Les “millennials”, ces oubliés de l’immobilier

AU MIPIM À CANNES, Adora Svitak a présenté la vision de la jeune génération pour la ville de demain. © REED MIDEM

La petite prodige Adora Svitak est venue au Mipim défier le milieu pour le moins conservateur de l’immobilier sur la manière dont la jeune génération voit la ville de demain. Elle balaye le cliché de la génération égocentrique et superficielle pour mettre en avant l’aspect communautaire et favoriser des espaces urbains plus humains, intelligents et durables. Reste à voir si elle a été bien entendue.

Petite robe grise, chaussures rouges et smartphone en main : sur l’immense scène du Palais des festivals à Cannes, Adora Svitak semble quelque peu perdue. Ce n’est qu’une impression. Cette jeune Américaine de 20 ans, véritable phénomène du Web, possède l’aplomb qui sied à une jeune génération qui entend bouleverser les codes. Reed Midem, l’organisateur du Mipim, le marché international des professionnels de l’immobilier qui s’est déroulé la semaine dernière à Cannes et a rassemblé 26.000 participants, a souhaité donner un coup de frais dans un milieu pour le moins conservateur en lui déroulant le tapis rose. Pari réussi. En 25 minutes, cet enfant prodigue qui a pianoté sur son premier ordinateur dès l’âge de 4 ans, a publié son premier livre à 8 ans et a animé sa première conférence à 10 ans seulement, a étalé avec talent la vision de la jeune génération pour la ville de demain. Un enjeu majeur quand on sait que plus de 50 % de la population mondiale vit dans une ville et que cette tendance s’accentuera encore nettement à l’avenir.

Le développement urbain n’est pas qu’une question de logistique mais aussi une question de morale et de sensibilité car les villes sont le reflet de l’humanité.

Au centre des préoccupations d’Adora Svitak : le souhait que l’on prenne en considération les besoins de tous lorsque l’on conçoit une ville et l’environnement de demain. Une pique à l’adresse des développeurs et autres urbanistes qui manqueraient aujourd’hui quelque peu d’ouverture, se satisfaisant un peu trop de leur vision du monde. ” Or, le développement urbain n’est pas qu’une question de logistique mais aussi une question de morale et de sensibilité car les villes sont le reflet de l’humanité, explique la jeune avocate, née d’un père américain et d’une mère chinoise. Il faut poser un nouveau regard et entendre les discours de toutes les générations et de toutes les couches sociales et professionnelles. Ma génération est par exemple parmi la plus ouverte socialement. On l’a vu il y a peu avec le hashtag #vanlife, qui concernait les gens qui ont décidé de vivre dans des camionnettes : il a presque obtenu plus de 3 millions de mentions sur Instagram. C’est vraiment une preuve de la manière dont les jeunes veulent vivre. Avec beaucoup moins d’attaches. ”

Créer de la valeur ajoutée

Un constat qui modifie en tout cas considérablement l’approche future de l’immobilier. Et qui devrait permettre de repenser l’approche en termes d’accessibilité. ” La clé pour séduire les millennials est vraiment de réduire le fossé en termes d’accessibilité au logement, lance Adora Svitak. Les maisons ont besoin d’être accessibles à tous. ”

L’espoir d’un changement des habitudes urbanistiques, elle le voit dans la capacité de la jeunesse à créer de nouvelles tendances comme ces vélos modifiés et redessinés ( scraper bikes) ou la création d’espaces qui apportent une valeur ajoutée à la ville. ” Les maker spaces sont des lieux où on crée des projets en partageant des équipements ( une sorte de Fab Lab, Ndlr), explique-t-elle. Ce partage de données fait grandir les villes. Ces deux exemples démontrent en tout cas que de nouvelles initiatives peuvent apporter de la valeur à une cité. Nous voulons voir un monde qui va bien et non des villes dans lesquelles nous avons peur de nous balader. ”

Adora Svitak repousse en tout cas clairement le cliché de la génération égocentrique et superficielle. Elle souligne la volonté des jeunes générations de développer l’aspect communautaire et de favoriser des espaces urbains plus humains, intelligents et durables. ” Il est du ressort de chacun de travailler davantage comme un organisme, et un peu moins comme une organisation, estime-t-elle. Faites-en sorte de créer un lieu qui vit, qui respire, qui change et qui s’adapte, afin que ceux qui vous rejoignent le fassent sans a priori et se sentent immédiatement intégrés à un système vivant. Il y a en tout cas un grand risque d’augmenter la solitude avec une hausse de l’urbanisation effrénée et non réfléchie. Il faut donc y prendre garde. Parler aux jeunes est la meilleure manière de comprendre ce qu’ils souhaitent. Impliquer la jeune génération et les actionnaires de grandes sociétés dans le développement de la ville entraînera certainement davantage de gains que de pertes. ”

Engager le dialogue sur le futur

Adora Svitak n’en en tout cas pas laissé grand monde indifférent lors de son passage sur la Croisette. Il faut dire qu’elle sait trouver les mots justes pour séduire son assemblée. Sa précédente conférence intitulée ” What adults can learn from kids ” a réuni près de 5 millions de vues sur YouTube. Elle y expliquait notamment que ” le monde a besoin de raisonnements ‘enfantins’, d’idées audacieuses, d’une créativité non entravée et, surtout, d’optimisme. Les grands rêves des enfants méritent de grandes attentes, en commençant par la volonté des adultes d’apprendre des enfants autant qu’ils leur enseignent “.

Du côté de l’organisateur Reed Midem, on n’était pas peu fier d’avoir apporté ce souffle nouveau. Qui en appelle d’autres à l’avenir. ” Audace et imagination, c’est ce que nous avons voulu mettre en avant pour cette édition, lance Ronan Vaspart, directeur du Mipim. Nous avons voulu bousculer les lignes en donnant la parole cette année à une représentante de la jeune génération pour provoquer et faire réfléchir les professionnels de l’immobilier. J’espère que cela permettra d’engager le dialogue entre ceux qui aujourd’hui construisent la ville et ceux qui, demain, y habiteront. ”

Deux sur quatre aux Mipim Awards

ÎLOT SACRÉ s'est vu remettre l'award du meilleur projet résidentiel.
ÎLOT SACRÉ s’est vu remettre l’award du meilleur projet résidentiel.© DDS+

Ce ne sont pas les résultats de cette édition 2018 des Mipim Awards qui vont faire baisser les statistiques des Belges à Cannes. Et continuer d’attiser l’une ou l’autre interrogation sur le processus du vote. Pour rappel, le choix du jury, dont faisait à nouveau partie le CEO d’AG Real Estate, Serge Fautré, comptait pour 50 %, les votes du public également pour 50 %. ” Les Belges, qui sont près de 1.300 sur la Croisette, démontrent année après année une belle solidarité en matière de vote, remarque ce promoteur belge en vue. Cela influence bien évidemment les résultats et fait quelques jaloux. ”

Si le centre commercial Rive Gauche (Charleroi) et la clinique AZ Zeno (Knokke) sont restés sur le carreau – dans ce dernier cas au détriment du projet de la Maesk Tower danoise, l’Îlot Sacré a par contre été plébiscité comme meilleur projet résidentiel. Cet ensemble de logements implanté sur un terrain situé à deux pas de la Grand-Place de Bruxelles, qui était en friche depuis la fin des années 1960, a été développé par Galetic et dessiné par les architectes de DDS+. Il comprend 6.000 m2 et 79 logements aux lignes relativement contemporaines. L’autre prix est revenu à feu l’architecte irak-britannique Zaha Hadid pour la remarquable Antwerp Port House, primée dans la catégorie du ” Meilleur immeuble rénové “. Un objet architectural plutôt rare en Belgique.

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