Les holdings publics sont-ils hors de contrôle ?

© BELGAIMAGE

Ainsi certaines gens, faisant les empressés, S’introduisent dans les affaires : Ils font partout les nécessaires, Et, partout importuns, devraient être chassés. (Le Coche et la Mouche)

Le groupe Nethys est caractérisé par une structure complexe mêlant intérêts publics et activités privées. Cet enchevêtrement de sociétés, où l’on retrouve une vingtaine de filiales qui possèdent elles-mêmes des dizaines de sous-filiales, est chapeauté par une coupole, la désormais célèbre Publifin. C’est l’intercommunale ” historique “, détenue par la Province de Liège, une septantaine de communes principalement liégeoises et la Région wallonne.

Publifin a adopté le statut de société coopérative, l’une des deux formes, avec la société anonyme, que peut prendre une intercommunale. C’est en fait un holding public, qui sert de coupole aux activités opérationnelles du groupe Nethys, réparties dans différentes filiales : Resa (gaz et électricité), L’Avenir (presse), Voo (télécom, activité intégrée dans Nethys SA), etc. Entre les deux se trouve un obscur véhicule, Finanpart, qui ajoute une couche au mille-feuille.

Le montage est alambiqué, mais il n’est pas en soi illégal. ” Le Code wallon de la démocratie locale permet à toute intercommunale de prendre une participation dans une société privée ou de créer une filiale de droit privé, explique François Tulkens, professeur de droit administratif à Saint-Louis et avocat associé chez Liedekerke. Cette filiale privée devient une entreprise comme une autre, avec pour seule particularité que le bénéficiaire ultime est un pouvoir public. C’est le même principe qui prévaut au niveau fédéral : l’Etat peut avoir une participation dans une entreprise comme Belfius. ”

Ce qui surprend chez Nethys, c’est la grande variété des domaines dans lesquels le groupe s’est engagé. Peut-on donc développer n’importe quelle activité économique à partir d’une intercommunale ? ” Oui, tant que ces activités sont de nature à poursuivre l’objet social de l’intercommunale, poursuit François Tulkens. Et comme cet objet social peut être défini de manière très large, la marge de manoeuvre est assez importante. ” C’est ainsi que Nethys a pu se diversifier dans les télécoms, la presse ou encore l’assurance, mais aussi prendre des participations dans des sociétés à l’étranger, comme dans les quotidiens français Nice-Matin et La Provence. Ce type d’investissement n’est pas interdit a priori.

Par contre, l’action d’une intercommunale est soumise au contrôle de la tutelle régionale. Du moins en théorie, puisque l’intercommunale Publifin est parvenue à y échapper depuis plusieurs années, en raison de son statut particulier, à cheval sur plusieurs régions (les Fourons notamment en sont actionnaires). ” Les intercommunales interrégionales ne sont pas suffisamment encadrées et cela a manifestement induit certaines dérives “, souligne Ann Lawrence Durviaux, professeur de droit administratif à l’ULg. Les outils de contrôle existent cependant, observe l’enseignante : ” Le droit wallon prévoit notamment la possibilité de nommer des commissaires du gouvernement qui contrôleraient les intercommunales. ”

Dans le cas de Publifin, la structure fonctionnait visiblement en roue libre, vu les pratiques récemment dénoncées. Une situation facilitée par le fait que les filiales et sous-filiales d’une intercommunale échappent totalement à la tutelle, celle-ci étant censée être exercée au niveau de la ” maison mère “. Cela pourrait changer : le ministre-président wallon Paul Magnette (PS) a exprimé sa volonté de soumettre ces structures en cascade au contrôle public. Ce qui est exactement ce que Stéphane Moreau voulait éviter, pour des raisons d’efficacité et de rapidité de décision.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content