“Il faut arrêter de diaboliser l’immobilier”

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Nouveau président de l’UPSI, Serge Fautré souhaite réconcilier les mondes public et privé. Notamment en contredisant l’image… diabolique que le premier a du second.

Grand patron d’AG Real Estate, le bras immobilier du groupe AG Insurance, Serge Fautré, 57 ans, a récemment été élu à la tête de l’Union des professionnels du secteur immobilier (Upsi). L’organisation sectorielle représente les plus grands promoteurs et investisseurs immobiliers du pays, soit quelque 40.000 emplois. ” J’en suis président, certes, mais pas exécutif, insiste-t-il d’emblée. L’Upsi peut toujours compter sur Olivier Carrette, qui en est l’administrateur délégué depuis huit ans. ”

Fort de cette nouvelle responsabilité, Serge Fautré a choisi de se concentrer sur un nombre de points ” limité “. Son programme pourrait être résumé en une idée fixe : réconcilier deux mondes, public et privé, politique et immobilier. ” En tant qu’acteurs privés, nous devons arrêter de nous plaindre de la fiscalité, de la non-obtention des permis, des délais, des lenteurs de l’administration, etc. Cessons de camper sur nos positions et adoptons une attitude de partenaires et non d’adversaires pour trouver un équilibre autour d’un même objectif constructif. ” Dans cette optique, Serge Fautré ajoute qu’il travaillera également à conforter le rôle de l’Upsi, qui doit selon lui ” se profiler en acteur central ” de la défense des intérêts des professionnels de l’immobilier. ” J’espère notamment réintégrer les agents immobiliers dans nos rangs, afin que tous les métiers de la brique y soient représentés. ”

Il est toutefois certains écueils sur lesquels le nouveau président de l’Upsi n’est pas disposé à faire de concessions, dont celui des recours. ” Trop de projets sont retardés à cause de la volonté d’un petit nombre de défendre des intérêts particuliers “, déplore-t-il. Et d’invoquer le fait que l’immobilier ne se limite pas à une question de gros sous. ” Je me suis déjà entendu dire que j’étais le Diable… C’est insensé ! Bien sûr que nous montons des projets pour gagner notre vie, mais en construisant des logements, des bureaux ou des commerces, nous répondons à des besoins économiques et sociaux réels. ” Au risque, si ce n’est pas le cas, de se retrouver avec des briques invendues sur les bras. ” Il est toujours plus facile de parler des opérations réussies, souligne-t-il. On a tendance à oublier les échecs. Mais cela arrive et il faut les assumer, tout comme il faut être fiers de nos succès et de l’empreinte positive que nous laissons dans la ville. ”

Focus sur le “retail”

L’homme en sait quelque chose, lui qui est à la tête, depuis presque cinq ans, de l’un des poids lourds de l’immobilier belge – également présent au Luxembourg, en France depuis une dizaine d’années avec une équipe de 17 personnes et, dans une moindre mesure, à New York. Serge Fautré est d’ailleurs bien plus prolixe sur la société qu’il dirige que sur son propre parcours, préférant mettre en avant le rôle de ses équipes et les projets en cours et à venir. ” AG Real Estate est tant investisseur que promoteur, historiquement très actif en bureau et en retail “, décrit-il. Encore que le bureau est, aujourd’hui, ” un peu mis de côté “. Il cite tout de même l’acquisition de l’IT Tower, avenue Louise, à Bruxelles, et la reconstruction prochaine de Brucity, nouveau centre administratif de la Ville de Bruxelles, sur l’actuel Parking 58, rue de l’Evêque. ” Tandis qu’il est de notoriété publique que nous cherchons un bon projet pour le terrain que nous possédons à la gare du Nord, future Silver Tower. ”

Je me suis déjà entendu dire que j’étais le Diable.”

Quant au retail, il ne s’est jamais porté aussi bien. AG Real Estate est propriétaire, au coeur de la capitale, de City2 (dont les travaux de rénovation sont à l’agenda), mais aussi de l’Anspach Shopping et du socle du Centre Monnaie (The Mint, livré en octobre). Le groupe détient aussi une partie du Woluwe Shopping, à Woluwe-Saint-Lambert, et le Westland, à Anderlecht. Lequel a récemment fait parler de lui lorsqu’une partie du plafond s’est effondrée un samedi soir. ” Une crise qui, bien qu’il ne soit pas question d’insalubrité, renforce notre décision d’y mener des travaux de rénovation, dont le plan a été présenté aux locataires “, indique Serge Fautré.

Le logement est également un segment important du portefeuille d’AG Real Estate, qui ira croissant. ” Actuellement, notre rythme de livraison est d’une cinquantaine d’appartements par an, mais nous allons rapidement monter à 250. ” Parmi les projets en cours, des opérations à Louvain et à Anvers, ainsi qu’un complexe sis rue du Marais, à Bruxelles. Ancien immeuble de bureau, il sera reconverti en logements.

Mais le projet phare de la filiale immobilière d’AG Insurance est un partenariat public-privé portant sur la construction de 182 écoles en Flandre. Une entreprise à laquelle Serge Fautré, fervent défenseur des PPP, tient particulièrement, pour son envergure – Scholen van Morgen mobilise 70 personnes sur ses 225 employés – , mais aussi pour ce qu’elle représente. ” Nous livrerons la 125e école en mars. C’est le plus grand projet de PPP de ce type en Europe. ” Et de glisser qu’il serait ” très fier ” s’il parvenait à persuader le gouvernement wallon de lier pareille alliance…

Enfin, et depuis son entrée dans le capital d’Interparking en 2002, AG Real Estate se retrouve à la tête de 735 parkings dans neuf pays d’Europe, en Belgique bien sûr, mais aussi en France, Espagne, Italie, etc.

Rigueur et relations humaines

Avant de prendre la direction d’AG Real Estate, Serge Fautré était CEO de la société immobilière réglementée (sir, ex-sicafi) Cofinimmo, à laquelle il a consacré 10 ans de carrière. Une… éternité pour celui qui confie avoir ” gardé (ses) fidélités pour (sa) vie familiale et (ses) infidélités pour (sa) vie professionnelle “. Né à Québec – il a trois nationalités : belge, canadienne et luxembourgeoise – son parcours est ” raisonnablement éclectique ” et partagé dans un premier temps entre l’Europe et les Etats-Unis, où il termine ses études. Son premier dada sera la finance, chez Schroders, Citibank, JP Morgan, mais aussi au sein du groupe Glaverbel (actuel AGC Glass Europe) ou encore chez Belgacom.

Ce n’est qu’en 2002, à l’âge de 42 ans, qu’il fait son entrée dans le monde de l’immobilier. ” De mon expérience chez Cofinimmo, société cotée, je retiens la rigueur opérationnelle “, analyse-t-il. Une marche à suivre – reporting à la clé – et une cadence qu’il a insufflées à AG Real Estate, de même qu’une politique de gestion des ressources humaines soignée. ” Plus de symbiose, de collaboration et de transparence entre les équipes. Cela m’a toujours tenu à coeur chez Cofinimmo et je pense l’avoir apporté ici. ”

Le meilleur exemple en est le rapprochement avec Devimo, aujourd’hui délocalisé par rapport aux bureaux de l’Avenue des Arts. Le gestionnaire des centres commerciaux d’AG Real Estate, mais aussi de ceux de propriétaires tiers verra ses activités être scindées dans les semaines qui viennent. ” Les équipes dévouées à la gestion de nos propres shoppings seront réintégrées, tandis que nous trouverons une maison pérenne pour celles qui oeuvrent pour le compte de tiers. ” Outre le souci d’être le plus proche possible de ses clients, AG Real Estate ne voyait plus d’un bon oeil le fait que les fonds investis massivement ces dernières années en recherche et développement profitent aussi à des shoppings… concurrents des siens.

Cette expertise, dans des segments divers de la brique qui plus est, mais aussi la place qu’AG Real Estate a acquise au fil des ans chez nous et ailleurs, ont incité le Mipim – salon international de l’immobilier professionnel (Cannes) – à choisir Serge Fautré comme membre du jury des Mipim Awards. Un honneur et une première pour un Belge. Cela fait trois ans maintenant qu’il prétend au titre, ce qui fait de lui l’un des plus anciens membres siégeant à table. Il en tire une ” fierté modeste ” mais bien réelle, pour le titre comme pour l’opportunité qui lui est offerte de mettre en avant des projets ” non pas grandioses, chers ou beaux architecturalement, mais qui ont une incidence favorable sur la société au sens large “. Ce qui est et reste l’une de ses préoccupations professionnelles les plus chères.

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