Pour accompagner son développement, la société possède des départements RH dans de nombreux pays pilotés depuis le centre d’excellence de Grand-Bigard. A leur tête, Sophie Streydio qui a mis en place de nombreux processus globaux de ressources humaines. Ce qui lui vaut de décrocher le titre de HR Manager of the Year 2017 attribué par les magazines Trends-Tendances et Trends.

SOPHIE STREYDIO. Non, pas du tout ! (rire). En fait, et c’est un très beau symbole pour parler de Puratos, tout est parti d’une belle rencontre humaine. Un chasseur de têtes m’a appelée et m’a appâtée avec une belle histoire. Lors de notre première rencontre, Daniel Malcorps, le CEO, m’a raconté une histoire encore plus belle. Son amour pour Puratos se ressent très fort. Et c’est un raconteur d’histoires hors pair. Il m’a convaincue. C’était le bon job, le bon défi au bon moment. Et aussi la fin d’un cycle. Cela fait sept ans aujourd’hui…

Pourquoi pensez-vous avoir gagné cette récompense ?

Sincèrement, si je n’étais pas chez Puratos, je n’aurais jamais gagné. C’est une boîte en pleine croissance, porteuse de succès et qui a l’innovation dans son ADN. Le grand public nous connaît peu et pourtant, il mange du Puratos tous les jours ou presque. Ou il apprécie nos inventions technologiques dans le domaine de la nourriture sans savoir que cela vient de nous. Partenaires en innovation, c’est notre devise. Elle implique un niveau d’exigence élevé envers nous-mêmes. Et pour y arriver, il a fallu mettre en place des programmes RH très innovants et globaux. Evidemment, mettre de tels programmes en oeuvre dans 100 pays, c’est une autre dimension que le simple territoire belge. Cette globalité a aussi certainement contribué à mon élection. Mais ce n’est pas à cause de moi que j’ai gagné.

Excès de modestie ?

Mais pas du tout. Les leaders de Puratos croient en l’importance des RH. Ils sont très demandeurs et très exigeants. Vingt-cinq pour cent de notre croissance provient de l’innovation. Nos leaders attendent donc des solutions RH complexes, innovantes et sophistiquées pour soutenir cette croissance et répondre au business. Chez Puratos, nous ne travaillons pas en silo. Quand je mets au point un processus RH, il est validé et travaillé avec mes collègues du business. Donc, sans eux, je ne serais pas là où j’en suis. Enfin, j’ai une équipe fantastique. Des experts très pointus dans leur domaine au point qu’ils sont demandés pour animer des conférences et des séminaires. Et les pépites de mon équipe, je veille à ce qu’elles s’épanouissent. Par exemple, en six ans, une jeune Belge qui a commencé au payroll s’est retrouvée program manager du Digital HR au niveau mondial. J’ai aussi veillé à avoir dans mon équipe une diversité de backgrounds. Avec des gens issus du marketing, du business ou de la consultance. Ils apportent un point de vue différent. Après 25 ans de ressources humaines, c’est bien de pouvoir se remettre en question avec des avis nouveaux. Cela me pousse à être innovante.

Faites-vous partie du comité de direction ?

Oui et les sujets humains y sont systématiquement abordés. Sans son personnel, Puratos, société de connaissances, n’est rien. Donc cette importance est légitime. Ceci dit, les ressources humaines jouent un rôle important car nos leaders nous octroient une plateforme de choix. Les RH sont au centre du business parce que nos activités supposent énormément de mouvements. La mobilité interne est énorme chez Puratos. Que ce soit d’une fonction à l’autre ou d’un pays à l’autre. Il faut accompagner cette mobilité.

Bon an, mal an, pour accompagner sa croissance, Puratos engage 1.500 personnes au niveau mondial.

Oui, nous sommes une vraie machine à recruter. Dans le même temps, notre turnover est en dessous des 10 % au niveau mondial. C’est un chiffre exceptionnel, beaucoup moins élevé que dans l’industrie. Ce chiffre exprime tous les départs, donc aussi ceux liés à la pension. En Belgique, le turnover se situe en dessous des 6 %.

Comment expliquez-vous ce chiffre incroyable ?

Puratos est une société familiale gérée comme une boîte corporate mais avec une culture très humaine. Nos collaborateurs ont vraiment l’impression d’appartenir à quelque chose de spécial. Ici, tout le monde se connaît et se salue le matin. Pour un jeune employé en R&D, c’est Noël tous les jours chez Puratos. Nous avons les meilleurs laboratoires et centres d’innovation du monde, un matériel de pointe, etc. Nous fabriquons des experts via notre université et nous leur permettons de s’épanouir. Enfin, nous offrons des possibilités de développement à nul autre pareil. The sky is really the limit. Comme pour cet expatrié qui a commencé sa carrière en France avant de rejoindre l’Italie et le Brésil. Il vient d’être nommé vice president R&D pour les Etats-Unis… Il est possible d’apprendre quatre ou cinq langues avec Puratos et de beaucoup voyager. Pas seulement New York ou Londres mais l’Afrique du Sud, l’Argentine, l’Inde, le Vietnam, etc. Nous avons même des plantations de cacao. Comme à Tikul au Mexique. Nous l’avons créée de rien, quasiment dans la jungle et l’avons confiée à des locaux. En la construisant, nous avons découvert un site archéologique. Nous avons donc ouvert un musée juste à côté. C’est cela aussi Puratos !

Vous parlez d’experts. Qu’entendez-vous par là ?

La base de notre métier, c’est la R&D, la recherche et le développement. Elle est de deux types. Fondamentale et appliquée. Cette dernière est liée au client. Elle nous permet de répondre à sa demande de façon innovante et créative. Cette recherche est menée par nos experts qui possèdent et acquièrent des compétences techniques hors pair. Spécifiques aussi. Le poids de leur fonction évolue au cours des années mais aussi en raison de la globalité de notre métier. Donc, ces experts, hautement qualifiés, nous voulons les garder. Nous avons donc mis en place un trajet d’évolution spécifique qui leur permet de grandir dans la société en tant qu’expert et de s’épanouir dans leur domaine.

Quels profils recherchez-vous principalement ?

Pour les experts en R&D, des bio-ingénieurs. Donc, pour la Belgique, des ingénieurs issus de Gembloux, par exemple. Des vendeurs évidemment mais avec des compétences techniques liées à nos métiers. Enfin, des experts techniques comme des boulangers ou des pâtissiers capables de définir, avec le client, des recettes et produits innovants attendus par le consommateur et d’aller lui expliquer comment ils doivent être intégrés dans son processus de fabrication.

Une des caractéristiques du processus de recrutement chez Puratos est, sans conteste, cet ” onboarding ” qui dure un an. C’est long, non ?

Oui mais très efficace ! Comme nous sommes une société humaine, nous voulons bien connaître la personne que nous engageons. Chaque nouveau collaborateur doit comprendre comment la société fonctionne, quels sont les produits, les clients, etc. Pendant un an, il va être accompagné d’un mentor formé et désigné. Au menu : rencontres avec les leaders des différents métiers, une journée avec un vendeur pour comprendre les clients, une formation en pâtisserie, boulangerie et chocolaterie pour bien mettre la main à la pâte, des présentations, des rencontres en face à face avec des managers, etc. C’est un tremplin idéal pour être performant et intégré.

C’est une de vos créations ?

Non, l’onboarding existait déjà avant. Mais nous l’avons affiné et nous le développons chaque année. Il a été digitalisé en partie avec des vidéos, des quiz interactifs, etc. Cet onboarding est réalisé dans tous les pays où nous sommes présents.

Vous y avez eu droit aussi ? Qui a été votre mentor ?

Oui ! Mon mentor était le global market director de l’époque. Il m’a emmenée partout dans le monde. J’ai rencontré tout type de clients. Ce fut très instructif. J’ai compris, grâce à cela, quel genre de profils je devais engager. Le niveau du client détermine le niveau de notre collaborateur. C’est la seule manière de développer des solutions qui plaisent. J’ai aussi découvert toutes les cultures locales. Ce fut fondamental pour élaborer des stratégies RH globales qui aient du sens et qui soient acceptées par tout le monde.

Quand vous êtes arrivée, beaucoup de choses restaient à faire, notamment en termes d'” employee branding “.

Oui, nous avons beaucoup travaillé sur le sujet. Puratos était une société cachée. Nous avons grandi et commencé à sortir de chez nous. Pour le reste, j’ai globalisé nos ressources humaines en créant, notamment, le centre d’excellence HR de Grand-Bigard qui offre du support à tous les pays. Nous nous sommes mis au diapason du business. A partir du moment où nous sommes une société de solutions, les RH doivent s’adapter et proposer une politique de bonus adaptée. Si les leaders nous demandent de la flexibilité et du mouvement chez les collaborateurs, alors les RH doivent définir une politique d’expatriation, un cadre de classification des fonctions, une gestion fine des talents et un vrai workforce planning. La globalisation de nos ressources humaines nous permet aujourd’hui de parler la même langue quel que soit le pays.

Puratos est une société qui aime se projeter à long terme. Quel est l’impact pour les ressources humaines ?

Comme nous sommes une société familiale, le besoin de pérennité est très présent. La troisième génération de la famille arrive dans le conseil d’administration et c’est une très bonne chose. Le CEO est le même depuis plus de 15 ans et le comité de direction est stable. Cette stabilité permet de voir loin. Tout en restant attentif au court terme car nous sommes quand même une entreprise qui suit ses chiffres de près. En 2010, le comité de direction avait établi un plan à 20 ans. Et il est toujours exact ! Moi, je regarde comment coller au développement prévu, les compétences à acquérir, les talents à engager. Nous faisons un plan à trois ans avec le budget approprié pour assurer la croissance des effectifs. Depuis Grand-Bigard, nous accompagnons le développement des ressources de tous les pays et nous le contrôlons au fur et à mesure pour assurer une croissance profitable.

Les différents documents RH de la société parlent de la magie de Puratos. Quelle en est votre définition ?

La magie vient de nos valeurs et de nos principes de fonctionnement. Tout peut changer chez Puratos sauf cela. Ils tiennent en quelques mots-clés : confiance, alignement, consensus building, inspire, interdépendance, continuous improvement, unleash talent ou comment s’assurer que les collaborateurs se développent et s’épanouissent. Ces valeurs et principes renforcent notre caractère humain. Alors bien sûr, l’innovation est exigeante. Il y a beaucoup de travail derrière tout cela mais nos collaborateurs sont passionnés. L’autre aspect de cette magie vient de l’extrême proximité avec les clients. Je n’ai jamais vu cela ailleurs.

Oui, mais en même temps, si vous ne faites pas cela, vu la concurrence féroce, vous êtes morts…

C’est évident, mais Puratos va vraiment très loin avec eux. Nous ne nous contentons pas de leur proposer des solutions innovantes sur mesure. Nous les aidons à surfer sur les tendances. Tous les trois ans, nous réalisons une étude de consommation auprès de 11.000 consommateurs dans 25 pays appelée Taste Tomorrow. Elle analyse les habitudes et les tendances alimentaires dans le monde entier. Personne d’autre dans notre secteur ne fait cela à cette échelle. Et en fonction de cela, nous proposons à nos clients des solutions ou des idées qui correspondent aux attentes de leurs consommateurs.

Vous parliez dans vos valeurs d’amélioration continue. C’est le but, je suppose, de la Puratos University ?

Les employés reçoivent des formations chaque année. Prenons un simple exemple. Puisque nous sortons constamment des innovations stratégiques, il faut que toutes les personnes y soient formées. Comme les vendeurs, les product managers ou les experts R&D. A côté de cela, nous avons toute une série de programmes adaptés. Comme les relations avec les clients ou les outils pour bien négocier pour les vendeurs par exemple. Les managers ont des formations qui leur permettent de s’améliorer et d’acquérir, au fil du temps, d’autres compétences. Nous avons aussi différents programmes liés à l’acquisition de soft skills, ces qualités spécifiques liées au savoir-être et au leadership. Cette université est gérée depuis la Belgique mais les cours se dispensent aussi dans les régions. Les programmes sont développés en interne. Parfois, nous faisons appel à des consultants externes. Mais dans ces cas-là, tout reste brandé Puratos et fait sur mesure pour nos besoins et nos valeurs.

Justement, comment préserver ces valeurs, quand on est une société globale qui brasse tellement de cultures différentes ?

Je passe énormément de temps sur le sujet. C’est un élément clé quand nous procédons à un recrutement. Le candidat doit être adapté à notre culture. C’est la seule manière de préserver notre identité mais aussi de la faire grandir dans l’esprit de tous. L’onboarding contribue aussi à cette adaptation à nos valeurs. Maintenant, le cadre de travail que nous proposons et les possibilités de développement rendent nos collaborateurs passionnés et très attachés à la société.

Pour conclure, c’est cette folle expansion, votre plus grand défi ?

Evidemment, il y a la digitalisation et le besoin sous-jacent de conserver l’humain, la créativité et l’empathie. Mais oui, vous avez raison, gérer la croissance est une bataille au quotidien. Puratos vise les 5 milliards de chiffre d’affaires en 2030. C’est un vrai challenge !

Propos recueillis par Xavier Beghin/Photos Frédéric Raevens

” Nos collaborateurs ont vraiment l’impression d’appartenir à quelque chose de spécial. Pour un jeune employé en R&D, c’est Noël tous les jours chez Puratos. ”

” Chaque nouveau collaborateur va être accompagné pendant un an d’un mentor formé et désigné. ”

” Ma découverte de toutes les cultures locales m’a permis d’élaborer des stratégies RH globales qui aient du sens et qui soient acceptées par tout le monde. “

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