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Décumul: ‘Le sacrifice des députés-bourgmestres sauvera-t-il la Belgique ?’

Les débuts de négociations en vue d’une re-formation des gouvernements semblent en tout cas se résumer à une course pour savoir qui décumulera le plus vite et le plus fort. Comme si cela allait régler tous nos maux…

Il s’agit pourtant d’une question périphérique aux graves travers de gouvernance révélés ces derniers mois. Et quand on ne répond pas à la bonne question, on parvient rarement à trouver la bonne réponse. Nous allons donc ramer à contre-courant et tenter de défendre un peu ces fameux députés-bourgmestres.

Tout d’abord, des discours aussi soudainement radicaux ne plaident pas la cause du monde politique. En janvier dernier, Paul Magnette défendait dans nos colonnes l’intérêt d’un certain cumul de fonctions. ” Les fonctions municipales sont les dernières fonctions publiques dans lesquelles les citoyens ont encore confiance, c’est utile pour un Parlement d’avoir des ‘municipalistes’ en son sein “, disait-il. Six mois et un ‘débranchage’ de prise gouvernementale plus tard, il prône le décumul intégral. Avec le même aplomb. Pendant ce temps, Défi se profile comme le champion du monde du décumul, alors qu’il est porté depuis des lustres par un trio de députés-bourgmestres (Bernard Clerfayt, Didier Gosuin, Olivier Maingain). Des revirements aussi subits, de tels écarts entre le discours et les pratiques ne contribuent certainement pas à la crédibilité du personnel politique, toujours prompt à aller dans le sens du vent (pour s’étonner ensuite de la montée des populismes). Comme il ne faut pas mettre tout le monde dans le même sac, saluons néanmoins ici la cohérence d’Ecolo, qui n’a jamais connu de député-bourgmestre (ou échevin) dans ses rangs ; et du MR qui a toujours combattu les règles wallonnes limitant le cumul.

Les récentes affaires concernent toutes – oui, toutes – des mandats dérivés ou faussement “privés” que s’octroient les élus les plus cupides

Ensuite, ce décumul intégral ne sera de toute façon jamais qu’une vue de l’esprit. La rémunération des bourgmestres et échevins varie selon le nombre d’habitants de la commune. Dans les plus grandes villes, cela donne des salaires très corrects. Mais dans les plus petites entités, les mandataires ne gagnent guère plus de 2 à 3.000 euros brut par mois, parfois moins même. Imagine-t-on sincèrement que les personnes concernées, souvent bien diplômées, vont se contenter de ce seul revenu ? Ils travaillent à côté comme médecin, comme entrepreneur, comme fonctionnaire, etc. Pourquoi ne pourraient-ils pas le faire comme parlementaire et se consacrer ainsi totalement à la politique ? Il y a une forme d’hypocrisie à vouloir interdire le cumul politique et seulement celui-là. Interdiction que l’on peut, par ailleurs, contourner grâce aux rémunérations dans l’extraordinaire panoplie de structures publiques ou para-publiques.

Cela nous conduit au dernier point, le plus fondamental : aucune des affaires de gouvernance publique qui ont occupé l’actualité de ces derniers mois ne concerne des députés-bourgmestres. Ni Yvan Mayeur ni Stéphane Moreau ni André Gilles ne sont députés. Le seul exemple était celui d’Armand De Decker mais, en l’occurrence, c’est plutôt le cumul avec la profession d’avocat qui posait problème (faut-il donc l’interdire aussi ? ). En revanche, les récentes affaires concernent toutes – oui, toutes – des mandats dérivés ou faussement ” privés ” que s’octroient les élus les plus cupides. C’est là qu’il faut agir de manière radicale, en plafonnant tant le nombre de mandats que leurs rémunérations. C’est le coeur du système, celui qui permet de ” récompenser ” des milliers d’affidés en leur offrant des compléments de revenus, plus ou moins conséquents, dans ces myriades d’ASBL et d’intercommunales. Et pour sauver ce système, on est prêt à sacrifier les députés-bourgmestres.

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