Dos au mur, face à la vérité

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Tous les écrivains passent par cette étape, celle de la page blanche. ” J’ai eu une panne d’écriture “, nous avoue Nicolas Rey. Que faire quand plus une ligne ne sort ? On en sniffe une de coke et on s’inspire ailleurs. Mais quand le complice du bad trip se plaint de plagiat à la sortie du roman, l’écrivain va vivre le cauchemar auquel il espérait n’être jamais confronté. Heureusement, Nicolas Rey est amoureux et c’est ce qui va le sauver d’une spirale descendante vers un enfer artistique, mélancolique et désabusé. Narrateur/personnage, il se retrouve littéralement ” dos au mur ” dans cette histoire de plagiaire accusé. Il doit faire face à la vérité.

Il n’y a pas que mon existence qui soit en sursis. Il y a mon amour également.

Au téléphone, la voix de l’auteur français est douce mais fatiguée. En tournée éclair bruxelloise pour son nouveau roman, il n’élude pas les derniers tourments de son existence qu’il y décrit. Fini l’alcool, mais pas les drogues et les médicaments. Pour affronter ses nouveaux démons, Nicolas Rey peut compter sur une nouvelle personne. Son nouvel amour s’appelle Joséphine. ” J’étais fou amoureux, c’est vrai, nous confie-t-il. Ces cinq années ont été l’histoire de ma vie. Même depuis qu’elle m’a quitté. ” Sa nostalgie nous surprend. ” On était ensemble à un concert à Nîmes. Après la nuit passée ensemble, elle a pris ses affaires en cachant sa poitrine. Ce retour de pudeur m’a ému. ” Les anecdotes sont fugaces et mettent parfois mal à l’aise autant que certains passages fantasmés de cet ouvrage. Ravagé par diverses substances, le romancier revient sur un procédé d’écriture propre aux poètes maudits : ” Chaque jour je me réveille vers 11 h. Je m’installe avec mon thermos de café, mon coca zéro et mes cigarettes. Une fois que je coince quelques phrases dans mon ordinateur, je finis mon chapitre. Il est 3 h du matin… ” Même si sa gestation n’en a pas le rythme, il faut que la phrase ” swingue “, nous assure le romancier.

Dans un de ses précédents opus, Un léger passage à vide, il nous confiait déjà sa douloureuse période d’addictions à l’alcool et aux drogues. La personne qui l’avait alors fait sortir de ce sombre tunnel était son fils. Dans Dos au mur, le fiston ado entretient une relation plus distante avec un père qui, malgré ses faiblesses, veut aller de l’avant. ” Mon fils m’a aussi aidé dans Dos au mur. Je me suis dit qu’il n’avait pas le droit d’avoir un père qui s’endort à son concert. ” Nicolas ne manque pas de volonté. Il est même prêt à se réconcilier avec un père qu’il a tant amoché dans ses précédents romans d’autofiction. Lui, qui n’a jamais cessé d’aimer un fils en autodestruction. ” Je lui ai pourtant mis des parpaings dans tous mes livres “, reconnaît-il. Cette manière de renouer avec son paternel est aussi un moyen de ne pas briser son propre rôle de père : ” Je me devais d’être physiquement vaillant face à lui “.

Réalité ou fiction ? La question se pose tout au long de la lecture de cette histoire de repentance. ” Tout est vrai dans le livre “, nous assure Nicolas Rey qui, sur la couverture, révèle le personnage anonyme et désincarné qui l’habite. Mauvais menteur, de son propre aveu, il sème toutefois le doute : ” On ment toujours un peu. Si tout le monde se disait la vérité, ce serait un beau bordel. ” Au lecteur de construire sa vérité. Son sentiment sera double à la fin de la dernière ligne. Il pourrait considérer ces confessions nombrilistes, ” larmoyantes “, nous a-t-on même soufflé. L’auteur est de ce cercle littéraire parisien, où l’entre-soi ” branchouille ” peut agacer. Le lauréat du Prix de Flore qu’il fut en 2000 pour Mémoire courte partage avec Frédéric Beigbeder le goût de la belle littérature autant que celui des substances interdites et d’une vie nocturne sans limites. Sauf que Beigbeder s’est quelque peu calmé, Nicolas Rey pas du tout. On peut aussi lire ” Dos au mur ” comme une belle épreuve de sincérité, dont la charge sentimentale vient des tripes. On avoue qu’on hésite encore entre les deux.

Nicolas Rey, ” Dos au mur “, éditions Au diable vauvert, 272 pages, 18 euros.

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