L’Argentine sort peu à peu de l’ornière

L’agence de crédit Standard & Poor’s (S&P) a relevé la note de solvabilité de l’Argentine de B- à B. Les obligations publiques argentines sont toujours considérées comme hautement spéculatives, mais la révision de la note est un signal important : le pays est sur la bonne voie.

La situation financière de l’Argentine s’est nettement améliorée avec l’élection de Mauricio Macri à la présidence en 2015. Depuis, Macri essaie de solder l’héritage désastreux de ses prédécesseurs Nestor Kirchner et son épouse Cristina Fernandez de Kirchner, qui, version moderne du couple Juan et Eva Peron, ont anéanti l’économie argentine de 2003 et 2015. La principale réalisation de Macri à ce jour, outre l’abandon de la politique protectionniste de Madame Kirchner, fut de rétablir les relations avec les marchés financiers internationaux.

Contrairement à son prédécesseur, Mauricio Macri a préféré le compromis à la confrontation. Avec le groupe d’investisseurs qui n’avaient jamais accepté les propositions antérieures du gouvernement argentin, il a rapidement trouvé un accord de conversion de leurs anciennes créances – datant d’avant la banqueroute de l’Argentine de 2001 – en nouvelles obligations publiques. Le président Macri a également mis un terme au contrôle des capitaux instauré par son prédécesseur.

Accès crucial

L’accord avec les derniers créanciers de 2001 a permis à l’Argentine d’accéder à nouveau aux marchés financiers internationaux. L’État argentin a ainsi récolté 22 milliards de dollars l’an dernier, et le compteur affiche déjà plus de 7 milliards de dollars cette année. Cet accès aux marchés internationaux est primordial, car le pays est largement tributaire des capitaux étrangers pour son financement. Comme l’inflation élevée a eu raison de la majeure partie de l’épargne des Argentins ces dernières années, le marché financier intérieur est en effet très vulnérable. Dans les années qui ont précédé l’élection de Macri, c’est surtout la Banque centrale argentine qui avait financé le déficit public en recourant à la planche à billets, ce qui a entraîné une flambée inflationniste. Alors que les taux d’inflation publiés par l’État n’ont jamais dépassé 10 à 15 %, l’inflation réelle sur le marché noir était deux fois plus élevée. Le cours de change fixe officiel du peso par rapport au dollar auquel se cramponnait l’État argentin était devenu un sujet de plaisanterie. Lorsque Macri a supprimé ce cours fixe, le peso a immédiatement perdu 30 % face au dollar.

Redressement

La liquidation de l’héritage Kirchner s’accompagne de réformes économiques douloureuses. La forte baisse du peso induite par la libération du cours de change a engendré un pic d’inflation autour de 40 % l’an dernier (notez que le gouvernement publie à nouveau des statistiques fiables depuis le départ de Kirchner). La suppression progressive des aides publiques à l’énergie et aux services aux collectivités a également favorisé la hausse de l’inflation. Ces mesures ont de plus entraîné une contraction de l’économie argentine de 2,3 %.

À plus long terme, les interventions de Macri auront cependant un effet salutaire sur la confiance des consommateurs et des investisseurs. Ainsi S&P prévoit-il une croissance moyenne de 3 % pour les trois prochaines années. Le déficit budgétaire devrait retomber à 1,5 % du produit intérieur brut (PIB) cette année, contre 2,5 % en 2016 et 5 % en 2015.

L’inflation reste pour l’instant assez élevée, notamment en raison de la réduction progressive des aides publiques. S&P prévoit une inflation de 20 % cette année, et n’envisage un retour sous les 10 % qu’à partir de 2020. Cela signifie que la Banque centrale argentine, qui a pu reprendre son indépendance sous Macri, n’aura pas la possibilité d’abaisser le taux à court terme (qui s’établit à 24,75 %).

Risques

Bien qu’ils aient beaucoup baissé depuis l’entrée en fonction de Macri, les rendements des obligations publiques argentines en dollar restent attrayants. L’obligation en dollar qui arrive à échéance le 7 mai 2024 (coupon de 8,75 %) offre par exemple un rendement brut de 6,3 %. Nous conseillons d’opter pour des obligations publiques argentines en dollar vu la volatilité du peso et l’inflation intérieure élevée.

Les obligations publiques argentines ne sont cependant appropriées que pour les investisseurs très conscients des risques, et pour une position réduite en portefeuille. Mauricio Macri a certes retrouvé la confiance des marchés internationaux, mais sa popularité en Argentine est retombée à son plus bas niveau depuis son élection. De plus, les élections parlementaires prévues en octobre pourraient ralentir l’exécution des réformes indispensables. La politique argentine reste en effet très polarisée. N’oublions pas que Macri est le premier président argentin démocratiquement élu non radical, non péroniste. Le risque que le pays replonge dans le populisme et le protectionnisme reste important, et un tel scénario ferait à nouveau fondre la confiance des investisseurs dans les obligations publiques argentines. Vu sa dépendance des capitaux étrangers, cela remettrait rapidement l’Argentine sur le chemin de la faillite.

Si vous préférez un investissement diversifié, vous pouvez opter pour l’iShares J.P. Morgan $ EM Bond UCITS ETF (code ISIN IE00B2NPKV68 ; Bourse de Francfort). Ce tracker qui investit en obligations de pays émergents détient une position en obligations publiques argentines en dollar (4 % du portefeuille total).

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