“Le temps est compté pour les fraudeurs invétérés”

Johan Van Overtveldt © Belga

L’avocat fiscaliste (Bloom Law) et professeur à l’ULiège, Denis-Emmanuel Philippe, nous donne son avis sur l’initiative du ministre des Finances Johan Van Overtveldt autorisant les demandes de régularisation fiscale provisoire, alors que se profile à l’horizon l’échange d’informations avec la Suisse.

Jusqu’au 13 avril prochain, il sera possible d’introduire un dossier de régularisation fiscale (au titre de DLU-4) pour un montant provisoire d’un euro. De quoi s’agit-il exactement ?

L’objectif du ministre des Finances Johan Van Overtveldt (N-VA) est de permettre aux contribuables disposant encore de capitaux non déclarés à l’étranger de se mettre en ordre en introduisant une demande de régularisation provisoire pour un euro symbolique. Il faut savoir en effet que la deuxième vague d’échanges automatiques d’informations financières interviendra au plus tard au mois de septembre 2018. Après le Luxembourg en 2017, le fisc belge recevra pour la première fois des informations en provenance notamment de la Suisse, Monaco et Hong Kong. Beaucoup de Belges ont encore des comptes non déclarés à l’étranger, et notamment dans ces pays-là. Or préparer un dossier de régularisation peut prendre du temps, parfois six mois vu la lenteur de certaines banques étrangères. Le temps est compté pour les fraudeurs invétérés. D’où l’idée du ministre de permettre l’introduction d’une demande provisoire avant que l’administration fiscale ne démarre ses enquêtes sur la base de renseignements étrangers.

En clair, le ministre des Finances donne six mois de plus aux fraudeurs invétérés pour se mettre en ordre. Est-ce justifié selon vous ?

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Le ministre des Finances fait montre de pragmatisme. Toute régularisation introduite après la réception d’une demande de renseignements du fisc belge est sans effet (absence d’immunité fiscale et pénale). Attendre la fin de l’été pour régulariser pourrait donc être fatal : le fisc pourrait envoyer une demande de renseignements, ce qui pourrait déboucher sur un redressement fiscal, voire des poursuites pénales.

Plus globalement, est-ce la preuve que l’échange de renseignements fiscaux entre les pays fonctionne bien et que le fisc est en mesure de les exploiter ?

L’échange d’informations ne peut être pris à la légère. Regardez par exemple le Luxembourg, qui a transmis une masse d’informations au fisc belge, alors que beaucoup doutaient de sa volonté à jouer pleinement la carte de la transparence. Il faudra voir si les administrations fiscales et les banques d’autres pays, comme la Suisse, joueront le jeu ou pas. Le fisc belge est aujourd’hui en mesure d’exploiter cette masse d’informations en provenance des administrations fiscales étrangères. Ses outils informatiques sont de plus en plus performants. Pour s’en convaincre, il suffit de voir les nombreuses demandes de renseignements adressées aux contribuables suite aux récents échanges d’informations.

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