Comment fonctionne la cession des droits d’auteur dans la relation de travail ?

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Vous êtes architecte dans un bureau d’architecture et cela fait des mois que vous travaillez sur la conception d’un nouveau bâtiment. Une fois les plans terminés, votre entreprise les soumet à un concours. Félicitations: c’est votre projet qui a remporté le prix ! Cependant, votre entreprise n’a pas mentionné votre nom et décide de garder pour elle la somme d’argent octroyée au vainqueur. En a-t-elle le droit ?

La situation inverse à celle décrite ci-dessus pose également question : un architecte – ou toute autre profession – a-t-il le droit de présenter à un concours le fruit de son travail effectué à la demande de son employeur et de recevoir le prix à titre individuel ? Ces questions visent les règles applicables en matière de cession de droits d’auteur dans la relation de travail.

Que sont les droits d’auteurs ?

Les droits d’auteur sont l’ensemble des droits qui protègent l’auteur d’une oeuvre. Pour être protégée, l’oeuvre doit être une création originale, c’est-à-dire être ” marquée de la personnalité de son auteur “. Par exemple, la traduction d’un texte est considérée comme une oeuvre originale, car ce même texte peut être traduit de manière différente en fonction des choix de vocabulaire et de syntaxe opérés par le traducteur.

De plus, ce n’est pas l’idée à la base d’une oeuvre qui est protégée, mais plutôt la formalisation ou concrétisation de cette idée. Ainsi, l’idée de construire une maison d’une telle forme et avec tels matériaux ne sera pas protégée tant qu’elle ne sera pas concrétisée dans un plan.

Les droits d’auteur sont de deux ordres :

– Droits moraux : protègent les intérêts non économiques de l’auteur. Ils permettent par exemple à l’auteur de se voir attribuer la paternité de son oeuvre ou encore de s’opposer à toute modification de sa réalisation.

– Droits patrimoniaux : permettent à l’auteur de percevoir la rémunération liée à l’exploitation de son oeuvre.

Et dans la relation de travail ?

Par défaut, si rien n’a été prévu contractuellement, c’est le travailleur qui est titulaire des droits d’auteur d’une oeuvre qu’il réalise. Cependant, la loi permet de prévoir un mécanisme de cession de ces droits d’auteurs en faveur de l’employeur. Pour que la cession soit valable, il faut que :

– la cession soit expressément prévue dans un écrit, qu’il s’agisse du contrat, d’un avenant à celui-ci ou d’une convention distincte. Et cela, que vous travailliez en qualité de travailleur salarié, sous statut ou comme indépendant.

– l’oeuvre soit créée en exécution du contrat. Cela veut dire que la conception de l’oeuvre doit faire partie des tâches confiées au travailleur par son employeur ou son co-contractant s’il travaille en qualité d’indépendant.

En ce qui concerne les droits patrimoniaux : la clause peut être rédigée de façon générale et ainsi prévoir que ces droits sur toutes les oeuvres créées par le travailleur dans le cadre de son travail sont cédés à l’employeur.

Les droits moraux sont, quant à eux, en principe, incessibles. Toutefois, il est admis qu’un auteur puisse céder partiellement (et non totalement) les droits moraux liés à son oeuvre. Les clauses de renonciation totale aux droits moraux sont par contre réputées nulles. Le travailleur pourra ainsi céder, par exemple, le droit d’apposer son nom sur l’oeuvre. Pour cela, la clause doit prévoir une renonciation expresse du travailleur à ce droit.

Cette cession des droits d’auteur peut donner lieu à l’octroi d’une indemnité spécifique payée par l’employeur, mais à condition que cela soit spécifiquement convenu entre les parties.

Attention : ces règles ne valent pas pour deux types d’oeuvres protégées : les programmes informatiques et les bases de données dans l’industrie non culturelle. Pour ces deux types d’oeuvres, il existe une présomption de cession des droits d’auteur au profit de l’employeur, même en l’absence de clause contractuelle.

En conclusion, la réponse à la question de savoir qui, de l’employeur ou du travailleur, a le droit de recevoir la récompense (morale et/ou financière) attribuée à une oeuvre créée par le travailleur dépendra de ce qui a été convenu par écrit entre les parties. Notez aussi que si la clause contractuelle n’est pas claire et prête à diverses interprétations, elle doit être interprétée en faveur du travailleur.

Par Sophie Stenuick et Stéphanie Rémy, avocates chez Younity.

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