La croissance australienne à bout de souffle

La Banque centrale australienne (” Reserve Bank of Australia ” ou RBA) a une nouvelle fois laissé inchangé son taux à court terme à un niveau record de 1,5 %. En choisissant de ne pas abaisser son taux, elle ignore la faible croissance économique du premier trimestre (0,3 %). La RBA attribue le ralentissement de la croissance à l’impact du mauvais temps sur les exportations et le secteur de la construction.

Matières premières

Ces mauvaises conditions météorologiques ne sont cependant qu’une partie de l’explication. Bien que l’économie australienne ait enregistré sa 25e croissance annuelle consécutive l’an dernier, celle-ci était surtout due au rétablissement des prix des matières premières. Lequel est intervenu en raison d’une nouvelle flambée de la construction en Chine, alimenté par les crédits à taux plancher accordés par les banques d’État – une situation intenable vu le taux d’endettement déjà élevé de l’économie chinoise. L’Australie est très tributaire des exportations de matières premières : le minerai de fer et le charbon représentent ensemble 35 % des exportations totales. La baisse des cours des matières premières a quadruplé le déficit commercial australien à plus de 36 milliards de dollars australiens (AUD).

Marché immobilier

Le marché immobilier australien commence également à se fissurer. En mai dernier, les prix de l’immobilier se sont contractés pour la première fois en un an et demi. Les principales baisses ont été enregistrées à Sydney et Melbourne, là où les prix avaient le plus augmenté ces dernières années (de 75 % en cinq ans à Sydney, par exemple). La hausse avait été alimentée par les investisseurs qui, en raison des taux bas, pouvaient emprunter pour acheter des biens immobiliers ; ils prennent à leur compte la moitié des crédits immobiliers accordés l’an dernier (contre 16 % en 1991). Les mesures prises par la RBA et le gouvernement pour endiguer les octrois de crédit aux investisseurs commencent cependant à produire leurs effets.

La fin du boom immobilier australien pourrait asséner le coup de grâce à la consommation privée. Le secteur de la construction fournit de très nombreux emplois temporaires aux mineurs licenciés. Une contraction des activités dans la construction pourrait donc provoquer une brusque hausse du taux de chômage. L’industrie australienne est trop faible pour combler le déficit.

Baisse des taux

La baisse des prix de l’immobilier affecte également la réputation jusqu’ici très solide du système bancaire australien. Dans une manoeuvre inédite pour l’Australie, l’agence de crédit Standard & Poor’s (S&P) a abaissé la note de solvabilité de 23 banques australiennes. En cause : la forte hausse de l’endettement du secteur privé australien – de 117 % du produit intérieur brut en 2013 à 136 % aujourd’hui – et la part importante des crédits hypothécaires dans cette montagne de dettes. Selon S&P, le risque de correction a augmenté sur le marché immobilier, ce qui pourrait mettre les banques sous pression.

S&P a cependant fait une exception pour les quatre grandes banques australiennes (ANZ Banking Group, Commonwealth Bank of Australia, Westpac Banking Corp et National Australia Bank). Selon l’agence de notation, ces banques pourront en effet compter sur l’aide de l’État en cas de problème.

La note de solvabilité de l’État australien a été laissée inchangée à AAA, mais l’Australie ne pourra conserver cette note qu’en cas de refroidissement du marché immobilier et de la croissance des crédits.

Investisseurs

Il est clair que le miracle australien est à bout de souffle. Le moteur de la croissance – l’appétit insatiable de la Chine pour les matières premières – s’est arrêté. Les ménages australiens ploient sous des dettes élevées et épargnent de moins en moins, alors que le secteur bancaire et l’industrie de la construction sont exposés à un refroidissement du marché immobilier. Dans un tel environnement, il y a de fortes chances que la RBA abaisse son taux avant la fin de l’année.

Une nouvelle baisse du taux australien pourrait affaiblir le dollar australien. La popularité du dollar kangourou auprès des investisseurs en obligations reposait sur des taux relativement élevés. Mais le taux à court terme australien est retombé de 4,75 % en 2011 à 1,5 % aujourd’hui. Les coupons compensent donc de moins en moins le risque de change que vous prenez sur vos obligations en AUD.

Un autre facteur continue à peser sur l’AUD : les investisseurs qui veulent profiter de la croissance asiatique le font de plus en plus en opérant directement sur les marchés financiers asiatiques (qui ont gagné en maturité). Le détour par l’Australie (vu l’importance des pays asiatiques dans les exportations, l’Australie profite également de leur croissance) est de moins en moins populaire.

Jusqu’à nouvel ordre, nous vous conseillons dès lors de laisser de côté le dollar australien. Si vous en avez en portefeuille, vous pouvez le réinvestir, mais profitez des échéances de vos obligations pour réduire votre exposition à moins de 5 % de votre portefeuille de placements.

Il est probable que la Banque centrale australienne abaisse son taux avant la fin de l’année.

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