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Méfiez-vous des prévisionnistes ! Ils se trompent 9 fois sur 10…

“Les huit prévisions pour 2018”, “L’improbable éclatement de la bulle obligataire”, “La décélération américaine ne débutera qu’en 2019”, etc. Un économiste sérieux ne devrait jamais se lancer dans des prédictions générales.

“Les huit prévisions pour 2018”, “L’improbable éclatement de la bulle obligataire”, “La décélération américaine ne débutera qu’en 2019”, “Il y aura probablement une correction à la baisse du marché des actions” (pour les uns), “Les marchés boursiers continueront à progresser” (pour les autres)… Paul De Grauwe, qui enseigne à la London School of Economics, a coutume de dire qu’un économiste sérieux ne peut pas se lancer dans des prédictions générales.

Tout au plus peut-il faire des prédictions limitées, assorties de conditions. Du genre : si les prix pétroliers augmentent d’autant, voilà quels effets cela pourrait avoir sur l’inflation, toutes choses restant égales par ailleurs. Voilà les limites de notre horizon prédictif.

Pourtant, les prévisions économiques constituent une tradition aussi ancrée que celle des cougnous sur la table du déjeuner à côté du sapin qui scintille. Mais contrairement aux cougnous, les prévisions ont très peu de consistance. Voici une trentaine d’années, un psychologue américain, Philip Tetlock, eut un jour l’idée de mettre en compétition des étudiants de la prestigieuse université de Yale avec… un rat. Il disposa une cage en forme de T dans laquelle le rat était régulièrement introduit. Et, au bout de la barre du T, était disposée de la nourriture. Celle-ci était placée de manière purement aléatoire parfois à gauche (dans 60 % des cas), parfois à droite (dans 40%). On lâchait le rat et il fallait deviner dans quelle direction il allait se diriger. Le rat comprit assez vite qu’il y avait un peu plus de chances de trouver de la nourriture à gauche. Donc, après un petit temps, il se dirigea tout le temps dans cette direction et le rat obtint un score de 60 %. Les étudiants, eux, ne devinèrent la position de la nourriture que dans 52 % des cas. Ils furent battus par le rat. A peu près au même moment, le Wall Street Journal organisa un concours boursier qui opposa un chimpanzé à plusieurs analystes de Wall Street. Chacun devaient choisir un portefeuille de titres. Le chimpanzé les choisissait en lançant une fléchette. Son portefeuille fut le plus performant.

Ces expériences montrent toutes les limites de la prédiction dans un monde très, très complexe, où il est impossible d’avoir connaissance de tous les paramètres en jeu.

Voici quelques jours, un journaliste du Financial Times, Gavyn Davies, confronta les prévisions de croissance à un an des Etats-Unis, du Japon, de la zone euro et du Royaume-Uni à la réalité. Là aussi, le résultat fut très décevant : neuf fois sur 10, la moyenne des prévisions était dans l’erreur, sous-évaluant ou surévaluant systématiquement l’activité économique dans les 12 mois qui suivaient. Ces expériences montrent toutes les limites de la prédiction dans un monde très, très complexe, où il est impossible d’avoir connaissance de tous les paramètres en jeu.

Philippe Tetlock expliqua la victoire du rat par le fait que nous ne pouvons supporter l’idée d’avoir tort et d’encaisser des pertes. Les étudiants de Yale ne pouvaient se satisfaire de perdre dans 40 % des cas. Ils essayèrent donc de trouver une explication, un algorithme, une séquence, à ces apparitions aléatoires. Ils voulurent battre le hasard. Et mal leur en prit.

Une autre raison explique aussi pourquoi les experts ont plus de chance de se tromper dans leurs prévisions. Lorsque l’on devient un expert, on a tendance à bâtir des scénarios logiques reposant sur la rencontre de diverses hypothèses. Et ces hypothèses paraissent se renforcer l’une l’autre, alors que dans la réalité, c’est l’inverse : plus il y a d’hypothèses, plus il est rare qu’elles se réalisent toutes ensembles. Voici un an, par exemple, juste après l’élection de Donald Trump, le scénario dominant voulait que le président, menant une politique protectionniste, allait doper l’inflation et donc que le dollar allait remonter, notamment face à l’euro. C’était certes une histoire logique, mais qui ne s’est pourtant pas vérifiée : Trump a certes commencé à mettre en place une politique protectionniste, mais au final, l’inflation est restée sage et le dollar a baissé. Je ne prédirais donc pas que l’année qui débute sera bonne. Mais cela ne m’empêche pas de vous la souhaiter excellente…

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