Tops et flops : quels sont ces riches enseignements à tirer des résultats d’entreprises ?

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La saison des résultats trimestriels qui s’achève a été particulièrement riche en symboles, témoignant tant de l’évolution de la conjoncture que de la société marquée par l’émergence des “millennials”.

La saison des résultats touche à sa fin. Aux Etats-Unis, les entreprises du S&P500, l’indice des 500 principales entreprises américaines, ont affiché un bond de 13,1% de leurs bénéfices au quatrième trimestre 2019. Mais les observateurs ne sont pas dupes. La réforme fiscale de Donald Trump a donné un coup de fouet à l’économie et aux marges bénéficiaires en 2018 mais son effet va s’estomper en 2019. Selon Factset, les analystes tablent ainsi désormais sur une baisse de 3% des profits des entreprises du S&P500 au premier trimestre 2019. En Europe, l’entrée en récession de l’Italie et le coup d’arrêt de l’économie allemande au second semestre 2018 ont pesé. Selon le consensus de Refinitiv, les bénéfices des entreprises de l’indice élargi paneuropéen Stoxx 600 ont progressé d’à peine 1,2% au quatrième trimestre 2018. Les écarts sectoriels sont de plus très marqués. La hausse des prix de l’énergie a ainsi dopé les secteurs énergétique (bénéfices en hausse de 21%) et des utilities (+ 17%), qui inclut les producteurs et distributeurs d’électricité et de gaz. Plus largement, on constate que les tops et flops de cette saison des résultats reflètent l’influence d’évolutions con-joncturelles et sociétales majeures.

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L’économie mondiale ralentit

L’un des constats particulièrement nets est le ralentissement de la croissance aux quatre coins du monde. Les prévisions prudentes de nombre d’entreprises ont poussé les analystes à raboter leurs prévisions de résultats à un rythme effréné. Ils tablent désormais sur un recul des profits au premier trimestre aux Etats-Unis et une stagnation en Europe selon les consensus de Factset et Refinitiv (ex-Thomson Reuters). Le détail sectoriel est encore plus marquant. En Europe, de nombreux secteurs cycliques ont ainsi souffert au quatrième trimestre : biens industriels (baisse de 8,4% des bénéfices), télécoms (- 13,6%) et biens de consommation cycliques (- 15%), un secteur important incluant notamment l’automobile, les loisirs et la distribution. Deux groupes illustrent tout particulièrement le ralentissement de l’économie. Aux Etats-Unis, Caterpillar a plongé de 9% dans la semaine qui a suivi la publication de son rapport trimestriel, selon Bolero. ” Le premier fabricant mondial de grues, bulldozers et engins miniers a dégagé un bénéfice de 2,55 dollars par action, très loin du consensus de 2,99 dollars. ” Il s’agit du plus gros raté depuis 2008 pour le groupe qui ” est et reste très sensible aux développements macro-économiques “. ” Il est désormais clair que les prévisions de profits pour 2019 doivent être revues à la baisse “, précise-t-on chez Bolero.

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Le secteur financier souffre

Aux Etats-Unis, le secteur financier a connu la pire saison des résultats au quatrième trimestre avec un recul de 5,6% des revenus, selon Factset. L’agitation des marchés fin 2018 a notamment pesé sur les activités de banque d’investissement. Mais même avec des Bourses qui ont repris des couleurs début 2019, les analystes tablent sur une baisse de 2% des bénéfices du secteur au premier trimestre 2019 aux Etats-Unis. En Europe, le secteur financier est aussi celui qui a le plus déçu avec les biens industriels, leurs bénéfices se révélant jusqu’à présent 6% inférieurs aux attentes, selon Refinitiv. Société Générale a ainsi dû se résoudre à un avertissement sur résultats, prévenant notamment de la chute de 20% des revenus de ses activités de marché. Moins spectaculaire, les revenus de la banque de détail en France ont également baissé de 6,8% dans un contexte de taux ultra bas. Pour les spécialistes de KBC Asset Management, le risque est grand que la banque française continue de décevoir. Une menace qui pèse sur l’ensemble du secteur. Le ralentissement économique du second semestre 2018 a brusquement arrêté la remontée des taux. En Europe, le rendement de référence du Bund à 10 ans a rechuté d’un pic de 0,8% début 2018 à 0,06%, très proche du plancher historique de – 0,1%. Aux Etats-Unis, le taux du bon du Trésor à 10 ans a chuté en 5 mois de 3,2% à 2,6%. Cette rechute des taux menace de déprimer la marge nette d’intérêt, soit ce que les banques gagnent en levant des capitaux à court terme, notamment via les comptes d’épargne, et en les prêtant à long terme.

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L’étoile de Warren Buffett pâlit

Berkshire Hathaway, le conglomérat du célèbre investisseur américain, a subi une perte nette de plus de 25 milliards de dollars au quatrième trimestre. Conséquence d’une adaptation des normes comptables qui l’oblige à valoriser ses participations dans de grandes compagnies à leur valeur boursière et de la chute des marchés fin 2018. La rechute d’Apple (investissement évalué à 40,3 milliards de dollars) ainsi que des banques Wells Fargo (20,7 milliards de dollars) et Bank of America (22,6 milliards de dollars) ont ainsi lourdement pesé. Au-delà de ces aléas de marché, c’est toutefois la dépréciation de plus de 3 milliards de dollars sur Kraft Heinz qui a déçu. Le titre du géant alimentaire a plongé de 28% après des résultats décevants, une baisse du dividende et l’annonce d’une enquête de la SEC sur ses pratiques comptables. Toujours dans le portefeuille de Warren Buffett, les prévisions de Coca-Cola ont également plombé le titre. Les difficultés de Kraft Heinz et Coca-Cola remettent en cause un des leitmotivs de l’oracle d’Omaha : buy commodities, sell brands (acheter des matières premières de base, vendre des marques). Des marques que 75% des millennials estiment inutiles, selon une étude de Kantar. Ce dont Warren Buffett semble avoir pris conscience. Il a notamment épinglé dans une interview le fait qu’avec une histoire plus que centenaire, une présence mondiale et d’importants budgets publicitaires, les marques de Kraft Heinz génèrent 26 milliards de ventes. Moins de 30 ans après sa création, la marque Kirkland du distributeur Costco génère par contre 39 milliards de chiffre d’affaires après une présence limitée à environ 750 points de vente et très peu de marketing.

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Le luxe garde la cote

Parmi les tops de la dernière saison des résultats, les spécialistes de Bolero ont épinglé LVMH. Le leader mondial du luxe a de nouveau fait forte impression avec une croissance organique des ventes de 11% et un bond de 21% de son profit opérationnel en 2018. LVMH est ainsi devenu la société la plus chère de la zone euro avec une capitalisation de 155 milliards, permettant à Bernard Arnault de se hisser au quatrième rang du classement Forbes. LVMH dispose notamment d’une incroyable facilité à fixer ses prix, qui semblent même contribuer à son succès auprès des consommateurs chinois. La croissance organique des ventes a toutefois légèrement ralenti en fin d’année à 9%.

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