Interruption de l’ascension du dollar

La marche en avant du dollar a (provisoirement) pris fin ces dernières semaines. La parité avec l’euro était encore à portée de main en décembre – le dollar a atteint 1,039 dollar pour 1 euro le 21 décembre -, mais le billet vert a à nouveau perdu du terrain depuis. Le gain du dollar vis-à-vis de l’euro enregistré après l’élection de Donald Trump le 8 novembre s’est réduit à 4 % (initialement 1,11 dollar pour 1 euro).

Le projet de Trump de stimuler la croissance économique par le biais d’investissements dans l’infrastructure, un train de mesures de dérégulation et des réductions d’impôts a été considéré par les investisseurs comme positif pour le dollar. Une croissance américaine plus élevée rend les investissements américains plus attrayants. De plus, elle accroît la probabilité de voir la Réserve fédérale (Fed) relever ses taux, ce qui rendra les actifs en dollar (en particulier les obligations) encore plus intéressants. Jusqu’à présent, la Fed est restée particulièrement prudente, avec un seul relèvement de taux de 25 points de base (0,25 %) par an ces deux dernières années. Elle compte relever à trois reprises son taux directeur cette année, en fonction de la croissance économique.

Intervention

Depuis le début de son mandat le 20 janvier, Trump semble surtout se focaliser sur des mesures protectionnistes et anti-immigration, qui ne sont pas particulièrement stimulantes pour l’économie. L’expérience de la dépression des années 1930 nous a enseigné que pareilles mesures protectionnistes – suivies de contre-mesures étrangères – sont néfastes pour la croissance économique.

Malgré son récent accès de faiblesse, le dollar est trop cher aujourd’hui pour Trump. Il l’empêcherait de tenir sa promesse de stimuler les exportations américaines et de résorber le déficit commercial (on estime grosso modo que toute hausse de 10 % du billet vert creuse le déficit commercial de 1 % du PIB).

Le nouveau président n’a cependant pas beaucoup d’options pour affaiblir sa monnaie. Il peut hausser le ton (ou mieux : tweeter), mais un discours n’aura d’effet durable que s’il est suivi de mesures. La Fed peut intervenir directement sur le marché des changes et affaiblir la monnaie en vendant des dollars et en rachetant des euros et des yens, mais l’effet de telles mesures ne sera, lui aussi, que temporaire. De plus, le marché du dollar est énorme : l’équivalent de 5.000 milliards de dollars changent de main chaque jour. En affaiblissant le dollar, la Fed risque par ailleurs de déclencher une guerre des devises. Une collaboration avec d’autres banques centrales n’est pas une option réaliste : un dollar cher profite en effet aux banques centrales européenne et japonaise.

Risques politiques

Il est cependant trop tôt pour condamner le billet vert. La demande de dollars reste forte, tant chez les investisseurs institutionnels qu’auprès des particuliers. Le dollar a encore consolidé son statut de principale monnaie de réserve internationale ces dernières années à mesure que les réputations de l’euro et de la livre britannique se dégradaient. Le renminbi chinois, considéré il y a quelques années comme le grand concurrent du dollar, a perdu beaucoup de plumes en raison du ralentissement de la croissance et des problèmes d’endettement de la Chine. La récente faiblesse du dollar prive la Fed d’un argument pour ne pas relever le taux ; un dollar trop fort pèserait en effet sur la croissance économique. De plus, il semble que Trump présentera bientôt ses projets de réduction d’impôt – qu’il qualifie lui-même de ” major league “.

L’euro, de son côté, fait face à plusieurs risques politiques importants, voire potentiellement déstabilisateurs. On scrute notamment avec méfiance les élections aux Pays-Bas, en Allemagne et en France. C’est pour l’heure surtout l’Hexagone qui inquiète. Un scandale lié à l’emploi de son épouse compromet grandement les chances de succès du principal candidat de l’establishment François Fillon. Si Marine Le Pen (Front national) remporte les présidentielles, elle mettra immédiatement un ” frexit ” à l’ordre du jour, à savoir une sortie de l’euro et de l’UE.

Vous pouvez dès lors conserver une position en dollar américain, ne serait-ce qu’à titre de diversification en cas de difficultés politiques dans la zone euro au cours des mois à venir. De plus, les obligations libellées dans la devise offrent un rendement attrayant par rapport à leurs pendantes en euro. Préférez cependant les obligations assorties d’une échéance relativement courte (maximum cinq ans) afin de profiter des relèvements de taux attendus aux États-Unis.

Pays émergents

Soyez attentifs à l’émetteur car toutes les obligations libellées en dollar ne sont pas forcément émises par des entreprises américaines. Selon la Banque des règlements internationaux (BRI), un tiers de la dette en dollar de la planète est au nom d’émetteurs issus de pays émergents. Une nouvelle hausse du dollar accroîtrait le coût de (re)financement de leurs dettes en dollar. De plus, les mesures protectionnistes de Trump pourraient peser sur leurs revenus en dollar – avec lesquels les entreprises des pays émergents peuvent payer les intérêts de leurs dettes en dollar – , par exemple si ces entreprises vendent moins aux États-Unis en raison de droits à l’importation élevés. Préférez dès lors les entreprises américaines qui réalisent une grande partie de leur chiffre d’affaires sur le territoire américain pour vos obligations en dollar.

LE BILLET VERT A ABANDONNÉ UNE PARTIE DE SES GAINS SUR L’EURO.

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