La maison des sept marques

L'usine de Thimister est devenue la plus importante du groupe, qui en compte sept réparties dans le monde © PG

Créé en 2015 par Marc Noël, le fondateur de Nomacorc, Vinventions entend se positionner sur le marché comme le fournisseur de solutions complètes de bouchage de bouteilles de vin. Récemment refinancé, le groupe affiche de solides ambitions de croissance au départ des Etats-Unis et de la Belgique.

Début du mois dernier, Vinventions a annoncé la finalisation du refinancement du groupe qui va lui permettre de soutenir ses plans de croissance et ainsi conforter sa position de deuxième fournisseur de bouchons du monde derrière le groupe portugais Amorim. Une position acquise en moins de 20 ans grâce à une innovation qui a révolutionné le marché : le bouchon synthétique, qui s’est rapidement imposé comme solution alternative au problème de ” goût de bouchon ” qui gâchait de nombreux flacons. L’idée est née dans les années 1980 autour d’une table et de bouteilles de vins ” bouchonnées “. ” Mon père Gert Noël était frustré du nombre de bouteilles de vins qui avaient ce goût de bouchon plus ou moins perceptible, dû à une moisissure causée par un champignon, rappelle Marc Noël, président de Vinventions. Il s’agit du TCA (2,4,6-trichloroanisole). Comme NMC, la société qu’il avait fondée, était spécialisée dans l’extrusion, il songea alors à produire un bouchon synthétique qui avait l’apparence d’un bouchon de liège sans en avoir les désagréments. ”

La maison des sept marques
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Nom de code : manche à balai

Mais entre l’idée et la réalisation, il y a du chemin. ” Le projet avait reçu le nom de code de ‘manche à balai’, poursuit Marc Noël. Peu de personnes étaient dans la confidence. Mon père a d’ailleurs effectué les premiers essais dans la cuisine de ma mère en 1988. Seulement, les premiers bouchons ne satisfaisaient pas aux exigences des lignes d’embouteillage, notamment en termes de résistance physique. Il a fallu une bonne dizaine d’années de recherche et développement et de nombreux tests avant d’amener un produit sur le marché. ”

Née en Belgique, l’aventure se poursuit aux Etats-Unis où Marc Noël vit depuis 1979. Il y a lancé la filiale américaine de NMC, Nomaco, son frère Yves poursuivant le développement de NMC en Belgique. Au milieu des années 1990, les équipes de Nomaco, basées à Zebulon (Caroline du Nord), se penchent sur le problème et relèvent le défi. En 1999, une spin-off est créée et baptisée Nomacorc. Si le bouchon synthétique fait ses premières armes sur le marché américain, il va rapidement traverser l’Atlantique et se rapprocher de la première zone de production vinicole mondiale qu’est l’Union européenne.

En 2001, une petite usine de finition est ouverte à Eupen et deux ans plus tard, Nomacorc la déménage et lance une usine de production à Thimister qui est devenue au fil des années la plus importante d’un groupe qui en compte aujourd’hui sept réparties dans le monde (Etats-Unis, Belgique, Allemagne, France, Argentine, Afrique du Sud et Chine). ” Le marché a bien accueilli cette innovation, vu l’incidence très prononcée du ‘goût de bouchon’ qui concernait alors jusqu’à 15 % des bouteilles, souligne Marc Noël. Cela dépendait de la qualité des vins et il y avait différents degrés de TCA. Mais imaginez que 15 % des voitures tombent en panne au bord de la route, c’est insoutenable. Et c’est vrai pour n’importe quel produit. Le consommateur ne sait pas toujours identifier le problème mais il risque de ne plus acheter le vin incriminé. Cette incidence nous a ouvert de nombreuses portes, d’abord aux Etats-Unis et ensuite en Europe. ”

Nouvelle stratégie

Nomacorc va rapidement connaître une forte progression de ses ventes tant sur le marché nord-américain qu’en Europe. En Belgique, l’entreprise va caracoler durant la seconde moitié des années 2000 au top du classement des Gazelles. Elle sera également présente assez vite à l’exportation et on retrouvera son bouchon synthétique dès 2005 dans plus de 25 pays. La récession liée à la crise financière va cependant ralentir cette croissance. Elle va aussi retarder la réflexion stratégique qui s’esquissait avant la crise et qui trouve aujourd’hui sa traduction dans la redéfinition du métier de Vinventions. ” C’est en discutant avec un client américain, la société Gallo, que s’est posée la question de savoir pourquoi on ne vendait pas davantage de produits dans les pays où nous étions présents, reprend Marc Noël. Cela nous a amenés à nous interroger sur notre positionnement et sur nos forces : était-ce le bouchon Nomacorc qui nous avait permis de devenir le deuxième producteur mondial de produits de fermeture pour vin, peu importe la catégorie ou la matière, ou le réseau de distribution que nous avions tissé dans le monde ? ”

Denis Van Roey, CFO de Vinventions
Denis Van Roey, CFO de Vinventions “Notre clientèle s’étend du vigneron au grand groupe industriel.”© PG

” Nous avons alors développé aux Etats-Unis une vision qui est devenue une stratégie. Nous ne sommes pas mariés à Nomacorc et nous nous sommes alors demandé ce que nous pouvions proposer en plus à nos clients et aux clients potentiels afin de satisfaire leurs demandes. Il faut savoir qu’aucune solution ne satisfait totalement le vigneron. Celui-ci est donc très réceptif à être aidé afin de disposer d’un système de fermeture qui va lui permettre de développer le vin et de le contrôler après embouteillage. Or, le bouchon de liège, qui est un produit naturel, ne lui offre pas une garantie totale. Mais il faut reconnaître que la qualité de ce dernier a considérablement augmenté ces dernières années, grâce à l’amélioration des contrôles. Nos produits sont réalisés avec des technologies qui vont permettre au vigneron de contrôler les paramètres dont il a besoin et des systèmes d’analyse qui vont lui permettre de prévoir l’évolution de son vin jusqu’à la consommation. Comme l’a un jour noté le Wall Street Journal, Nomacorc a changé la manière dont le vigneron fait le vin. ”

Une offre complète

En 2015, Marc Noël a traduit cette stratégie dans les actes en créant Vinventions. Se sont joints à lui Bespoke Capital Partners, Heino Freudenberg, CEO, et d’autres partenaires. Depuis 2015, Vinventions, dont le siège social est basé à Zebulon, a acquis différentes entreprises dont Ohlinger en Allemagne, Syntek Bouchage en France ou récemment Alplast en Italie qui rejoindra officiellement le groupe le 1er mai prochain. Il a également établi un partenariat stratégique avec Cork Supply (liège naturel). ” A l’automne dernier, toutes les sociétés ont été renommées Vinventions et les noms des anciennes sociétés sont devenues les marques, précise Marc Noël. Nous ne souhaitions pas que l’ensemble s’appelle Nomacorc car cela aurait réducteur par rapport à la palette des produits et des services que nous offrons maintenant. ” Aujourd’hui, Vinventions se présente auprès de ses clients comme ” la maison des sept marques avec cinq segments de bouchage et deux segments de service afin de proposer des solutions complètes de bouchage aux domaines viticoles, aux sociétés d’embouteillage et aux distributeurs du monde entier “.

La maison des sept marques
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Vinventions couvre toutes les catégories importantes de bouchon avec les PlantCorcs (Nomacorc), les bouchons en liège (Ohlinger), les capsules à vis (Vintop), les bouchons synthétiques (Syntek) et les bouchons en verre (Vinolok). Elle fournit également deux services liés spécifiquement au monde du vin. D’une part, Wine Quality Solutions qui propose des analyseurs, des équipements et des services oenologiques permettant d’améliorer la qualité et la régularité de la production des vins grâce à un contrôle qualité en temps réel. D’autre part, Wine Marketing Solutions qui apporte une approche scientifique au marketing du vin grâce à une offre de services qui inclut neuromarketing, programmes de promotion de marques, support de design d’emballage et études consommateurs. ” Notre clientèle s’étend du vigneron au grand groupe industriel, intervient Denis Van Roey, CFO de Vinventions. Avec nos différentes solutions et services, nous avons pour objectif d’aider le client à déterminer la solution optimale pour son ou ses produits. Nous avons ainsi dernièrement gagné un client en Italie qui commercialise du barolo à hauteur de 200 euros la bouteille avec un bouchon haut de gamme garanti 25 ans. ”

Durabilité et innovation

Depuis le premier bouchon synthétique mis sur le marché à la fin des années 1990 au développement de la gamme Green Line de Nomacorc en 2016, une nouvelle catégorie de bouchons baptisés PlantCorcs, fabriqués au départ de matières premières provenant de déchets de canne à sucre, le groupe a toujours mis l’accent sur l’innovation, teintée ces dernières années par la durabilité. ” L’innovation est au coeur de Vinventions, poursuit Denis Van Roey qui rappelle pour appuyer ses propos que le comité de direction est composé du CEO, du CFO et du CIO (chief innovation officer) Malcom Thompson en poste aux Etats-Unis. Nous entendons être précurseurs dans le secteur en sortant tous les deux à trois ans un nouveau produit. Ainsi, nous sommes déjà occupés à travailler sur des innovations concernant les capsules à vis qui s’inscrivent dans la foulée de notre récente acquisition en Italie. D’ici un an à un an et demi, des nouveautés devraient sortir sur le marché. Par ailleurs, nous lancerons mi-2018 un nouveau bouchon micro-aggloméré extrudé avec un liant sur base de produits naturels (liège) et sans colles. Enfin, nous disposons d’un département d’oenologie à Nîmes qui collabore avec les clients afin de déterminer le bouchon qui réponde le mieux à ses besoins. ” Aujourd’hui, la marque Nomacorc ne produit plus de bouchons synthétiques – la production de ceux-ci est désormais estampillée Syntek – mais bien des bouchons à base de matières premières végétales. ” Ces bouchons sont fabriqués grâce à un procédé breveté de co-extrusion qui garantit l’homogénéité entre les bouteilles, élimine les défauts dus à l’oxydation et à la réduction, ainsi que les altérations liées au TCA et à d’autres contaminants, reprends Marc Noël. Au final, le consommateur veut d’abord que son vin soit bon quelle que soit la fermeture. J’exagère sans doute car vous aurez toujours des partisans du liège traditionnel. C’est une question culturelle également. Ainsi, dans les pays de l’hémisphère sud ou en Suisse, on est déjà depuis longtemps habitué à la capsule à vis. La capsule à vis représente quelque 30 % de parts de marché, pour 55 % pour le liège et 15 % pour nous. Par ailleurs, vous devez tenir compte des souhaits des vignerons ainsi que du département marketing des grands groupes qui privilégie une fermeture traditionnelle. Que ce soit du liège pur, du micro-aggloméré, un bouchon à base de matières végétales ou un bouchon synthétique. ”

Marc Noël, président de Vinventions
Marc Noël, président de Vinventions “Notre société se présente comme la maison des sept marques.”© PG

Ambitions de croissance

La définition d’une nouvelle stratégie couplée à une réorganisation du groupe a posé les bases d’une future croissance. Qu’il convient de financer. C’est dans ce cadre que Vinventions a finalisé au début du mois de mars un refinancement du groupe. Les actionnaires actuels dirigés par Noël Group LLC, Bespoke Capital Partners et la Compagnie du Bois Sauvage ont injecté 40 millions de dollars pour soutenir son développement. En outre, Vinventions a levé 59 millions de dollars de dette senior, 29 millions de dollars de dette subordonnée et 21 millions de dollars grâce à des instruments de refinancement annexes. Les nouveaux fonds levés, majoritairement européens, serviront à rembourser les financements seniors et mezzanines existants, basés aux Etats-Unis, ainsi que des tirages réalisés dans le cadre des facilités de crédit renouvelables. ” Grâce au soutien massif de nos actionnaires et de nos nouveaux partenaires financiers, nous sommes en mesure d’optimiser notre structure de financement, de réduire notre coût et de renforcer notre bilan, pointe Denis Van Roey. Cela générera un cash-flow plus élevé, que nous pourrons réinvestir dans nos efforts d’innovation, des acquisitions très ciblées et la croissance continue de Vinventions dans le monde. ” Si le siège social du groupe est toujours basé aux Etats-Unis, le centre de gravité financier s’est déplacé à Thimister qui est le premier site de production du groupe et compte plus de de 200 collaborateurs et réalise plus de 50 millions d’euros de chiffre d’affaires. Pour sa part, le groupe compte plus de 500 collaborateurs dans le monde et affiche un CA de 140 millions de dollars (114 millions d’euros), dont 60 % sont réalisés en Europe qui demeure le premier marché du groupe. ” L’Europe représente 65 % de la production mondiale, analyse le CFO. Mais d’autres marchés se développent fortement comme la Chine où nous disposons d’une usine de finition – les bouchons sont produits aux Etats-Unis – ainsi que l’Amérique du Sud. L’usine inaugurée en 2014 en Argentine connaît actuellement la plus forte progression au sein du groupe. En termes de consommation, les marchés traditionnels (France, Italie, Espagne et Allemagne) marquent un peu le pas mais la croissance se poursuit aux Etats-Unis et en Chine. Et de nouveaux marchés émergent comme les pays de l’Est et l’Inde. ” Autant de lieux où Vinventions a placé ses bouchons et autres solutions dans l’espoir de poursuivre et accélérer la croissance qui l’a amenée en deux décennies à jouer un rôle de premier plan dans un marché qu’elle a réveillé grâce à une recette qui a pour nom innovation.

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