Isabella Lenarduzzi, cofondatrice de Jump: “Les quotas, c’est un médicament pour une société malade”

Isabella Lenarduzzi © emy elleboog

L’ancien ministre des Finances, Steven Vanackere, pourrait remplacer Marcia De Wachter au comité de direction de la Banque nationale. Celui-ci serait alors exclusivement masculin.

A la BNB, il y a 2 femmes parmi 26 sous-directeurs, 1 seule femme sur 17 membres du conseil de régence et peut-être bientôt plus une seule femme au comité de direction (7 membres). Est-ce acceptable pour vous ?

Non, c’est totalement inacceptable. La loi impose la présence d’au moins un tiers de chaque genre dans les CA des sociétés cotées. Le CD&V avait soutenu la loi, contrairement à la N-VA, à l’Open Vld et, dans une moindre mesure, au MR. Il devrait être le garant de sa bonne application et il fait exactement l’inverse. Le signal est désastreux. D’autant que le politique a un rôle d’exemplarité. S’ils ne veulent pas des quotas, qu’ils aient au moins le courage, la franchise de l’assumer et de modifier la loi.

Combien de femmes président un SPF ? Une seule. En matière de représentation féminine dans la haute administration, la Belgique est la dernière – la dernière ! – en Europe. Alors, on tente de gommer le résultat en intégrant dans le calcul toute une série d’agences fédérales. On arrive ainsi à 28 % de femmes. Ce qui est toujours moins que le tiers prévu dans la loi.

Ce système de quota n’a-t-il pas un côté humiliant pour les femmes, nommées parce qu’elles sont femmes et pas spécialement en fonction de leurs compétences ?

Humiliant, non. Stigmatisant, oui. Je sais de quoi je parle : dans nombre de panels, je suis souvent la femme-quota. Sans les quotas, on ne m’inviterait pas. Les quotas, c’est un médicament pour une société malade. Une société malade de l’entre-soi, du mimétisme. Les femmes, c’est 60 % des diplômées universitaires et à peine 15 % des membres des comités de direction des grandes entreprises. C’est dramatique. On laisse de côté un formidable réservoir de talents. Un autre chiffre, qui date de 2016 : 76 % des entreprises belges ont un comité de direction avec zéro ou une seule femme. J’appelle cela ” le syndrome de la Schtroumpfette “, elle est seule dans un monde d’hommes et doit représenter toutes les femmes.

Une femme gère-t-elle une société différemment d’un homme ?

Cela fait des millénaires que l’on nous attribue une autre place dans la société et que les attentes à notre égard sont différentes. Dans un couple, quand tous les deux travaillent, la femme consacre en moyenne 1h30 de plus aux tâches domestiques. Alors, oui, cela génère des différences. Tant mieux car il y a une sorte de miracle de la diversité : plus il y a de diversité dans un groupe, plus il y a de discussions, d’innovations et donc de bonnes décisions dans ce groupe. Les femmes décident de près de 85 % des achats de biens de consommation. Comment diable des sociétés de B to C peuvent-elles s’en passer – se passer de leurs clients – dans leurs instances dirigeantes ? Si la Chine est votre principal marché, vous n’allez pas demander uniquement à des hommes belges ou européens de réfléchir aux manières de gagner des parts de marché, vous intégrez aussi des locaux pour avoir leur point de vue, leur compréhension. Pourquoi les entreprises ne font-elles pas cela avec les femmes ? On sous-estime toujours la puissance des femmes.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content