Johan Portier (Leaseplan): “Nous misons sur l’électrique”

Johan Portier, CEO de LeasePlan Belgique & Luxembourg. © Kris van Exel

A en croire Johan Portier, de LeasePlan Belgique, le secteur du leasing est en pleine mutation. Le quadragénaire prépare son équipe à faire face aux tendances de demain en matière de mobilité. La société de leasing a l’intention de proposer des véhicules à émission zéro en 2030.

Trois voitures électriques rechargent leur batterie sur le parking de LeasePlan Belgique à Zaventem. Trois voitures seulement, une toute petite minorité. A l’image du parc automobile belge. Selon les chiffres de la Febiac, 2.055 nouvelles voitures électriques ont été enregistrées en Belgique l’an dernier, 1.461 par des entreprises et indépendants et 594 par des particuliers. Néanmoins, Johan Portier, CEO de LeasePlan Belgique & Luxembourg anticipe cependant une tendance de plus en plus favorable aux voitures électriques et au leasing privé. La croissance dépendra essentiellement de ces deux segments, à l’en croire. LeasePlan est actif dans 32 pays et gère 1,7 million de véhicules. La flotte du groupe a grossi de 8 % en 2016. Le chiffre d’affaires mondial a augmenté de 3 % à 9,2 milliards d’euros. Le bénéfice net s’élève à 425,5 millions d’euros. Avec 225 employés et un parc automobile de plus de 50.000 véhicules, LeasePlan est un des principaux acteurs de la scène belge.

JOHAN PORTIER. Une excellente année. Nous avons enregistré une croissance de 8 % en Belgique. Le chiffre d’affaires s’éleve à 466 millions d’euros et le bénéfice net à environ 32 millions. Au Luxembourg, nous affichons un chiffre d’affaires de 86 millions et un résultat net de 3 millions d’euros. Au premier trimestre de cette année, la croissance avoisine déjà les 5 % par rapport à la même période l’an dernier. Les affaires vont bien, malgré la mutation que subit actuellement le secteur. Une nouvelle stratégie a été définie avec nos nouveaux propriétaires, un consortium d’investisseurs. Nous sommes aujourd’hui actifs dans 32 pays, nous évoluons de 32 maisons dans 32 pays vers une seule maison de 32 pièces. Il n’est pas question de centralisation mais bien de rationalisation. Le but est de partager les meilleures pratiques et d’unir nos forces pour passer à la vitesse supérieure et atteindre ensemble des objectifs jusque-là non encore réalisés.

Profil

• 47 ans

• 1994 : Master en droit de l’Université d’Anvers.

• De 1994 à 1998 : account manager Risques d’entreprise chez Vanbreda Risks & Benefits.

• De 1998 à 2013 : plusieurs fonctions managériales chez SD Worx.

• De 2014 à 2015 : directeur commercial de LeasePlan Belgique.

• Depuis 2016 : directeur général de LeasePlan Belgique.

• Depuis 2017 : directeur général de LeasePlan Luxembourg.

Pouvez-vous nous en dire plus ?

LeasePlan Belgique & Luxembourg est une entreprise florissante mais qui ne dispose pas, au niveau local, des compétences IT et des budgets d’investissement nécessaires pour concevoir et proposer de nouvelles solutions de mobilité à l’ensemble de ses clients. Pour garantir la mobilité 2.0, il faut oeuvrer à plus grande échelle.

A quelle sorte de solutions songez-vous ?

Notre CEO Tex Gunning se fait fort de proposer une flotte de véhicules à zéro émission d’ici à 2030. Telle est notre ambition, inspirée du Traité de Paris de 2015. Cela ne se fera pas tout seul. Pour y arriver, nous avons l’intention de promouvoir la voiture électrique et ses alternatives, d’accélérer le développement des infrastructures de rechargement. LeasePlan a créé un centre de compétences à Amsterdam. Impossible d’oeuvrer seul dans son coin, au niveau local.

Notre partenariat avec Uber en Europe est un autre exemple. Le marché de l’autopartageest 100 fois plus important que le marché des taxis existant. Les consommateurs seront de plus en plus enclins à faire des choix individuels en termes de mobilité. Nous croyons en l’avenir de ce marché tout en étant conscients de l’effort de flexibilité que cela requiert. En tant que société de leasing, nous devons proposer des services flexibles, d’où la nécessité d’investir dans la numérisation, l’automatisation et de concevoir un nouveau modèle de rentabilité. Il est tout simplement impossible de développer ces nouveaux services dans chaque pays séparément tout en assurant la bonne gestion de l’entreprise au quotidien. Cette nouvelle approche internationale est indispensable également pour assurer la durabilité de notre entreprise. Si nous voulons nous maintenir, nous devons faire le choix d’un avenir plus propre.

Nous avons un rôle à jouer en proposant des solutions de mobilité tant aux employés qu’aux employeurs.”

Est-ce vraiment si urgent ?

Telle est notre impression en tout cas. Nous devons unir nos forces et adapter notre structure et notre modèle d’exploitation. Nous ne renonçons pas à notre autonomie locale pour autant. Tout simplement, nous allons intensifier notre collaboration et les pays plus avancés dans l’un ou l’autre domaine prendront les devants. Ainsi par exemple, le Portugal devient le centre de compétences pour le partenariat avec Uber. La coopération avec Uber y est déjà très développée.

Comment cette collaboration avec Uber évoluera-t-elle en Belgique ?

Pour le moment, Uber n’est actif qu’à Bruxelles. La société travaille avec 500 chauffeurs. Ils ont le choix : soit ils continuent à rouler avec leur propre véhicule, soit ils optent pour notre solution.

Dans quel domaine LeasePlan Belgique va-t-il prendre les devants au niveau international ?

Nous partagerons peut-être un centre de compétences avec les Pays-Bas pour ce qui est du leasing privé. Le concept de leasing pour particuliers a été lancé il y a un peu plus de quatre ans aux Pays-Bas, deux ans en Belgique. Nous avons donc acquis une certaine expérience dans le domaine. LeasePlan est opérationnel sur le marché des entreprises depuis plus de 54 ans. Il est grand temps d’apprivoiser la clientèle privée. Nous nous dirigeons lentement mais sûrement vers un nouvel équilibre B to B / B to C.

Le segment B to C est-il important pour votre entreprise ?

Il représente aujourd’hui un peu moins de 3.000 contrats sur un total de 50.000, un chiffre dont je suis fier. Il est primordial d’adapter nos procédures et nos systèmes au consommateur appelé à devenir un client final très important, j’en suis persuadé. Le client principal de l’économie partagée est l’individu. Rien à voir avec le client entreprise. La communication passe par d’autres canaux, également en dehors des heures de bureau. Cela demande une certaine organisation.

Vos concurents sont moins convaincus par le leasing privé, moins rentable selon eux…

L’activité est rentable, je peux vous l’assurer. Mais c’est un autre modèle commercial, il faut en être conscient. Il faut s’adapter, chaque type de client est différent.

Le marché B to B n’est-il pas saturé ? Une croissance est-elle encore possible ?

Selon les chiffres de la Febiac et de Renta, 15.000 voitures en leasing ont été enregistrées au cours des trois premiers mois de cette année. On ne peut donc pas dire que le marché a atteint ses limites, même si la croissance finira par s’essouffler un jour, c’est évident. Chaque entreprise se doit d’anticiper. Elle ne peut rien changer au passé mais elle peut préparer l’avenir. Ce marché devrait connaître une évolution positive, selon nous. Les particuliers veulent disposer d’une voiture de société mais aussi avoir le choix entre plusieurs alternatives. C’est le grand débat de société actuellement. On est encore loin du consensus.

Le segment B to C pourrait-il à terme devenir plus important que le B to B ?

On devrait arriver à un nouvel équilibre. Les véhicules utilitaires font partie intégrante du marché B to B. Les voitures de société continueront, elles aussi, à circuler, les représentants auront toujours besoin d’une voiture. Quant aux voitures de société accordées en complément de salaire, c’est une autre paire de manches.

Cet avantage accordé aux salariés est-il voué à disparaître ?

J’ignore si ces voitures disparaîtront complètement. Cela dépendra notamment des choix arrêtés au niveau politique. Impossible de dire aujourd’hui si la fiscalité inhérente aux voitures de société sera modifiée ou non dans les 10 prochaines années. Des décisions seront probablement prises mais lesquelles ? L’étude commandée par le gouvernement à SD Worx semble privilégier la liberté de choix, à savoir la possibilité de garder ou non la voiture de société tout en déclarant les frais au kilomètre de la voiture privée. Reste à voir si cette proposition se concrétisera et, dans l’affirmative, quel sera son impact.

A partir du moment où nous développons une flotte de véhicules électriques, nous devenons un acteur incontournable sur le marché de l’électricité.”

Ce segment du marché du leasing pourrait-il basculer vers le leasing privé ?

C’est une possibilité, en effet. Le travailleur sera libre d’opter pour le private lease, l’autopartage, le recours à Uber, etc. ”

En attendant, la question du budget mobilité reste en suspens.

Je me réjouis de constater que les partenaires sociaux penchent en faveur non pas du cash for cars mais d’un budget mobilité digne de ce nom. Ils font le bon choix. Le problème de la mobilité ne peut être résolu qu’avec des solutions de mobilité, pas avec du cash. C’est l’évidence même. Mais au niveau politique, la question ne fait pas l’unanimité. Je ne comprends pas pourquoi les politiques ne prêtent pas une oreille plus attentive à notre secteur pourtant concerné par le problème et qui détient une partie de la solution. Le débat est souvent réduit à la voiture de société. Les personnes qui roulent aujourd’hui en voiture de société vont-elles tout à coup se rabattre massivement vers une autre formule ? Pensez-vous qu’elles prennent plaisir à se trouver coincées dans les embouteillages ? Qu’elles l’ont choisi ? Evidemment que non. Et il n’y a pas que des voitures de société dans les bouchons. Si c’était le cas, nous aurions nettement plus de clients. Il faudrait élargir le débat mais ce n’est pas le cas. Du fait notamment de notre soi-disant manque de crédibilité : les autorités estiment que nous réfléchissons uniquement en termes commerciaux. Mais très franchement, nous avons dépassé ce stade depuis longtemps.

Le budget mobilité pourrait-il au moins contrer les effets négatifs de la voiture de société ?

Il faut absolument résoudre le problème de la mobilité, nous n’avons pas le choix. Le budget mobilité pourrait influencer le comportement des citoyens. La mobilité est une problématique complexe pour laquelle il n’y a pas de solutions simplistes. Un budget mobilité devrait permettre de trouver des solutions multimodales acceptables.

Le secteur du leasing pourrait-il organiser ce budget ?

Nous avons effectivement un rôle à jouer en proposant des services tant aux employés qu’aux employeurs. Nous pouvons offrir des solutions de mobilité zéro tracas.

Comment la mobilité évoluera-t-elle selon vous ?

On affirme souvent que la balle est dans notre camp mais la partie se joue à trois : les fournisseurs de services comme LeasePlan, les autorités responsables de prévoir des incitants et les clients, entreprises et particuliers. Nous sommes tous les trois également concernés et la responsabilité ne peut être reportée sur un seul des acteurs.

Quel est votre point de vue en tant qu’un des trois acteurs du débat ?

Nous misons sur l’électrique pour les prochaines années. Nous investissons afin de proposer des véhicules à zéro émission en 2030. Nous n’en sommes encore qu’à trois contrats de leasing en moyenne pour le moment. Il est donc grand temps de s’y mettre. Plusieurs villes imposent déjà des normes très strictes. Singapour entend supprimer purement et simplement la voiture en 2025. Nous devons tenir compte de toutes ces nouvelles tendances. Le paysage est en train de changer.

Où en êtes-vous avec votre propre flotte ? Combien de vos 50.000 voitures sont-elles électriques ?

Un pour cent, ce n’est pas grand-chose. Nous n’en sommes encore qu’au début.

Y aura-t-il assez de modèles électriques disponibles sur le marché dans les années à venir ?

Le marché est en pleine mutation. Les constructeurs ne ménagent pas leurs efforts pour accroître l’autonomie et la rapidité de chargement des batteries. Reste la question des infrastructures de rechargement. Il faudrait, idéalement, pouvoir faire le plein en électricité aussi vite que le plein d’essence. Mais nous n’en sommes pas encore là. La voiture électrique est synonyme de nouveaux défis et de nouvelles opportunités, pour les sociétés de leasing notamment. A partir du moment où nous développons une flotte de véhicules électriques, nous devenons un acteur incontournable sur le marché de l’électricité. Les voitures peuvent stocker l’électricité et la revendre au distributeur, ce qui change le modèle de rentabilité. Combien vous coûte votre voiture si vous pouvez revendre l’électricité au prix fort au moment où la demande est la plus forte ?

On assiste aussi à l’émergence d’une économie basée sur les applications visant à encourager l’autopartage et la ” Mobility as a Service ” (MaaS). Que propose LeasePlan dans ce domaine ?

La voiture partagée est une de nos priorités. Notre plateforme de corporate carsharing SwopCar, lancée au Luxembourg, connaît un énorme succès. Les employés qui ne disposent pas d’une voiture de société peuvent faire appel à SwopCar. Une application renseigne les voitures disponibles et en supervise l’utilisation. Nous envisageons d’étendre SwopCar aux particuliers et d’intensifier notre collaboration avec ces fournisseurs de services d’un genre nouveau. Le monde change très rapidement.

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