Entrepreneuriat: le Déclic Tour, et après ?

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Le Déclic Tour, c’est un “road-trip entrepreneurial” qui invite les jeunes de 20 à 35 ans à sillonner la Belgique à la rencontre d’entrepreneurs sociaux, avec un objectif : faire émerger leur propre projet. Cette initiative fête ses trois ans cette année. Que sont devenus les participants des éditions précédentes ?

“Se mettre en mouvement pour entreprendre le changement. ” Tel est le slogan du Déclic Tour, un programme de formation en itinérance qui vise à inspirer et mettre en action celles et ceux qui veulent lancer un projet d’entrepreneuriat social. Durant huit jours, 30 graines d’entrepreneurs, accompagnés par six coachs professionnels, parcourent la Belgique à la rencontre d’entrepreneurs inspirants et participent à des ateliers pratiques et de réflexion. A l’issue de ce ” road-trip entrepreneurial “, les participants repartent avec une idée claire de leur projet et sont prêts à réaliser les premiers pas pour le concrétiser.

Lancée en août 2016, cette initiative en est cette année à sa troisième édition, qui aura lieu du 8 au 15 juin prochains. La formule de base reste la même mais les organisateurs ont apporté quelques petits changements. ” Cette année, encore plus qu’avant, nous voulons inviter les participants à travailler sur des besoins sociétaux réels, témoigne Lucille Rieux, cofondatrice du Déclic Tour. Pour cela, des experts de divers domaines (agriculture, textile, alimentation, etc.) viendront faire un état des lieux afin de conscientiser les participants sur ce qui manque réellement en économie sociale. “

Cette année aussi, les animateurs insisteront sur la possibilité de lancer un projet déjà existant : ” Parfois, en repensant les fournisseurs, les clients, les valeurs, la gouvernance, etc., il est possible de répliquer une idée et de lui ajouter une dimension sociale “, explique Lucille Rieux. Enfin, puisque toutes les graines de projets du Déclic Tour ne germent pas toujours, une bourse aux projets est désormais ouverte à ceux qui n’auraient pas d’idée.

Du déclic à l’action

Lors des deux éditions précédentes, certains ont eu le déclic. En moyenne, après le Déclic Tour, 36 % des participants sont engagés activement dans la construction d’un projet d’entreprise sociale. Parmi eux, 23 % sont occupés à le créer ou ont déjà créé le projet, et 13 % sont impliqués dans un collectif d’entrepreneuriat social. Certains commencent à en vivre, d’autres maintiennent une activité professionnelle régulière sur le côté.

Que se passe-t-il concrètement après une semaine aussi intense que le Déclic Tour ? Le ” Déclic en Action ” prend la relève. Trois week-ends de formation sont proposés sur des thématiques concrètes telles que la budgétisation d’un projet, la création d’un écosystème et la gouvernance. ” Sans cela, les projets naissants retomberaient comme des soufflés et personne ne se lancerait “, commente Lucille Rieux. L’équipe du Déclic met aussi les participants en contact avec des structures d’accompagnement pour qu’ils poursuivent la concrétisation du projet. Nous avons rencontré quatre participants des deux éditions précédentes, qui ont partagé leur expérience.

Par Lauranne Garitte.

Un “pop-up store” de vêtements éthiques

WeCo Store Mélanie Maudoux et Lucie Duchesne
WeCo Store Mélanie Maudoux et Lucie Duchesne© PG

Mélanie Maudoux (promotion 2017)

En débarquant au Déclic Tour en juin 2017, Mélanie Maudoux a déjà une idée qui lui trotte en tête depuis quelques années. Pour elle, la participation aux huit jours de formation est décisive : ” Je voulais voir si j’étais capable de passer de l’idée à l’action “, témoigne la jeune femme. Son idée ? Répondre à un besoin sociétal : la consommation de vêtements dans le respect de l’environnement et des hommes. Lors de la semaine, grâce à la méthode utilisée (inspiration, introspection et mise en action), Mélanie met des mots sur ses forces et ses faiblesses, et façonne son métier idéal. ” En rentrant chez moi, j’étais convaincue que lancer mon projet était la bonne décision. Pour cela, j’ai eu la chance de m’associer avec une autre participante et on a pu démarrer l’aventure entrepreneuriale ensemble “, expli- que-t-elle. Dans la foulée du Déclic Tour, Mélanie Maudoux et son associée suivent les conseils de l’équipe organisatrice : recherche d’informations dans le secteur du textile, prise de contacts dans le milieu, réalisation de tests. Elles suivent aussi un des programmes d’accompagnement de Coopcity. Et le projet WeCo naît pour promouvoir et vendre des marques de vêtements éthiques, durables et à la mode. En décembre 2017, la première vente a lieu dans un magasin bio de la Région bruxelloise. En avril, l’équipe en est à une session de vente par mois. Et en août prochain, le duo d’entrepreneuses ouvrira un pop-up store durant trois mois. ” Le Déclic Tour m’a permis d’oser de manière cohérente et réfléchie, tout en étant bien entourée, car la force de ce programme est indéniablement son réseau, ajoute Mélanie. Autant pendant la semaine qu’après, on se sent soutenues. Grâce aux bons conseils reçus, j’ai pu dépasser mes peurs et me lancer en confiance dans ce projet qui me tient très à coeur. ”

Aujourd’hui, Mélanie jongle entre la préparation des ventes, les ventes proprement dit, le rangement, la communication, les commandes, etc. Elle découvre aussi le monde de l’entrepreneuriat : ” C’est très stimulant car on rencontre énormément de personnes et comme le travail est varié, on apprend beaucoup “. Mais le quotidien n’est pas toujours aussi rose : ” L’entrepreneuriat est un véritable ascenseur émotionnel autant vers le haut que vers le bas. Tantôt on a de bonnes ventes, tantôt rien ne va comme il faut “. Toutefois, pleine d’optimisme, Mélanie se nourrit des retours positifs des acheteurs : ” Beaucoup nous disent qu’on répond à un réel besoin. Et ça, ça fait du bien de l’entendre. ”

www.wecostore.be

Intégrer les réfugiés dans le quotidien bruxellois

Kologa Anaïs Feyens, Samuel Halen et Félix Mailleux, les trois chevilles ouvrières de Kologa.
Kologa Anaïs Feyens, Samuel Halen et Félix Mailleux, les trois chevilles ouvrières de Kologa.© PG

Samuel Halen (promotion 2017)

Quelques semaines avant le Déclic Tour, Samuel Halen a ressenti le besoin d’arrêter sa thèse pour se diriger vers un travail plus concret et de terrain. ” Avec mon travail académique, je me sentais trop éloigné de la réalité, se souvient-il. Je me suis donc inscrit au Déclic Tour pour réaliser un projet concret qui partait de mes envies. ”

Quelques années plus tôt, le jeune homme avait déjà travaillé dans une structure d’accueil de demandeurs d’asile et c’est dans ce domaine qu’il avait envie d’être actif. Son idée est alors déjà bien établie, inspirée du terrain (son expérience professionnelle) et de la théorie (sa thèse). Reste à la lancer : ” Je me voyais entrepreneur, mais je n’osais pas passer le cap. J’avais besoin d’être rassuré “, commente Samuel.

Lors de la semaine du Déclic Tour, Samuel Halen ne se souvient pas avoir vécu un déclic particulier, mais ” l’idée était là “. ” Elle a pu être challengée, déconstruite puis reconstruite par toute une série de personnes, raconte le candidat entrepreneur. Le grand avantage de ce programme, c’est de pouvoir soumettre une idée à un collectif. C’est très riche et rassurant de voir que d’autres personnes ont les mêmes réflexions que soi. ”

Entrepreneuriat: le Déclic Tour, et après ?
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Son projet s’appelle Kologa, une ASBL qui permet à des réfugiés d’intégrer des colocations bruxelloises. ” Nous envisageons cette intégration sur le long terme, contrairement à la Plateforme citoyenne qui fait de l’hébergement d’urgence “, précise-t-il. Le rôle des trois porteurs du projet ? Faire se rencontrer les colocataires et les personnes réfugiées, soutenir le réfugié dans ses démarches d’installation, outiller le groupe avec des méthodes d’intelligence collective et accompagner les différentes parties pour la durée du projet.

Après le Déclic Tour, Samuel a rejoint le programme Seeds de Coopcity, qui aide au lancement d’entreprises sociales. Aujourd’hui, deux colocations pilotes sont en place, et Samuel consacre un jour de sa semaine comme bénévole à ce projet, à côté d’un emploi à quatre cinquièmes. ” Le bilan est très positif : il y a une réelle intégration des réfugiés dans le quotidien bruxellois “, note-t-il. Pour atteindre ce bel objectif, le Déclic Tour lui a donné beaucoup de choses : ” d’abord confiance en mon idée, ensuite un réseau incroyable dans le domaine de l’économie sociale, et enfin des outils de gestion de projet qui permettent d’aller vraiment en profondeur “. Un an après sa participation au Déclic Tour, son retour est positif : ” J’ai fait le choix d’un travail qui est en phase avec ma manière de voir les enjeux socio-politiques autour de la question de la politique migratoire. En alliant le théorique et le terrain, j’ai la sensation d’avoir le contrôle sur ma vie “. Belle illustration de son enthousiasme, il participera cette année au Déclic Tour en tant qu’animateur.

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Le Siroteur : faire ralentir l’adulte en jouant

Le Siroteur Aurélie Dechamps et Thomas Fernémont
Le Siroteur Aurélie Dechamps et Thomas Fernémont© PG

Aurélie Dechamps et Thomas Fernémont (promotion 2016)

Quand Aurélie Dechamps et Thomas Fernémont se sont inscrits au Déclic Tour, ils venaient de quitter leurs emplois respectifs comme chargée de communication dans un accélérateur de start-up et comme gestionnaire d’un espace de coworking. Chacun est venu avec des objectifs différents. ” Thomas voulait rencontrer des personnes, et moi, je voulais faire émerger une idée de projet de jeux en bois géants en Belgique “, raconte Aurélie. Leur leitmotiv commun : se laisser surprendre.

Ce couple uni dans la vie a vécu le vrai déclic lors d’un exercice d’introspection : ” Nous n’étions pas partis dans le but de lancer un projet à deux. Pourtant, lors de l’exercice nous invitant à désigner ce qu’on pouvait faire, ce qu’on aimait faire, ce dont le monde a besoin et ce qui nous permettrait de gagner notre vie, nos deux réponses étaient fort semblables “, se souvient Thomas. Le projet initial de construire de grandes cabanes avec des jeux en bois pour en faire une fête foraine ambulante a progressivement évolué. Aujourd’hui, le couple mène ensemble le projet Le Siroteur, lancé officiellement en décembre 2017, qui invite les gens à ralentir en se retrouvant autour de jeux géants en bois. Le duo loue des jeux et prend en charge l’animation de cet espace-jeu avec un objectif : créer du lien social en toute convivialité.

Le Siroteur invite les gens à ralentir en se retrouvant autour de jeux en bois.
Le Siroteur invite les gens à ralentir en se retrouvant autour de jeux en bois.© PG

Après le Déclic Tour, Aurélie et Thomas se sont directement inscrits dans une couveuse d’entreprises. Ils en font toujours partie et participent encore régulièrement à des réunions informelles entre participants du Déclic Tour pour s’entraider grâce à des outils d’intelligence collective (du style ” à ta place, je ferais… “). ” Ces retrouvailles permettent souvent de relancer la flamme de notre projet “, poursuit Thomas. Or, pour le jeune entrepreneur, ” le Déclic Tour aura été l’étincelle, l’élément phare qui nous a confortés dans l’idée qu’on voulait entreprendre. La semaine nous a mis en confiance pour nous lancer ensemble dans l’entrepreneuriat social. ”

Aujourd’hui, le quotidien d’Aurélie et Thomas se répartit entre la réalisation de devis, le chargement de jeux, la livraison, l’installation, l’animation de team-building en entreprise ou d’activités lors d’événements, etc. Leur bilan est encourageant : ” On n’a jamais été aussi pauvres mais jamais aussi heureux “, clament-ils ensemble, en soutenant qu’ils se remettent souvent en question pour se réorienter, mais que jamais ils ne regrettent leur choix.

Le Siroteur invite les gens à ralentir en se retrouvant autour de jeux en bois.
Le Siroteur invite les gens à ralentir en se retrouvant autour de jeux en bois.© PG

www.lesiroteur.be

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