Pourquoi la cuisine reste un secteur alléchant

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Les livres et les programmes culinaires sont à la mode. Les fabricants belges de cuisines le remarquent également à leur niveau. Tout en faisant front face aux machines de guerre allemandes entièrement automatisées et autres géants du secteur. Quant à la vente en ligne de cuisines, elle n’affecte pas non plus les magasins spécialisés. “Nos clients veulent sentir, toucher et tester nos cuisines.”

“Sur une moyenne de 200 jours de travail par an, nous vendons environ 1.600 cuisines “, confie Johan Illegems, administrateur délégué des cuisines Ilwa à Ruisbroek. Pour les grands cuisinistes belges, ce volume peut prêter à sourire. Dans le secteur, on évoque des ventes annuelles se situant entre ” 100.000 et 125.000 cuisines “. Une étude de Comeos, la fédération du commerce et des services en Belgique, a ainsi recensé un total de 167.991 cuisines vendues en 2017.

Le chiffre d’affaires de la production de cuisines au niveau national est calculé quant à lui par Fedustria, l’organisation patronale des fabricants belges du textile, du bois et de l’ameublement. ” Ces dernières années, le secteur des cuisines a connu une légère croissance tous les ans, avec un léger déclin en 2017, explique le directeur général adjoint Filip De Jaeger. En 2016, le chiffre d’affaires était en effet de 414 millions d’euros contre 399 millions en 2017. Une reprise s’est cependant manifestée dès l’année suivante. Au cours des neuf premiers mois de 2018, le CA du secteur a atteint 302 millions d’euros, soit une augmentation de 4,3 % par rapport à la même période en 2017. ” Il concerne principalement le marché domestique, car les cuisinistes belges exportent peu. Ikea est le leader du marché en Belgique en matière de cuisines équipées, totalisant un tiers des ventes.

Le secteur des cuisines est rentable. Sur la base des bilans des 17 plus grands acteurs, on peut compter les perdants sur les doigts d’une main.

” Mais qu’est-ce qu’une cuisine ? Deux armoires et un évier ? , nuance Johan Illegems. Nous ne fabriquons que des cuisines sur mesure et entièrement équipées. Notre prix de vente moyen s’élève à 20.000 euros, c’est-à-dire la tranche moyenne supérieure. Mais le prix ne détermine pas notre position sur le marché. Notre clientèle achète en toute confiance. D’où l’importance de la fabrication dans le pays même ou la région. ”

Affaires de famille

Le plaisir de cuisiner allié à la fabrication sur notre territoire : lors du choix d’une cuisine, cela compte encore pour le client belge. Peu de gens connaissent la société Ilwa, évoquée plus haut, mais tout le monde a entendu parler des cuisines Dovy. Le médiatique Donald Muylle, 66 ans, est l’administrateur délégué de l’entreprise qu’il a créée en 1980 dans une ancienne grange à lin près de Roulers. Régulièrement, il en souligne le caractère national et familial à coups de grandes campagnes publicitaires. Son slogan est imparable : ” Nous fabriquons votre cuisine en Belgique “.

Presque tous les cuisinistes sont à la base des entreprises familiales. Il s’agit d’entreprises de la deuxième et troisième génération, où l’on assiste au passage de flambeau. Chez Dovy, les fils Christian (46 ans) et Mario (48 ans) sont désormais à la barre. Leur holding de contrôle Chrimari est en bonne santé financière : pas d’endettement bancaire et pour l’exercice 2017, un dividende de 2,1 millions d’euros via sa filiale Cuisines Dovy.

Chez Cuisines DSM, on en est à la quatrième génération, avec Sofie et Tim De Schepper. Ici, pas de fabrication nationale, mais une chaîne de 13 magasins. Sofie De Schepper dirige également avec son mari une deuxième chaîne, De Keukenbouwer. Cuisines DSM vend 4.500 cuisines par an. Là aussi, les sociétés (il n’y a pas de bilan consolidé) sont financièrement saines.

Fabriquer des cuisines serait donc rentable. Trends-Tendances s’est penché sur les bilans des 17 plus grands acteurs du marché belge. Et les perdants se comptent sur les doigts d’une main. Et pourtant, le marché des cuisines est très concurrentiel. Dans des messages publicitaires agressifs, les grandes chaînes proposent jusqu’à ” 3.000 euros d’appareils électriques gratuits “. ” Cette concurrence se manifeste surtout dans le secteur moyen de gamme, nous déclare Koen De Keyzer (groupe De Keyzer). Ce segment est complètement bouché, avec les mêmes concepts et les mêmes cuisines partout. ”

Tout comme Ilwa, le groupe De Keyzer (basé à Menin) est actif dans le segment supérieur. Il livre des cuisines sur mesure, avec un prix de vente moyen de 24.000 euros. Koen De Keyzer représente la deuxième génération et dirige l’entreprise avec son frère jumeau Hans et leur frère Bart. ” Ce qui nous différencie ? Le raffinement, le confort et l’esthétique. En tant qu’entreprise familiale, nous ne nous satisfaisons pas d’un produit qui n’offre qu’un confort de base. Dans notre usine, nous nous efforçons d’atteindre le plus haut niveau possible d’automatisation. ” A Menin, des scies commandées par des ordinateurs coupent des panneaux de bois sur mesure. Ces panneaux sont ensuite déposés sur des bandes convoyeuses automatiques. En même temps, des dizaines d’employés sculptent et affinent souvent de très petites pièces pour les armoires de cuisine. Chaque année, 700 cuisines y sont produites. Pour cette automatisation avancée, l’entreprise a été élue Factory of the Future, un prix récompensant une société de production qui est entièrement passée à l’ère numérique.

Pourquoi la cuisine reste un secteur alléchant

Cuisines venues d’Allemagne

En 2018, l’allemand Nobilia, le plus grand cuisiniste en Europe, a produit 727.000 cuisines. L’entreprise, dont l’actionnaire principal est la famille Stickling, est également actionnaire d’Eggo et d’Ixina. Le duo se partage le leadership du marché belge dans le secteur de la vente de cuisines. Èggo exploite une chaîne de 46 magasins propres en Belgique et Ixina travaille avec un système de 58 magasins franchisés. Ixina possède également une joint-venture 50/50 avec Fnac Vanden Borre : Vanden Borre Kitchen. Cette société souhaite également évoluer vers un réseau de 50 magasins franchisés sur le long terme.

Nobilia est le leader du marché dans le segment moyen de gamme, le prix de ses cuisines variant de 3.000 à 14.000 euros. Il réalise un peu plus de la moitié de son chiffre d’affaires (1,23 milliard d’euros en 2018) en Allemagne. La Belgique est son deuxième marché d’exportation après la France. Cette grande pointure allemande est-elle rentable en Belgique ? Ixina Belgique ne déclare pas le chiffre d’affaires combiné de ses magasins, seulement les revenus de ses franchises (5,6 millions d’euros en Belgique) et est rentable. Le groupe qui détient Èggo, Menatam-Logmetam, a réalisé un bénéfice en 2017 après trois années de pertes consécutives. Èggo n’était pas responsable de cette perte, la faute incombait à une deuxième chaîne : Kitchen Market. Cette chaîne a été dissoute. Certains des magasins ont adopté le nouveau système de franchise Vanden Borre Kitchen.

Magasins physiques

” La vente en ligne va encore progresser, mais les magasins restent très importants, commente Johan Illegems (Ilwa). Les clients veulent sentir, toucher et tester nos produits. Nous organisons aussi des ateliers de cuisine. Le contact personnel avec les clients revêt une grande importance dans ce secteur. Il faut en moyenne trois semaines avant de trouver un accord. ”

Koen De Keyzer (De Keyzer Group) est encore plus sceptique quant à la puissance des ventes en ligne. En principe, il est tout à fait possible d’acheter sa cuisine sur Internet mais dans ce cas, les pièces et les mesures doivent être standards. Ce n’est quasi jamais le cas. ” Les ventes sur le Web augmentent. Nous vendons par exemple des armoires murales en ligne. Mais chaque cuisine est différente. C’est pourquoi nous avons opté au cours de la dernière décennie pour l’expansion d’un réseau points de vente. Nous ouvrons ici notre septième magasin. Nous souhaitons ouvrir un nouveau magasin tous les 18 mois. En tant que client, vous pouvez faire des présentations 3D d’une cuisine ou vous promener dans une cuisine virtuelle avec des lunettes Google. Mais qu’en est-il du ressenti ? Les clients veulent se tenir debout dans une cuisine, sentir la chaleur ou le froid des matériaux. Ouvrir les tiroirs. Pendant nos soirées de démo, les clients peuvent tester les appareils. La réalité virtuelle, c’est bien, mais rien ne vaut l’expérience réelle. “

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