Interview de Roland Gillet : “L’argent ne dort pas sur les comptes d’épargne”

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L’épargne des Belges a dépassé son record de l’été 2016 pour s’établir désormais à 265,8 milliards. Malgré des taux d’intérêt squelettiques.

1. Depuis le début de l’année, les livrets d’épargne des Belges ont gonflé de 5,6 milliards d’euros. Au point d’établir un nouveau record à 265,8 milliards au 30 juin dernier, selon les statistiques de la Banque nationale. Comment expliquer cela ?

Les particuliers conservent un rendement positif, même s’il est très modeste. Leur épargne reste parfaitement liquide, ils peuvent retirer l’argent quand ils le veulent. Et elle bénéficie en outre de la garantie de l’Etat jusqu’à 100.000 euros, ce qui en fait un actif totalement sûr. L’Allemagne parvient à placer, auprès d’institutionnels, pas de particuliers, des obligations à taux négatif : cela montre que des gens acceptent de perdre un peu d’argent pour avoir un actif qu’ils considèrent comme le plus sûr.

2. Avoir de tels montants sur des comptes-épargne, est-ce souhaitable pour l’économie ?

Contrairement à une idée reçue, cet argent ne dort pas. La banque le rémunère à 0,11 % mais, si elle veut à son tour le mettre en dépôt, elle doit payer un intérêt négatif de 0,4 %. Cela fait un différentiel de 0,51 %. La banque a donc tout intérêt à utiliser cet argent pour octroyer des crédits d’investissement ou des crédits hypothécaires, sur lesquels elle pourra dégager une marge. C’est un incitant à ce que l’épargne soit réinjectée dans l’économie réelle, ce qui est évidemment très positif. Ce qui est vrai, c’est qu’avec la concentration dans le secteur bancaire, les dépôts des Belges ne financent pas forcément des prêts en Belgique. Mais bon, on ne va pas supprimer les groupes bancaires pour cela et, de toute façon, les flux vont dans les deux sens. Je ne connais pas une seule banque qui refuse des prêts car elle n’a pas assez de moyens à disposition.

3. Il existe aussi un soutien fiscal à des investissements directs dans les entreprises, via le tax shelter fédéral ou le prêt “coup de pouce” en Wallonie. L’ampleur des dépôts d’épargne, peu rémunérateurs, n’est-elle pas alors le signe d’une certaine aversion au risque de la part des Belges ?

Je ne le pense pas. Les initiatives que vous citez vont dans le bon sens. Mais les ménages belges font face à beaucoup d’autres incertitudes que celle de leurs placements financiers : les choses bougent vite sur le marché du travail, la composition des ménages évolue aussi, les enfants restent plus longtemps aux études… Dans ce contexte, avoir une épargne de précaution, mobilisable à tout moment, ne me paraît pas un signe de frilosité excessive. N’oublions pas, en outre, que le gouvernement a étendu l’exonération de précompte à d’autres actifs que le compte d’épargne.

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