L’héritier qui devait réinventer Samsung

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L’héritier de l’empire Samsung a été condamné à cinq ans de prison à son procès pour corruption. A 49 ans, l’homme était jusqu’ici surtout connu pour sa discrétion.

Son surnom Jay Y sonne comme celui d’un célèbre rappeur, mais son nom complet, Lee Jae-young, a une tout autre connotation. Ce nom est à associer à un autre, Lee Kun-hee : fondateur de l’empire Samsung, premier fabricant de smartphones dans le monde.

A 49 ans, Lee Jae-young, héritier de la firme, a été condamné à cinq ans de prison vendredi dernier. Coupable de corruption, d’abus de biens sociaux, de parjure et d’autres chefs en rapport avec des versements obscurs de 43,3 milliards de wons (32,5 millions d’euros) à Choi Soon-sil, confidente de l’ombre de la présidente sud-coréenne Park Geun-hye. Vendredi, le tribunal a jugé que Samsung avait reçu en échange de faveurs politiques, en particulier le soutien du gouvernement.

Le ” chaebol ” mystérieux

Il y a un an, Jay Y, l’aîné du clan Lee, était l’héritier. Un sauveur de 48 ans qui devait aider Samsung à sortir de l’ornière. Jae-young devait en effet réinventer la marque et tout bonnement changer la stratégie du plus grand groupe d’électronique de la planète, confronté notamment à la concurrence toujours plus vive de son rival Apple.

Mais, à l’époque, pour quelqu’un censé relancer une multinationale, il manquait un peu de charisme. Lee Jae-young n’est pas une superstar en jean-basket, capable de faire d’une keynote un concert mondial. En fait, peu de monde connaît sa voix. Tout comme son père avant lui, il ne donne jamais d’interviews.

A l’exception de quelques parcours de golf et quelques trots à cheval, l’homme semble fuir les mondanités. Tout ce que l’on sait de lui, c’est qu’il a épousé en 1998, une petite-fille du fondateur du géant sud-coréen de l’agroalimentaire Daesang. Que le couple a une fille et un fils, et qu’il a divorcé en 2009.

Outre sa vie personnelle, ce sont surtout ses affaires et sa fortune qui intéressent. Jay Y dispose ainsi d’une fortune estimée à 8 milliards de dollars. Ce qui en fait la troisième personne la plus riche de Corée du Sud.

Héritier naïf

Diplômé de l’université de Séoul, Lee Jae-young bénéficie d’une double culture après ses années à la Keio University de Tokyo et à la Harvard Business School. C’est aux Etats-Unis qu’il se constitue un impressionnant carnet d’adresses qui lui servira durant ses années de businessman. Jay Y intègre Samsung en 1991, au début de la phase de formation de la dynastie.

Dès 2001, il lance un projet de redirection de la stratégie de la firme autour du développement de logiciel. Celui-ci échoue et fait perdre à la société plusieurs milliards d’euros. Malgré cet échec, il est nommé cadre dirigeant puis directeur général adjoint en 2010 et directeur général à peine un an plus tard, au moment où Samsung est en pleine ascension grâce aux débuts de son unité smartphone.

En 2012, il devient vice-président de Samsung Electronics. Aux manettes, Jay Y fait face à une certaine indifférence, conséquence de sa discrétion. Les succès de la firme dans les smartphones, où Samsung prend rapidement la tête du marché, sont davantage imputées aux talents managériaux de son père Lee Kun-hee. En 2014, suite à la crise cardiaque de ce grand patron, symbole de la toute-puissance des chaebols (conglomérats) en Corée, officiellement en convalescence depuis, c’est à son fils qu’on confie les rênes opérationnelles. Pour Jay Y, qui garde officiellement le titre de vice-président de Samsung Electronics, c’est le sommet d’une longue ascension et le début d’un nouveau défi pour tenter d’être à la hauteur de son père.

Mais très vite, il est critiqué pour son effacement lors de la crise des téléphones Galaxy Note 7, dont plusieurs modèles s’embrasent et explosent peu après leur lancement commercial en août 2017. Le groupe est en difficulté, mais Lee Jae-young ne s’exprime pas. Durant toute la crise, l’une des pires jamais vécues par le géant coréen, l’héritier ne fournit aucune explication aux médias, et ne formule aucune excuse, contrairement à d’autres dirigeants du groupe.

Pourtant, durant ces semaines d’incertitudes, c’est bien lui qui aurait été aux commandes et aurait géré directement la crise en coulisses, ordonnant notamment le rappel des millions de smartphones déjà livrés.

Le père inculpé, mais jamais emprisonné

Mais Lee Jae-young est un personnage qui ne montre pas qu’il prend des décisions. Volontairement ou non ? A son audience, sa défense le dépeint comme un héritier naïf et inexpérimenté, pas même autorisé à ” se mêler ” des décisions des cadres choisis par son père. Une stratégie destinée à le défausser, selon ses contempteurs.

Lee Kun-hee, le patriarche, avait également été reconnu coupable de corruption en 1996, puis de corruption et d’évasion fiscale en 2008. Mais il n’est jamais passé par la case prison, ayant seulement écopé à des peines avec sursis. Sur ce plan, Lee Jae-yong, l’héritier, a malheureusement dépassé les attentes.

JEAN-PHILIPPE LOUIS (” LES ÉCHOS ” DU 25 AOÛT 2017)

” Jay Y dispose d’une fortune estimée à 8 milliards de dollars. Ce qui en fait la troisième personne la plus riche de Corée du Sud. ”

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