L’Inde et le Japon, des eldorados boursiers ?

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Pour des raisons diamétralement opposées, ces deux marchés restent attractifs.

L’année 2017 aura été marquée par les excellentes performances des fonds investis sur les actions asiatiques, des performances qui auront été largement partagées par pratiquement l’ensemble des marchés de la région. Nous allons aujourd’hui nous intéresser plus particulièrement à deux pays que pratiquement tout oppose : la jeune et dynamique Inde et le vieillissant et riche Japon.

Essor indien

Les fonds investis sur les marchés indiens ont dégagé des performances généralement supérieures à 25 % durant les 12 derniers mois. Sur une période de cinq ans, la performance annualisée de la plupart des fonds a été solide, avec plus de 10 % de progression. Cette tendance favorable s’explique par l’élection en mai 2014 de Narendra Modi à la tête de l’Etat, avec un programme réformateur qu’il va s’empresser d’appliquer. Ces initiatives donnent aujourd’hui des perspectives économiques inégalées au marché indien, avec une démographie favorable (65 % de la population a moins de 35 ans) qui permet au pays d’être avant tout tributaire de sa consommation intérieure pour alimenter sa croissance.

Pour autant, Wolfgang Fickus, membre du comité d’investissement de Comgest, estime qu’il est prématuré de penser que l’Inde va suivre la trajectoire du marché chinois. ” L’Inde n’en est encore qu’à construire une infrastructure qui permettra de viser une augmentation de la productivité, tandis que c’est l’innovation technologique qui est aujourd’hui au coeur de la performance boursière chinoise. Durant les trois dernières années, l’Inde a toutefois gagné 21 positions dans l’indice de compétitivité publié par le World Economic Forum, ce qui doit réjouir Narendra Modi alors qu’il arrive désormais à la moitié de son mandat.”

Valorisation exigeante

” La valorisation des entreprises indiennes escompte déjà une grande partie de cette expansion, mais nous estimons qu’il reste toujours des sous-valorisations à exploiter “, souligne Andrew Ness, gestionnaire de fonds en actions émergentes chez Martin Currie (Legg Mason). ” L’Inde est engagée sur l’autoroute numérique tant dans la sphère publique que privée avec une pénétration rapide des smartphones et un agenda numérique agressif de la part des autorités “, caractérisé notamment par la digitalisation rapide des transactions bancaires. Depuis 2011, le nombre d’internautes est passé de 100 à plus de 450 millions avec une consommation de data qui a quintuplé depuis la mi-2016. ” Du fait de ces développements rapides, l’Inde devient le principal marché pour des géants technologiques tels que Google. ”

Un autre secteur apprécié par Andrew Ness est l’immobilier résidentiel et les crédits hypothécaires, dans un contexte où l’amélioration des conditions de vie va pousser de nombreux Indiens à chercher des habitations de meilleure qualité. ” D’ici 2022, les autorités entendent faire construire 50 millions de logements sociaux afin de pallier la pénurie actuelle. ”

Wolfgang Fickus souligne également les valorisations élevées atteintes par le marché indien. ” Notre portefeuille est actuellement largement exposé sur le secteur de l’infrastructure, mais également sur le secteur des télécoms (qui va profiter de l’explosion de l’utilisation des données mobiles) et de manière indirecte sur l’augmentation de la consommation intérieure par le biais de divers groupes actifs sur les services financiers. ”

Japon techno

S’il est un point commun à trouver entre le Japon et l’Inde, c’est bien celui d’un homme fort et réformateur qui est arrivé à la tête de l’Etat et qui a entrepris de bousculer les traditions. L’impact de Shinzo Abe a été tout aussi déterminant que celui de Narendra Modi. La modernisation des marchés financiers, notamment en termes de gouvernance, ont soutenu un sentiment positif, dopé par une politique monétaire volontariste qui a exercé une pression constante sur le yen. Sur les cinq dernières années, la plupart des fonds investis sur les grandes capitalisations nippones ont ainsi progressé de plus de 15 % par an.

Pour Kwok Chern-Yeh, fund manager chez Aberdeen Standard Investments, cette performance favorable est appelée à se maintenir durant les prochains trimestres, dans un climat macroéconomique qui est devenu favorable avec une croissance et une inflation qui sont revenues en territoire positif. ” L’économie a été en croissance depuis sept trimestres, ce qui n’était plus arrivé depuis 2001. ” Et de souligner que les entreprises japonaises sont aujourd’hui davantage intéressées à augmenter leur rentabilité dans un climat beaucoup plus sain en termes de gouvernance d’entreprise. ” Au niveau sectoriel, nous apprécions les perspectives offertes par l’automation et le développement des intelligences artificielles dans les maisons et les usines. ”

Climat favorable

Dans le même temps, Kwok Chern-Yeh, fund manager chez Aberdeen Standard Investments, apprécie également les actions dont les résultats sont extrêmement prévisibles, tout en soulignant que ces sociétés affichent souvent des valorisations plus élevées. ” Les groupes dont les résultats sont fortement prévisibles sont également davantage susceptibles d’augmenter leur dividende dans le futur. Les actions de qualité sont rarement bon marché. ”

Pour Daisuke Nomoto, responsable des actions japonaises chez Columbia Threadneedle Investments, les dernières semaines ont été globalement favorables aux sociétés japonaises, avec des résultats trimestriels qui ont surpris favorablement. ” Nous sommes aujourd’hui optimistes pour trois raisons : la réforme de la gouvernance des entreprises qui a fait remonter la rentabilité des fonds propres, l’augmentation de la participation féminine dans la force de travail qui rejoint aujourd’hui le niveau des Etats-Unis, et l’amélioration de la compétitivité des entreprises. ”

Poursuite du rattrapage

Mark Mobius, le gestionnaire mythique qui présidait à la destinée de nombreux fonds émergents et (surtout) asiatiques chez Franklin Templeton, vient d’annoncer sa retraite professionnelle à plus de 80 ans. Carlos Hardenberg fait partie de ceux qui devront remplacer le grand homme, notamment dans le domaine des marchés frontières. Pour 2018, il se montre assez optimiste pour les perspectives des marchés émergents. ” Après avoir connu une tempête il y a cinq ans, les marchés émergents sont aujourd’hui au début d’une phase de normalisation, avec un climat politique qui s’est stabilisé dans la plupart des grands pays et des valorisations qui affichent encore une décote de 25 % par rapport aux pays développés. En outre, les grands institutionnels européens restent encore largement sous-exposés sur les marchés émergents, à un niveau qui n’est pas soutenable sur le long terme. ”

Il estime également que l’impact d’une hausse des taux directeurs aux Etats-Unis ne devrait pas faire dérailler ce scénario positif. ” L’histoire montre que les marchés émergents ont généralement réalisé de bonnes performances dans ce contexte. En outre, les finances publiques sont aujourd’hui dans un meilleur état qu’il y a 10 ans, et ces marchés sont aujourd’hui nettement plus diversifiés, avec une grande composante technologique. A ce titre, la majorité des brevets globaux sont aujourd’hui délivrés pour des entreprises émergentes, plus particulièrement asiatiques. ” Pour 2018, il souligne toutefois avoir réduit son exposition sur certaines valeurs technologiques, et estime que des marchés de plus petite taille (comme les Philippines ou la Colombie) pourraient réaliser des performances plus attractives.

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