“Nos exportations vers l’Iran n’ont pas vraiment réussi à décoller”

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L’ampleur des transactions avec l’Iran risque de reculer, du fait de la nouvelle politique américaine, craint Nabil Jijakli, “deputy CEO” de Credendo.

Il y a 18 mois, une centaine d’entreprises belges se rendaient en Iran, attirées par les perspectives économiques nées de la levée des sanctions. Cet espoir s’est-il concrétisé depuis ?

Très peu. Nos exportations vers l’Iran ont augmenté d’une vingtaine de pour cent ces deux dernières années pour atteindre maintenant les 600 millions d’euros. C’est positif mais très loin de l’explosion attendue, au vu des moyens et des besoins de l’Iran. Ce pays n’est que notre 51e client. L’explication est triple. Tout d’abord, le mécanisme de levée des sanctions restait fragile. Il ne concernait que le nucléaire. Les sanctions américaines liées au programme militaire ou celles, européennes et américaines, liées aux droits de l’homme demeuraient. La levée de sanctions était donc limitée. Ensuite, il y a le principe d’extra-territorialité des sanctions américaines. Il plaçait les banques qui finançaient des projets en Iran sous la menace de lourdes amendes. Cela les a rendues frileuses – pour ne pas dire opposées – au financement de transactions portant sur de gros montants et de longues périodes. Enfin, il y a eu un certain attentisme lié à l’installation de la nouvelle administration américaine et aux élections iraniennes de 2017. Elles ont con-firmé le pouvoir des modérés à Téhéran, mais ce n’était pas gagné d’avance.

S’il n’y a pas eu l’explosion annoncée, peut-on en déduire qu’il n’y aura pas non plus de gros recul de nos exportations à la suite de la décision américaine ?

Non, je crains que nous ne constations une stagnation, voire un recul, de nos exportations vers l’Iran. Cela ne va pas tout fermer mais il y aura vraisemblablement un sérieux coup de frein. Il faudra notamment voir quelles positions adopteront les autres parties prenantes à l’accord sur le nucléaire iranien (Chine, Russie et Union européenne). Que faut-il privilégier ? Garantir des relations correctes avec un allié comme les Etats-Unis ou en bâtir de nouvelles avec l’Iran ? Poser la question, c’est un peu y répondre. Même si les fondamentaux économiques de l’Iran sont bons, avec une dette publique de moins de 20 % du PIB, les quatrièmes plus importantes réserves de pétrole au monde et les deuxièmes en gaz. Credendo avait upgradé à deux reprises la notation de l’Iran. Nous étions prêts à couvrir les crédits. Des entreprises nous ont soumis des projets pour des montants substantiels, portant sur plusieurs centaines de millions et s’étalant parfois sur plusieurs années. Ils ne se sont pas concrétisés, faute de financement car les banques – qui travaillent toutes à certains moments en dollars – redoutaient les sanctions américaines. Les exportations belges restent dès lors cantonnées à des montants restreints et payables à court terme, via des lettres de crédit à 30 ou 45 jours.

Ce conflit n’atteste-t-il pas du pouvoir démesuré de la monnaie américaine ?

Le dollar est en effet une force énorme. Avant la création de l’euro, les monnaies européennes représentaient ensemble 15 % du commerce international. On n’a pas réussi, depuis, à aller au-delà des 20 %. En outre, tout le marché des matières premières et de l’énergie reste en dollars.

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