En direct, pour éviter la taxe ?

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Détenir des actions nominatives permettra-t-il vraiment d’échapper à la taxe de 0,15 % annoncée sur les portefeuilles-titres ? Ce qui est clair, c’est qu’une inscription directe auprès de la société évacue, en tout cas, les droits de garde.

Quand le gouvernement a annoncé son intention d’imposer une taxe (dite d’abonnement) de 0,15 % sur les comptes-titres dépassant 500.000 euros, une des solutions aussitôt proposées par les âmes fiscalement bien intentionnées fut de faire passer ces actions du compte-titres en question au ” registre des actionnaires ” de l’entreprise. Autrement dit, de les mettre au nominatif. Rien de très sorcier depuis que les actions sont dématérialisées : un jeu d’écriture suffit. Bien qu’il y ait quand même plusieurs (petites) démarches à accomplir, les grandes banques ne facturent du reste pas des sommes folles pour ce service : 50 euros chez ING Belgique et KBC, ou encore 48,40 euros chez Fortis, hors TVA. Pas de quoi décourager l’investisseur qui, en agissant ainsi, épargnera peut-être la taxe de 0,15 %, mais plus sûrement les droits de garde comptés par l’institution financière, qui tournent généralement autour de 0,20 %.

Le nominatif ne se conçoit que pour le moyen ou long terme, pas pour des achats effectués à titre plus ou moins spéculatif.

Un intérêt soudain

Cette possibilité d’échapper à la taxe d’abonnement n’a pas laissé les épargnants indifférents. ” Les clients sont assez nombreux à demander des renseignements sur la question, relève-t-on chez ING, mais les passages à l’acte restent très limités. ” Quel son de cloche du côté des entreprises ? Chez GBL, on relève effectivement ” une petite évolution ” en faveur des actions nominatives depuis l’annonce gouvernementale. Les titres nominatifs y représentent 0,9 % du total, soit 1,8 % du flottant, étant donné que la moitié des actions sont aux mains du holding Pargesa, détenu conjointement par les familles belge Frère et canadienne Desmarais. Le mouvement est plus marqué chez Bois Sauvage. ” On relevait naguère une seule demande de mise au nominatif par mois, déclare-t-on du côté de cet autre holding. En octobre et novembre, on approchait de la dizaine. ” Si 47 % des actions y sont nominatives de longue date, c’est en raison des participations des actionnaires familiaux historiques. Les velléités nominatives récentes portent sur des positions modestes, de l’ordre de quelques centaines de titres.

Solvac, le cas emblématique

Quand on évoque les actions nominatives, un nom s’impose : Solvac. Cette entreprise n’a d’autre objet que la détention d’une importante participation dans le groupe chimique Solvay ; elle est aujourd’hui de 30,7 %. Solvac est dès lors qualifié de mono-holding. Il n’est pas seul dans le genre, puisque la Financière de Tubize joue le même rôle à l’égard d’UCB, dont elle détient 35 %. Idem pour KBC Ancora et le bancassureur KBC. La particularité de Solvac, unique en Belgique pour une entreprise cotée, c’est l’article 6 de ses statuts : ” Les actions doivent revêtir la forme nominative “. Pourquoi ? Parce que la direction souhaite que cet ancrage de Solvay soit parfaitement transparent. En dépit de l’assouplissement intervenu en 2015 en faveur des personnes morales, on n’entre pas chez Solvac comme dans un moulin : pour les sociétés de droit commun, trusts, fondations et autres sociétés patrimoniales, l’achat de titres Solvac est soumis à l’agrément du conseil d’administration. Parmi les conditions requises : tous les associés, constituants ou bénéficiaires doivent être ” des personnes physiques agissant en nom et pour compte propre, dont l’identité doit être communiquée à Solvac “.

Par contre, et en toute logique, rien de tout cela pour les investisseurs particuliers. Suite à l’annonce d’une taxe sur les portefeuilles-titres, ils se sont intéressés à l’action Solvac plus que d’ordinaire : volume en forte hausse en août, et plus encore en octobre, quand on a négocié près de 50.000 titres, soit moitié plus que la moyenne historique. Conséquence : le cours de Solvac n’a que partiellement suivi celui de Solvay dans son brutal recul du début novembre.

Se ruer sur le titre Solvac pour échapper à la nouvelle taxe d’abonnement serait-il donc la solution ? Certainement pas ! Si la direction conseille la prudence en cas d’achat supérieur à 200 actions, c’est en raison de l’étroitesse du marché : on n’a négocié qu’un peu plus de 400.000 actions Solvac en 2016, ce qui représente moins de 2 % du total. Il n’y en aurait donc pas pour tout le monde…

Sans intermédiaire et sans frais

Quelques précisions concrètes s’imposent. Une action nominative est inscrite dans le registre des actionnaires que tient une entreprise et non dans un compte-titres ouvert auprès d’un intermédiaire financier. C’est donc l’entreprise elle-même qui assure le paiement du dividende, dont le montant est versé sur le compte de son détenteur, après retenue du précompte mobilier. Outre un certificat attestant de la propriété des titres, l’entreprise envoie à ses actionnaires nominatifs les informations financières et une convocation à l’assemblée générale. Ces services sont gratuits.

Revers de la médaille : les actions nominatives ne peuvent être revendues en Bourse. Du moins pas avant leur dématérialisation, ce qui signifie (à nouveau) des frais et quelques jours de délai. La mise au nominatif ne se conçoit dès lors que pour des placements de moyen ou long terme, absolument pas pour des achats effectués à titre plus ou moins spéculatif.

Y a-t-il des banques ou sociétés de Bourse refusant ce service ? Très peu, mais un nom revient : Argenta. Dans une telle situation, le client n’a d’autre choix que de transférer préalablement ses titres vers un autre intermédiaire financier, ce qui double les coûts. Autre question : toutes les entreprises acceptent-elles la mise au nominatif de leurs actions ? Non, pas toutes. Pour rester dans le secteur des holdings, on relève ainsi que Brederode l’exclut formellement.

Par ailleurs, il est possible que certaines sociétés y mettraient un frein si elles étaient submergées de demandes. Ou compteraient des frais, aussi vrai que le service ainsi presté représente un coût en matière de personnel. Sans doute n’assistera-t-on de toute manière pas à un raz-de-marée aussi longtemps que les investisseurs ne seront pas fixés sur la portée précise de cette fameuse taxe d’abonnement.

Le ” DRIP ” à l’américaine

L’inscription directe des (petits) actionnaires dans les livres d’une entreprise cotée est une pratique courante aux Etats-Unis, où existe un système très particulier : le DRIP, pour Dividend ReInvestment Plan. Le dividende n’est alors pas payé en espèces, mais en actions et fractions d’actions, qui sont ajoutées à la position existante. Il y a donc capitalisation automatique des dividendes. Non seulement l’opération s’opère-t-elle en théorie sans frais, mais les actions additionnelles sont souvent proposées avec un rabais sur le cours de Bourse. Ceci ressemble au dividende en actions proposé par certaines sociétés belges, Cofinimmo notamment, mais sans qu’il faille arriver à un chiffre rond.

Le DRIP n’est cependant pas toujours aussi avantageux. Voilà plusieurs années que les sites d’investissement, en particulier Seeking Alpha, dénoncent certaines grandes entreprises, dont Coca-Cola, en raison des nombreux frais comptés à l’actionnaire. Et voici que Procter & Gamble, jadis cité en exemple, tombe aujourd’hui dans le même travers ! Parade : certains discount brokers proposent un service analogue à leurs clients, parfois moins cher que les entreprises elles-mêmes.

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