Entre l’eau et le sacré

© ZOUBIR ALI

L’an prochain, pourquoi ne pas faire un saut à Fès ? Histoire de découvrir un festival original consacré aux musiques sacrées d’un monde en ébullition.

La cité millénaire de Fès a accueilli du 12 au 20 mai derniers le Festival des Musiques Sacrées du Monde. Sous la direction collective d’Abderrafih Zouitene, Alexis Weber et Platon-Alexis Hadjimichalis (ancien ambassadeur de Grèce en Belgique et lui-même artiste plasticien), certains des plus beaux sites de la médina ont accueilli des artistes venus des quatre coins du monde afin d’y présenter un ensemble hétéroclite de musiques sacrées, des sons méditerranéens aux cultes afro-brésiliens. Désigné en 2001 ” événement marquant contribuant au dialogue des civilisations ” par les Nations unies, le festival cherche chaque année à rappeler au public les valeurs humanistes qui ont présidé à sa création : liberté, tolérance, ouverture, indépendance et curiosité.

Cette année, le festival était également placé sous le signe de l’eau, appelant ainsi les spectateurs à se réconcilier avec leur environnement et les sensibilisant à des problématiques écologiques de plus en plus pressantes. Le festival fut ainsi inauguré le 11 mai lors de l’exposition Symphonie en Eau majeure, une création originale de Laurent Berthollier. Sous l’alias Lolo Zazar, l’auteur, artiste plasticien et réalisateur de courts métrages spécialisé dans la technique dite de pixilation (image par image) présentait pour la toute première fois ses captations de l’eau au ralenti au Musée Nejjarine. Par la suite, nombreuses furent les représentations issues de traditions traversées par le symbolisme de l’eau : les traditions musicales de l’Amazonie ont notamment rencontré celles du Nil et celles des pêcheurs de perles des pays du Golfe.

Par ailleurs, après avoir porté les couleurs de l’Inde en 2016, le festival a choisi cette année de rendre hommage à la musique spirituelle chinoise. A cette occasion, la direction du festival a fait appel à une troupe d’opéra originaire de la province du Zhejiang. Ses membres ont activement participé à la recherche historique sur l’opéra Wu et ont pu documenter et restituer un large répertoire de chants traditionnels. Ces derniers, dont l’imaginaire et la mythologie sont eux-mêmes inspirés par l’eau, constituaient à l’origine une offrande aux dieux. La troupe d’opéra a pu, en outre, reconstituer des savoir-faire associés tels que le maquillage, les costumes et les masques qui ont inspiré l’esthétique de l’opéra de Pékin. C’est au coeur du Riad Dar Bensouda que Lingling Yu – premier prix du concours de musique traditionnelle de Pékin à l’âge de 25 ans – a quant à elle émerveillé le public par sa maîtrise exceptionnelle du luth pipa. Son répertoire est inspiré par la littérature et la poésie traditionnelles relatant batailles de légende et drames historiques.

Enfin, notons la publication du Grand Livre des Musiques sacrées du Monde chez Albin Michel. Page après page, Gérard Kurdjian – l’un des fondateurs du Festival de Fès – guide le lecteur à travers les différentes musiques spirituelles, qu’il aborde dans une perspective de rencontre et d’échange interculturels. Le Festival de Fès mérite plus qu’un coup d’oeil distrait, même si au fil du temps, son côté ” musique sacré ” a quelque peu cédé le pas à un côté ” musique du monde ” moins original.

MARGOT VOGELS ET MARIE-FRANCE BOTTE, À FÈS

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