L’avenir du monde naît en ville

La ville fascine encore et toujours. Actuellement, la moitié de la population mondiale habite en ville. Et cela augmente. Mais les vices de la ville – sociaux, économiques et environnementaux – naissent de la rareté de l’espace. ” Les villes sont des ogres “, écrit Erik Orsenna dans son dernier ouvrage Désir de villes. Avec l’architecte et urbaniste Nicolas Gilsoul, l’académicien a parcouru le monde pour en répertorier les réponses apportées tantôt au manque de logements, tantôt à la criminalité, tantôt encore à la gestion des déchets. ” La ville, nous explique l’auteur, c’est là où l’on s’entasse, où l’on a des problèmes d’espace, de mobilité, de pollution… On y a l’obligation de trouver des solutions à tous ces défis. Et en général, on est plus intelligent quand on est obligé de l’être. ”

Je cherchais du global et je n’ai trouvé que du local.

La première partie du livre est un passionnant catalogue de solutions trouvées dans quelque 200 villes de tous les continents, parcourues avec l’architecte et urbaniste Nicolas Gilsoul. Les modèles sont multiples. Les mé- tropoles se font ainsi terriers à Helsinki, à Tokyo ou à Montréal, trouvant dans le sous-sol de nouveaux espaces à occuper, plutôt que d’aller sans cesse gratter le ciel. La ville devient potager, à l’image de Detroit, qui paradoxalement rétrécit en raison de la crise économique ; les terrains vagues et les friches deviennent les jardins des pauvres. Les cités fluviales et maritimes retournent vers l’eau (Metz a laissé la Seille reprendre un cours plus sauvage, en le maîtrisant plus sereinement). Le voyage ne manque pas de surprises. ” Je voyage pour avoir des surprises et non pour vérifier “, avoue Erik Orsenna qui ajoute ici un cinquième chapitre à son Petit précis de mondialisation, une vulgarisation des globalités du monde entamée en 2006 avec le coton, l’eau et le papier. Pour prolonger le voyage, ces précédents ouvrages marqués par le même plaisir érudit à partager sa curiosité des autres sont repris dans un épais recueil Dernières nouvelles du monde, paru en mars . ” Ce qui m’intéresse, c’est apprendre. Je pensais que la mondialisation était un phénomène mondial comme son nom l’indique. Mais j’ai découvert qu’en dessous de ces flux d’échanges, il y a des originalités locales très fortes. La bonne échelle est souvent celle des villes. ” Les exemples étonnent, impressionnent et nous rendent confiance aussi en la capacité humaine à se prendre en mains.

De leurs pérégrinations urbaines, Orsenna et Gilsoul esquissent en seconde partie la ville parfaite en trois adjectifs. L’urbanité du futur sera d’abord ” serviable ” en continuant à rendre à ses habitants les services inexistants à la campagne. ” Attractive “, la ville est le lieu de la ” possibilité “, de l’émancipation économique et culturelle. Enfin, la ville ” textile ” reliera ses quartiers, ses habitants en cousant les sutures des fractures sociales causées par l’urbanisation sauvage.

Hambourg apparaît comme la ville-témoin de toutes ces qualités. Le Prix Goncourt met en garde toutefois. Tous les projets repris dans ce livre, aussi brillants soient-ils, posent d’importantes questions démocratiques. Pour Erik Orsenna, la gouvernance doit suivre. Au niveau local, ” il faut ce cocktail entre une vision et l’adhésion d’une population “. Rares sont les succès appliqués de force. Le politique doit un moment mettre de côté son calendrier électoral, écouter la population, collaborer avec elle, et aussi faire confiance au privé. ” Une des grandes difficultés de la démocratie est de donner de la valeur au long terme “, assure l’ex-conseiller d’Etat. Et les Etats dans tout ça ? Surendettés, ils doivent se redéfinir à mesure qu’ils ” confient aux villes des responsabilités que jusque-là ils assuraient, constate Erik Orsenna. On revient, notamment en Europe du Nord, à un modèle hanséatique avec des cités extrêmement fortes encadrées par des Etats extrêmement faibles. ” Un Etat garant de la solidarité des territoires, conclut l’auteur, répondrait aux sirènes séduisantes et menaçantes des populismes et séparatismes de tous pays. Suivez son/notre regard…

Erik Orsenna et Nicolas Gilsoul, ” Désir de villes “, éditions Robert Laffont, 288 pages, 20 euros.

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