Manager de l’Année 2017 – Portrait 2/10: Jacques Crahay, les choix gagnants de Cosucra

© Christophe Ketels/Belgaimage

La cinquième génération de la sucrerie familiale a osé abandonner le sucre. Pour se reconvertir brillamment dans… la fibre de chicorée et la protéine de pois. Sera-t-elle Manager de l’Année 2017 ? Vous pouvez voter ici à partir du 20 novembre.

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Jacques Crahay serait-il avant tout un chercheur ? Ingénieur chimiste (UCL), il a commencé sa carrière dans la recherche sur les levures, avec les premières manipulations génétiques. Il aurait pu continuer à s’épanouir dans les laboratoires mais, dit-il en souriant, ” la famille m’a rattrapé “. La famille, c’est la sucrerie familiale à Warcoing (entre Tournai et Mouscron), fondée en 1852 et dirigée maintenant par la cinquième génération de Crahay.

Avant de répondre à l’appel familial, Jacques Crahay s’était donné deux ans pour approfondir ses recherches sur les protéines de pois à Gembloux. Un coup de génie : Cosucra est aujourd’hui leader mondial en ce domaine très porteur des protéines végétales, qui remplacent de plus en plus les protéines animales dans notre alimentation. Cela avait pourtant démarré très lentement, jusqu’au moratoire européen sur le soja transgénique au début des années 2000. ” Tout d’un coup, tout le monde voulait nos protéines de pois, se souvient Jacques Crahay. Il fallait soit lâcher prise, soit réinvestir alors que nous sortions de plusieurs années de pertes. ” La seconde option fut choisie et le succès est tel, en particulier aux Etats-Unis, que la nouvelle usine est déjà saturée.

Le modèle hiérarchique classique ne fonctionne plus, il faut réinventer le management.

Des choix similaires avaient déjà été posés dans les années 1980 par le frère de Jacques Crahay, son prédécesseur à la tête de l’usine. Voyant l’évolution des quotas sucriers, il avait planché sur les plantes régionales (on tient à l’ancrage local ! ) susceptibles de donner un produit proche du sucre. Ce fut la chicorée, à partir de laquelle Cosucra produit un sirop de fructose. L’entreprise a évolué depuis vers la production de fibres de racine de chicorée, utilisées comme complément dans des produits laitiers, des barres céréalières, etc.

Parallèlement à ces décisions stratégiques, Jacques Crahay a fait considérablement évoluer l’organisation de l’entreprise. ” Les choses sont de plus en plus complexes, explique-t-il. Chacun est dans son silo d’expertise, les gens ne sont plus en capacité de prendre les bonnes décisions dans l’intérêt de l’entreprise. Le modèle hiérarchique classique ne fonctionne plus, il faut le réinventer. ” Jacques Crahay a opté pour une gestion plus collective et participative, pour faire émerger les décisions que ce soit dans l’organisation du travail, le recrutement ou la répartition des tâches. ” Je n’ai plus un innovation manager, je dispose potentiellement de 250 innovateurs, conclut-il. Ces procédés, qui demandent de donner énormément d’informations sur l’entreprise, mettent du sens dans le travail. Ils sont très prisés des jeunes et des femmes. Et ils n’ont jamais mis en péril notre rentabilité. ”

Pourquoi le jury l’a-t-il choisi ?

Cosucra, c’est la belle histoire d’une sucrerie familiale qui a fait le pari d’investir dans la recherche pour se reconvertir. Elle est aujourd’hui leader mondial dans la production de protéines issues du pois. Jacques Crahay innove par ailleurs dans la gestion interne, avec la mise en place d’un management collaboratif.

Le fait marquant de 2017

“Le succès de l’alimentation végétale, notamment aux Etats-Unis. Cela entraîne une explosion de la demande en protéines végétales, qui nous dépasse un peu. Notre usine construite il y a trois ans est déjà saturée.”

La réalisation dont il est le plus fier ?

“La fierté, c’est que l’entreprise existe toujours après des périodes très difficiles. Cosucra aurait pu disparaître mais les actionnaires nous ont soutenus et les travailleurs se sont mobilisés.” Cosucra emploie 250 personnes et a réalisé un chiffre d’affaires de 90 millions (exercice clôturé au 31 mars), en hausse de 10 %.

Le défi qui l’attend en 2018

“Nous devons saisir l’opportunité économique qui s’offre à nous, tout en grandissant de manière équilibrée. Allons-nous continuer à fournir le marché nord-américain depuis Warcoing ou trouver des partenaires afin de produire là-bas ? Nous devons porter des choix à long terme, très importants pour l’entreprise.”

Un bon manager de l’année, selon lui

“Un manager, aujourd’hui, ce n’est plus quelqu’un qui ‘dirige’ mais quelqu’un qui ‘indique la direction’, qui parvient à inspirer tous ses collaborateurs. Le manager est à la croisée de tout ce qui vit dans l’entreprise. Il ou elle doit être à l’écoute des actionnaires, des administrateurs, du personnel, des fournisseurs, des consommateurs, afin de sentir ce que l’entreprise veut.”

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