DES VOLAILLES PAS COMME LES AUTRES

© FRÉDÉRIC RAEVENS

Alors que le confinement des volailles est toujours de rigueur pour les professionnels, la grippe aviaire ayant fait des ravages notamment dans les Landes, le poulet n’a jamais eu autant la cote dans notre pays. Rencontre avec Frédéric Antoine, un éleveur heureux.

Vous n’avez sans doute jamais entendu parler de ” La pouletterie “. Mais sans le savoir, vous avez peut-être déjà goûté aux volailles de Frédéric Antoine. Cet aviculteur compte en effet parmi ses clients des chefs bi-étoilés comme Sang-Hoon Degeimbre (L’Air du Temps), Pascal Devalkeneer (Le Chalet de la Forêt) ou Pierre Résimont (L’Eau vive). Mais aussi des restaurants moins connus, comme le Bam’s à Watermael-Boitsfort ou Gustave à Grez-Doiceau, désireux de travailler un produit belge de qualité.

C’est Christophe Hardiquest, chef bi-étoilé de Bon Bon à Bruxelles, qui fut le premier à croire en Frédéric Antoine. C’est lui qui l’a poussé à se professionnaliser. Car rien ne prédestinait ce grand voyageur originaire de La Hulpe à devenir un jour éleveur…

FRÉDÉRIC ANTOINE. Je ne suis pas issu d’une famille d’agriculteurs ou d’éleveurs. J’ai travaillé dans le bâtiment, dans le bois… J’ai cinq enfants. On avait ce terrain et cette maison à Lustin. Je ne voulais pas faire mon Jean-Pierre Coffe, mais je voulais être sûr de ce que je mangeais. C’est comme ça que c’est venu ! Nous avons commencé par un petit potager, un cochon et quatre poules. La philosophie a toujours été de faire le plus naturel possible. Ensuite, via des amis, mon poulet a atterri sur la table de Christophe Hardiquest, qui m’a poussé à en faire quelque chose… Je ne savais pas quoi faire de ma vie et nous avons dès lors développé notre élevage.

Quelle est la particularité des volailles de La pouletterie ?

Nous produisons environ 3.000 volailles sur un terrain d’une petite dizaine d’hectares, deux tiers de Rousse de Lustin et un tiers de Malines de Lustin. Nous souhaitons conserver une dimension artisanale. Nous préparons nos graines chaque semaine afin de garder leur richesse nutritive et nous les donnons à la main. Elles sont bios mais posséder le label ne m’intéresse pas. Nous travaillons avec la société Beguin à Lavaux-Sainte-Anne, dont le gérant, Etienne Beguin, est également nutritionniste. En fonction du climat, il adapte la nourriture de nos volailles. C’est important : on est ce qu’on mange.

En quoi votre élevage est-il artisanal ?

Nous avons regardé ce que faisaient les industriels et nous nous sommes dit : on va tout faire sauf ça ! Je suis aussi descendu en Bresse pour discuter avec des anciens, des gars de 80 ou 90 ans. Nous achetons nos poussins en Flandre. Nous les recevons à l’âge d’un jour et dès l’âge de trois semaines, ils passent en parcours extérieur libre, à la fois herbeux et forestier. A la base, les volailles sont des petits chasseurs, elles aiment chipoter. Nous avons des systèmes d’ouverture et de fermeture des poulaillers munis de détecteurs crépusculaires. Elles rentrent et sortent donc quand elles en ont envie. Soit elles mangent les graines que l’on donne, soit elles vont chercher des ronces dans la forêt. Elles mangent aussi ce qu’elles ont envie de manger. Nous accordons vraiment beaucoup plus de liberté à nos volailles. Même en bio, les volailles ne doivent pas être en liberté tout le temps ! Nous travaillons aussi avec une méthode innovante : une quinzaine de roulottes mobiles amènent en permanence les volailles sur un terrain vierge. Nous leur faisons même écouter de la musique…

Cette approche artisanale fait qu’on a des difficultés à travailler avec des chefs qui sont à la recherche de volailles calibrées. En industriel, on peut commander 15 volailles d’1,2 kg, 17 d’1,6 kg… Nous, nous ne savons pas faire ça ! Il faut 70 jours pour qu’une volaille soit entièrement formée, soit l’âge d’abattage d’une volaille bio. Dans l’industriel, on descend à 35 ou 40 jours : la volaille n’est pas finie… Nous, nous les abattons après 84 à 110 jours minimum.

Comment expliquez-vous le succès de votre entreprise et le retour en vogue du poulet en général ?

Le succès du poulet rôti, c’est l’envie d’un retour à la simplicité, à la convivialité et au partage. Et puis, on nous dit de manger moins de viande rouge, on nous parle du bien-être des animaux… Après, si les chefs prennent nos volailles, c’est que le produit est bon. Ils souhaitent de plus en plus travailler des produits locaux de qualité et plus simplement se fournir à Rungis. Lorsqu’ils goûtent, qu’ils viennent voir notre élevage, ils sont vite convaincus. Car notre job est très compliqué ; il n’est pas très rentable. Si je voulais vraiment gagner ma vie, je me lancerais dans l’élevage industriel. Mais le but, c’est de faire un bon produit qui plaise. Et puis moi, j’aime mes poulets ! Rentrer dans un poulailler, cela m’émeut toujours.

Quel sont les futurs projets de La pouletterie ?

Nous ne dépasserons pas une certaine quantité. C’est toujours le même problème, si on franchit un cap, on ne peut plus être naturel. Nous allons donc diversifier notre activité. Depuis six mois, nous avons commencé à travailler le cochon piétrain-duroc, que nous élevons aussi en liberté. Nous allons aussi varier les races de volailles. Nous allons notamment lancer la Faverolles, qu’adorait Louis XVI et pour laquelle nous avons déjà les parents reproducteurs, et donc nos propres poussins. Bientôt, nous relancerons aussi une vieille race ardennaise…

Quel est l’impact du confinement des volailles sur votre élevage ?

Cela m’ennuie énormément mais on ne peut rien y faire. Le principe de précaution prévaut à l’Afsca. Nos volailles sont confinées depuis le 20 décembre et cela commence à faire long… Un lot entier de volailles ne verra pas la lumière du jour. Mais nous avons mis en place certaines choses. Tout d’abord, elles sont moins nombreuses à être enfermées et puis nous avons suspendu du foin pour les occuper. Nos ventes n’en souffrent pas car les chefs savent que nous n’y sommes pour rien.

LAURA CENTRELLA

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