Comment quatre investisseurs ont redonné vie à Olivier Strelli

Mark Vandevelde: "Trop d'entreprises de prêt-à-porter ne s'occupent que de leur coeur de métier." © Jonas Lampens

Quatre investisseurs ont redonné vie à Olivier Strelli, déclarée en faillite. Cela fait six mois que Mark Vandevelde en est le CEO. Faisant fi de plusieurs principes traditionnellement en vigueur dans le secteur du prêt-à-porter, celui-ci remet en selle la marque bruxelloise.

Le secteur du prêt-à-porter est en difficulté depuis des années. Victime de cette tourmente, la marque Olivier Strelli a déposé le bilan en 2012. Mais cela n’a pas empêché trois investisseurs privés de se regrouper sous la dénomination Fashion Architect Associates (FAAS) et de relancer la marque, avec le concours de la Participatiemaatschappij Vlaanderen (société de participation pour la Flandre). Il y a six mois, ceux-ci ont désigné Mark Vandevelde au poste de CEO. ” Les secteurs du prêt-à-porter et de la distribution sont dans une situation critique, mais ils me fascinent. Le malaise qu’ils traversent s’explique en partie par des évidences comme le passage manqué au numérique et le manque de réactivité par rapport aux besoins du consommateur moderne. Trop peu de marques visent à créer un sentiment de bien-être chez le client “, déclare Mark Vandevelde.

L’âme de la marque

Un autre gros problème pour beaucoup de marques est l’absence d’un ADN fort. Elles frappent alors à la porte d’une agence de publicité pour qu’elle leur invente cet ADN, comme Mark Vandevelde l’a souvent constaté avec son entreprise Content Cowboys. ” C’est la grande force d’Olivier Strelli : même après avoir connu le creux de la vague, notre marque reste à flot grâce à un ADN extrêmement fort. Grâce à nos imprimés colorés et audacieux, nous apportons un côté original au prêt-à-porter masculin, souvent très ennuyeux. La plupart des marques ne prennent aucun risque. ”

Trop peu de marques visent à créer un sentiment de bien-être chez le client.

” Qui plus est, les imprimés et les couleurs font partie intégrante de l’âme de la marque, explique le CEO. Ils sont liés à la période pendant laquelle le fondateur, Nissim Israël, a vécu en Afrique. C’est cet aspect qui a fait d’Olivier Strelli une marque mondiale, avec des clients aussi célèbres que les Rolling Stones, Rod Stewart ou le personnel de la Sabena. Cette perception continue de jouer en notre faveur. En France, par exemple, les clients nous placent au même niveau que Hugo Boss ou Paul Smith. Nous renforçons cet ADN par une interprétation originale des tendances, de manière à ce que les jeunes aussi se reconnaissent dans nos collections. Pour un mordu de marketing comme moi, c’est très excitant de voir la valeur ajoutée considérable que l’on peut apporter à une marque, pourvu qu’on adopte la bonne approche. ”

Cohérence

Au cours des six derniers mois, Mark Vandevelde a lancé le processus de transformation numérique. ” Trop d’entreprises de prêt-à-porter ne s’occupent que de leur coeur de métier. Tout évolue tellement vite dans notre secteur que la numérisation est cruciale pour garder la tête hors de l’eau. Nous sommes actuellement en train de mettre en place un nouveau système ERP (enterprise resource planning, Ndlr), qui permettra d’automatiser davantage tout le flow, de la conception à la distribution, en passant par la production, et d’avoir une meilleure lisibilité des pièces qui se vendent le mieux et de la rotation des stocks. Comme cela demande chaque fois un gros investissement, il est très important de pouvoir estimer la production et les stocks. Parallèlement, nous avons lancé un nouveau site internet et une boutique en ligne. Etant donné que, par le passé, Olivier Strelli n’a absolument rien entrepris en termes de passage au numérique, comme beaucoup d’autres marques, il est plus facile aujourd’hui d’intégrer ces aspects de la bonne manière. Ce n’est qu’en franchissant ce cap que nous pourrons nous développer “, explique le CEO.

La cohérence de la marque est un deuxième aspect auquel Mark Vandevelde accorde une grande importance. ” Certains membres de notre équipe travaillent depuis longtemps pour Olivier Strelli alors que d’autres viennent d’arriver. Nous avons discuté ensemble pendant des heures pour savoir quelle identité donner à la marque et qui sont nos clients. Nos vêtements sont le reflet de cette vision. Nos chinos, par exemple, sont bordés d’un galon coloré à l’intérieur et nos vestes de costume ont une doublure colorée. Cela ne se remarque pas de l’extérieur mais cela apporte aux vêtements la petite touche en plus que recherchent nos clients. ”

” Par ailleurs, nous avons construit notre collection autour d’un thème, poursuit-il. Les couleurs de la collection hiver 2018 sont toutes coordonnées. Nous allons au bout de notre vision dans tous les aspects. Ainsi, nous avons fait de nouvelles photos avec un mannequin qui exprime parfaitement le côté ludique et rebelle de la marque. Une sorte de skater devenu adulte, un dandy du quotidien si l’on veut. Nous avons également misé sur la couleur pour nos emballages. Les étiquettes blanches seront bientôt remplacées par une alternative plus originale. Nous ne sommes pas une marque circonscrite, mais une marque qui se remet en cause tous les jours. Ce n’est qu’à cette condition que nous pourrons continuer à innover. ”

Comment quatre investisseurs ont redonné vie à Olivier Strelli
© JONAS LAMPENS

Expérience

Sur le plan commercial aussi, le CEO veut avoir une approche différente de celle habituellement en cours dans le secteur. ” Je trouve étrange qu’une collection disparaisse des magasins au bout de six mois. D’où la décision de conserver une partie de notre collection plus longtemps en rayon. Selon moi, une pièce peut parfois avoir besoin de plus de temps pour trouver un public. Parallèlement, nous sortirons des collections capsules plus saisonnières, en tentant par exemple l’expérience des maillots de bain. Un des avantages de ce concept est que nous ne devons pas attendre la saison suivante, nous pouvons commercialiser certaines pièces dès qu’elles sont prêtes. De cette façon, nous pouvons rester plus proches du marché, raccourcir le processus de production et alléger les investissements. La période qui sépare le premier coup de crayon et l’arrivée dans les magasins est en effet souvent très longue. C’est l’une des raisons pour lesquelles le secteur du prêt-à-porter a des charges financières très lourdes. A terme, nous voulons sortir deux à quatre collections principales et les compléter par de plus petites collections capsules “, explique Mark Vandevelde.

A côté de cela, Olivier Strelli entend aussi ajouter une dimension ” expérience ” à ses produits. ” A l’achat d’une écharpe, par exemple, le client reçoit un petit guide avec des conseils sur les différentes manières de la nouer. Le magasin pop-up de Bruxelles est aménagé comme un magasin à expériences. A côté de la nouvelle collection, les clients y trouvent une partie des anciennes collections et l’histoire de la marque. Nous proposons aussi un ‘abonnement chemises’, par exemple. Tous les deux mois, le client en reçoit une. S’il ne l’aime pas, il peut la renvoyer. En même temps, nous proposons aux hommes un service grâce auquel ils ne doivent plus revenir en magasin. Nous prenons leurs mensurations une seule fois et les stockons dans notre système. ”

Pas de ligne pour femmes

L’idée initiale était de remettre rapidement en service le réseau des magasins propres et de lancer de nouveau une marque pour les femmes. Mais entre-temps, ces projets ont été revus. ” La distribution est un autre métier et il ne figure pas en ce moment parmi nos priorités. Mis à part nos points de vente de Gand, Anvers et Bruxelles, nous passons provisoirement par l’intermédiaire d’agents et de distributeurs. L’an prochain, nous avons l’intention de nous positionner de nouveau sur les marchés britannique, espagnol, italien et portugais, où nous jouissons d’une forte notoriété, explique Mark Vandevelde. Parallèlement, nous avons décidé provisoirement de ne pas lancer de marque pour les femmes, car il s’agit d’un autre métier et que la concurrence est beaucoup plus rude dans ce segment. Mais l’an prochain, nous devrions lancer le petit frère scandinave d’Olivier Strelli. Nous prévoyons aussi de racheter des marques qui s’inscrivent dans notre portefeuille. Pour pouvoir mener à bien tous ces projets, nous sommes à la recherche d’investisseurs supplémentaires. ”

Olivier Strelli au fil des ans

– 1980 : Nissim Israël montre sa première collection complète à Paris

– Années 1980 et 1990 : La marque habille des clients célèbres comme les Rolling Stones et Rod Stewart

– 1989-1999 : Création des uniformes de la Sabena

– 2008 : Rachat par le groupe EverCapital

– 2010 : Création des uniformes de la SNCB

– 2012 : Faillite

– 2014 : Fashion Architect Associates ressuscite la marque

– 2017 : Mark Vandevelde est désigné comme CEO

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