Des entreprises belges à la conquête d’une Argentine désargentée

La princesse astrid s'est envolée pour l'Argentine et l'Uruguay, accompagnée de six ministres et quelque 94 entreprises belges. © BELGAIMAGE

Malgré la dévaluation du peso et une inflation qui atteint les 30 %, le marché argentin n’effraie pas les entreprises belges. Des jeunes PME essaient même d’y effectuer leurs premiers pas à la grande exportation. Présentation.

Qu’est-ce qui peut bien pousser 94 entreprises belges, de toutes tailles, à s’envoler dans le sillage de la princesse Astrid pour prospecter le marché d’un pays où l’inflation frôle les 30 %, où les banques pratiquent des taux d’intérêt grimpant jusqu’à 40 % et dont la monnaie a dévalué de 30 % depuis le début de l’année ? Peut-être simplement, explique l’ambassadeur de Belgique en Argentine, Peter Maddens, le fait de regarder ” le film plutôt que l’image “. Et ce film montre une économie qui, timidement, se recolore : même si elle est élevée, l’inflation baisse, les investissements dans les infrastructures reprennent et le pays revient sur les marchés financiers internationaux, après plus de 10 ans de contrôle des capitaux. L’Argentine réintégrera l’an prochain l’indice boursier MSCI des marchés émergents, dont elle avait été déclassée en 2009.

Lorsqu’on s’aventure sur un autre continent, il y a parfois quelques surprises.

La politique du président Mauricio Macri séduit le monde entrepreneurial. Mais elle braque les syndicats qui dénoncent les conséquences sociales de l’assainissement des finances publiques. Symbole de cette opposition : le prêt de 50 milliards de dollars que le FMI vient d’octroyer en juin à l’Argentine. Ce soutien financier permettra, selon le gouvernement, de relancer les investissements sans dérapage budgétaire mais il réveille aussi le fantôme de 2001 quand le pays avait été en cessation de paiement et que la population avait hurlé contre l’austérité ” imposée ” par le FMI. D’où la mobilisation syndicale. La mission princière est arrivée à Buenos Aires un jour de… grève générale. Cela a compliqué les déplacements mais cela n’a finalement que très peu affecté les rendez-vous pris par les entreprises belges.

Du coup, l’événement est pris avec un regard positif : si les partenaires argentins potentiels n’ont pas utilisé l’argument de la grève pour annuler leurs rendez-vous, c’est qu’ils sont réellement motivés (du moins, tant que ces rendez-vous ne coïncident pas avec un match de Coupe du Monde de l’Argentine, il y a des priorités dans la vie…). L’Awex avait organisé quelque 120 rendez-vous B to B pour les entreprises wallonnes. ” Et nous en avons eu au moins une vingtaine de plus grâce aux partenaires argentins qui glissaient ‘allez voir un tel de ma part’, dit Martin Cardoen, représentant de l’Awex et hub.brussels à Buenos Aires. Quand un Argentin ouvre son réseau, c’est vraiment intéressant. Vous pouvez avoir très vite un rendez-vous au ministère avec la personne adéquate. ”

” Depuis qu’on la connaît, l’Argentine est en crise, renchérit Carolina Pazos Michell (The Clay and Paint Factory, Liège). Des crises de toutes sortes, mais des crises. Alors, les Argentins savent vivre avec ça, il ne faut pas les laisser de côté juste pour cette raison. ” Prudente, son entreprise de peintures ne livre toutefois ses produits en Argentine que contre un paiement à l’avance. ” C’est le seul pays où nous faisons cela “, précise-t-elle.

Impossible de décrire les retombées potentielles des 700 contacts noués par des entreprises belges en Argentine et en Uruguay, où la mission se déplaçait également. Il faut être sélectif. Nous laisserons donc de côté les habituelles bières belges et les produits pharmaceutiques (notre n°1 à l’export), pour des coups de projecteurs sur des sociétés peu connues mais dont le parcours peut susciter des vocations internationales.

Les biostimulants de la start-up Fyteko décuplent la résistance des plantes à la sécheresse. Et cela intéresse fortement les cultivateurs d'Amérique latine, a pu constater sur place le cofondateur Guillaume Wegria, ici à l'institut agricole d'Uruguay.
Les biostimulants de la start-up Fyteko décuplent la résistance des plantes à la sécheresse. Et cela intéresse fortement les cultivateurs d’Amérique latine, a pu constater sur place le cofondateur Guillaume Wegria, ici à l’institut agricole d’Uruguay.© PG

Fyteko, le petit poucet

Fyteko a beau être parmi les plus jeunes (quatre ans d’existence) et les plus petites entreprises de la délégation (six personnes), elle a déjà son réseau argentin. Ou plutôt son partenaire : Rizobacter, un distributeur de biofertilisants qui pèsent près de 200 millions de dollars. ” Je ne prends pas trop de rendez-vous. Mes partenaires nous font confiance, je ne vais pas courir plusieurs lièvres à la fois “, confie Guillaume Wegria, cofondateur de Fyteko.

Mais comment ce géant argentin s’est-il intéressé à cette start-up bruxelloise ? Fyteko a mis au point un biostimulant qui permet aux plantes de mieux tolérer la sécheresse. Il agit en quelque sorte comme un vaccin et développe très tôt les résistances naturelles du végétal au manque d’hydratation. Une innovation très intéressante mais sans doute pas spécialement pour la Belgique. L’entreprise devait donc d’emblée se tourner vers l’exportation. Et notamment l’Argentine, l’un des plus gros producteurs alimentaires au monde. Rizobacter a été séduit par ce biostimulant et réalise maintenant des tests sur des champs. Au cours de la mission économique, Guillaume Wegria, bio-ingénieur de formation, a pu en superviser certains directement sur le terrain. Ils indiquent une amélioration de 18 % de la résistance à la sécheresse des cultures de maïs. L’espoir est de lancer les derniers tests cette année en vue d’un vrai démarrage en 2019. Fyteko vient d’obtenir les autorisations pour le marché belge. En Argentine, ils sont dans la procédure depuis un an et l’appui de Rizobacter devrait aider à accélérer les choses.

Dans la foulée, Guillaume Wegria espère aussi convaincre des partenaires en Uruguay, au Chili et au Costa Rica. Fyteko écoule déjà ses produits en Afrique, où la lutte contre la sécheresse est plus qu’une nécessité. Si elle s’impose dans le monde, l’entreprise a-t-elle intérêt à rester en Belgique ? ” Notre produit est très concentré, nous pouvons le produire à grande échelle au départ de Bruxelles, répond le managingdirector. Nous pouvons ainsi garder la main sur le produit et sur la production, sans devoir construire une nouvelle usine. ” Guillaume Wegria n’oublie pas que si Fyteko a pu commencer, c’est notamment grâce au soutien d’Innoviris, l’incubateur bruxellois, et du fond d’innovation d’Essenscia (fédération de l’industrie chimique). ” Nous travaillons toujours en R&D pour améliorer le produit, ajoute-t-il. Et nous en avons d’autres dans nos tiroirs. ” Ces développements conduiront vraisemblablement Fyteko à ouvrir son capital à de nouveaux partenaires d’ici la fin de l’année.

Ionics, l’investisseur installé

La secrétaire d’Etat bruxelloise Cécile Jodogne et l’équipe de Brussels Invest & Export ont visité les installations d’Ionics, filiale du holding familial DS Group, au nord de Buenos Aires. Au départ, il s’agissait simplement d’une collaboration dans le cadre de l’exportation de Cobalt 60 argentin à destination de l’Europe. Trente ans plus tard, non seulement l’usine existe toujours mais sa capacité vient d’être doublée pour atteindre les 40.000 m3. ” Quand vous investissez ici, vous devez travailler dans la durée, explique Frank Giegas, CEO de DS Group. Il y a toujours des hauts et des bas, il faut prendre patience. ” Le chiffre d’affaires d’Ionics a été porté de 1,2 à 7,8 millions de dollars, malgré les crises et dévaluations successives. Le problème au fil des ans, ce fut le versement des dividendes aux actionnaires belges. ” Aujourd’hui, on peut à nouveau y parvenir, dit le patron de DS Group. Certes, le peso ne vaut plus grand-chose mais, au moins, on peut sortir l’argent. ”

Le business de cette entreprise est assez particulier : l’irradiation de produits (épices, médicaments, engrais, cosmétiques, légumes secs, etc.) afin de garantir leur conservation pendant plusieurs années. ” Peu de gens le savent mais c’est la manière de stériliser la plus efficace et la moins dangereuse, assure Frank Giegas. Le rayon gamma passe au travers du produit et élimine juste ce qui doit l’être. ”

CE+T Power, le partenaire caché

Le nom de CE+T Power n’est pas spécialement connu. Les produits de cette société liégeoise s’intègrent pourtant dans des équipements présents sur toute la planète. CE+T Power est active en Argentine depuis 12 ans. Elle travaille avec de grands équipementiers (Vertiv, Delta, Eltek, etc.), qui intègrent son innovation technologique – un onduleur qui transforme le courant continu en courant alternatif – dans leurs propres produits. L’importance d’un tel équipement est simple à comprendre : quand on stocke l’énergie, c’est du courant continu ; quand on l’utilise, c’est de l’alternatif. Le convertisseur permet de passer de l’un à l’autre et donc d’assurer la fourniture d’électricité 24h/24, même en cas de coupure de courant. Les télécoms, les chemins de fer (à chaque passage à niveau en Belgique, vous avez des équipements CE+T mais également dans le métro de Santiago ou le TGV La Mecque-Medine), les installateurs de caméras de surveillance (6.000 à Mexico City avec du CE+T dedans) et désormais les data centers ont besoin de ces convertisseurs ou onduleurs. ” L’export représente environ 70 % de notre chiffre d’affaires, dit Felipe Diaz. Nous sommes présents partout dans le monde, même là où nous n’avons jamais vendu directement les équipements. ”

Malgré son expérience, la société a pourtant encore besoin de telles missions économiques pour ouvrir des portes. ” Accéder au client final reste un défi pour nous, explique Felipe Pinan-Diaz. Nos partenaires filtrent car ils craignent que nous ne puissions alors les contourner. Ces missions et le travail de l’Awex m’ont permis de rencontrer plusieurs de ces clients finaux. Mon objectif est alors de les convaincre d’opter pour notre technologie. Je ne leur vends pas directement, mais j’essaie qu’ils spécifient leur souhait de travailler avec nous dans leurs cahiers des charges. ”

Le sales manager dispose d’un argument de choc dans sa besace : la victoire de CE+T Power au Little Box Challenge de Google en 2016. Ils ont réussi à fabriquer le plus petit convertisseur d’énergie, devant quelque 2.000 entreprises de par le monde. Ce prix leur a valu un chèque d’un million de dollars et une fameuse carte de visite. ” Nous devons être fiers de telles réussites, dit Felipe Pina Diaz. Nos concurrents, ce sont des boîtes avec parfois 20.000 ingénieurs, là où nous en avons 20 ! C’est incroyable la capacité à innover chez nous. Et nous sortons une nouvelle gamme de produits encore plus innovants, qui implémentent déjà une partie de la recherche menée pour le Little Box Challenge. ”

La secrétaire d'Etat bruxelloise Cécile Jodogne, en visite chez Ionics, une usine d'ionisation de produits divers. Cette entreprise, installée près de Buenos Aires, appartient au holding belge DS Group.
La secrétaire d’Etat bruxelloise Cécile Jodogne, en visite chez Ionics, une usine d’ionisation de produits divers. Cette entreprise, installée près de Buenos Aires, appartient au holding belge DS Group.© PG

Telemis, le prospecteur patient

Concepteur d’un logiciel d’imagerie médicale, la société Telemis a choisi la voie d’une croissance prudente. Elle a convaincu des utilisateurs en Belgique d’abord, puis dans les pays environnants. Elle a ensuite mis un pied dans les pays baltes, une région en pointe en matière de digitalisation. Mais la grande exportation, c’est seulement maintenant, à la veille de ses 20 ans, que cette spin-off de l’UCL s’y risque, en prenant part à la mission économique en Argentine, peu après avoir remporté un marché aux Emirats arabes unis. ” Nous avons opté pour une croissance maîtrisée, concède Stephane Ketelaer, CEO de Telemis. Nous avons pu progresser et améliorer le produit grâce aux retours de nos clients. Notre base est très saine, nous sommes en profit depuis 17 ans, nous pouvons maintenant aller chercher la croissance un peu plus loin. ”

Atout de Telemis : tout le monde est a priori intéressé par un logiciel qui aide à la détection précoce de maladies graves (cancers, troubles cardiaques, etc.). Cet outil permet de croiser les différents types d’images médicales (scanner, échographie, résonance magnétique) et de les archiver en vue de comparaisons ultérieures. Mais lorsqu’on s’aventure sur un autre continent, on peut aller au-devant de quelques surprises. ” Quand on travaille uniquement en euros ou en francs suisses, ça fait un choc de découvrir les aléas du peso argentin, poursuit Stephane Ketelaer. La situation économique a occupé la moitié de mes discussions avec des clients argentins potentiels. Heureusement, l’autre moitié m’a permis de constater un réel intérêt pour notre technologie et un bon niveau de développement des hôpitaux. Nous sommes ici en partie dans un marché de remplacement : ils connaissent ces types de logiciels et savent très bien ce qu’ils veulent. ”

La Belgique mise sur le bon cheval

Des entreprises belges à la conquête d'une Argentine désargentée
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La mission économique en Argentine pourrait accélérer la constitution d’un cluster équestre en Wallonie et d’un club équestre au sein de la fédération Agoria.

Quand ils sont éliminés de la Coupe du Monde de football, les Argentins peuvent se consoler avec les compétitions de polo. C’est en effet ” le ” pays de référence de ce sport équestre, avec une centaine de clubs recensés rien que dans la région de Buenos Aires. Vous ajoutez à cela le mythe du ” gaucho “, le cavalier de la Pampa, et vous comprenez pourquoi plusieurs entreprises de la filière équestre participaient à la mission économique belge en Argentine.

” Nous avons noué d’excellents contacts avec la firme Crest View Genetics, confie Didier Serteyn, CEO de Revatis. Nous devrions conclure un partenariat au minimum en recherche-développement et vraisemblablement au-delà. ” Les contacts de cette société argentine lui ont permis d’obtenir dans la foulée un rendez-vous au ministère des Sciences et Technologies, afin d’anticiper déjà les procédures d’agrément. Revatis est une spin-off de l’Université de Liège (où Didier Serteyn est professeur de chirurgie des chevaux), qui a mis au point une technique innovante de production de cellules souches, à partir d’un minuscule prélèvement de tissu musculaire.

” Ces cellules souches favorisent la régénération des tissus, explique Didier Serteyn. Les techniques habituelles de prélèvement sur la moelle osseuse sont plus dangereuses et douloureuses, on ne les utilise donc pas à titre préventif. Notre technologie peu invasive permet, elle, de constituer des banques de cellules-souches des champions, que l’on pourra utiliser plus tard pour soigner d’éventuelles blessures. ” Le procédé est appliqué avec succès pour traiter des chevaux atteints de tendinites et d’arthrose. Il n’y a pas de risque de rejet puisque le receveur est aussi le donneur. On comprend évidemment l’intérêt au pays des chevaux de polo… A terme, Crest View Genetics, entreprise de pointe en biotechnologie de la reproduction, pourrait aussi utiliser ces cellules souches pour cloner les plus grands as du polo.

En voyage avec Equilog Services

Revatis a déjà conclu des partenariats similaires au Texas et à Dubai. ” Le monde du cheval de sport est relativement restreint, précise Didier Serteyn. Il y a environ 6 millions de chevaux de compétition sur la planète. Nous devons donc absolument sortir de nos frontières. ” Et pour sortir des frontières avec un cheval, pourquoi ne pas se tourner vers Equilog Services ? Cette jeune société anversoise accompagne le transport des chevaux par voie aérienne, tant sur le plan administratif que sanitaire. Car un cheval n’embarque pas comme un humain : il doit au préalable respecter une période de quarantaine, dont la durée varie selon les destinations.

” Nous leur assurons un traitement VIP, sourit Els Brusselaers, fondatrice d’Equilog Services. Nous faisons tout pour qu’ils arrivent en parfaite condition. C’est vraiment un service sur mesure : j’ai un client argentin qui parcourt le monde et je m’arrange pour que son cheval le suive d’un pays à l’autre. ” L’entrepreneuse allie ainsi sa passion du cheval et son expérience des formalités douanières, après 13 ans de travail dans la logistique du port d’Anvers. ” J’ai vu qu’il y avait une niche pour le transport des chevaux et je me suis lancée “, dit-elle.

Un cluster wallon avant la fin de l’année

Quand ils voyagent, les chevaux transitent souvent par l’aéroport de Liège, qui a développé une infrastructure spécifique réputée dans toute l’Europe. Elle accueille quelque 3.000 chevaux par an. Un chiffre qui montre que, de la recherche vétérinaire à la logistique, notre pays a développé une certaine expertise équestre qu’il serait peut-être judicieux de faire fructifier. ” Cette mission en Argentine m’a conforté dans cette optique, confie le ministre wallon de l’Economie Pierre-Yves Jeholet. Il existe en Wallonie une activité significative du monde équestre. Si nous parvenons à définir une stratégie commune pour tous les opérateurs, de la naissance du cheval à la compétition, je suis convaincu que cela peut nous placer mieux encore sur la carte internationale et attirer des investisseurs. ”

Le ministre a chargé l’administration de plancher sur les modalités de création d’un cluster équestre, qui engloberait une quinzaine d’entreprises de la filière équine, des constructeurs de box aux producteurs d’aliments en passant par Revatis, l’aéroport et l’hippodrome de Ghlin. ” En mobilisant tout le monde, on peut arriver à 30 ou 50 entreprises, espère Didier Serteyn. Il y a beaucoup d’innovations dans ce secteur. La digitalisation arrive avec des chevaux connectés, dont les capteurs analysent la vitesse, l’allure, les risques de chute, etc. ” Le cluster devrait être lancé d’ici la fin de l’année.

Une autre structure se forme par ailleurs au sein de la fédération Agoria. On y retrouve en bonne place Equilog Services ainsi que des concepteurs de pistes équestres, des manèges, des centres de formation spécialisés, etc. ” Avec ce club équestre, nous avons l’ambition de créer un vrai réseau d’expertise et de mieux la faire connaître à l’étranger, conclut Els Brusselaers. Nous comptons nous présenter pour la première fois sous cette bannière commune en 2019 lors de la mission économique princière en Chine. ” Il reste maintenant à espérer que ces initiatives wallonnes et flamando- patronales galopent dans la concertation.

“Nous devons nous tourner vers les pays émergents”

Des entreprises belges à la conquête d'une Argentine désargentée
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TRENDS-TENDANCES. Les missions économiques permettent souvent d’ouvrir des portes, jusque-là bloquées pour les entreprises belges. Cela fut-il le cas en Argentine et en Uruguay ?

Pierre-Yves Jeholet. Oui, nous avons par exemple pu évoquer un dossier de GSK avec le ministre argentin de la Santé. L’entreprise a investi ici en vue de pouvoir distribuer un vaccin contre la méningite. Mais elle se heurtait à un blocage administratif. Je ne dis pas que tout est résolu maintenant, mais nous avons senti un engagement du ministre. En Uruguay, la rencontre avec le ministre des Transports permet aussi d’accélérer la concrétisation du marché de formation dans le domaine ferroviaire, remporté par Auraxis.

C’était la deuxième mission princière à laquelle je participais en tant que ministre. Pour moi, elles ont vraiment tout leur sens. Nous y jouons un rôle de facilitateur, très utile pour nos entreprises et nos universités. Je constate aussi l’excellente articulation entre le fédéral et les trois Régions pour la conception de ces missions. Mais nous continuerons aussi à mener des missions spécifiques avec des entreprises wallonnes. Ce sera le cas prochainement en Angleterre et je devrais en faire deux autres d’ici la fin de la législature.

Parmi les 94 entreprises présentes, il y avait de nombreuses PME, parfois des sociétés de moins de dix personnes. N’est-ce pas le signe d’un certain dynamisme à l’exportation ?

Cela m’avait déjà marqué lors de la mission en Côte d’Ivoire, en octobre dernier. Les entrepreneurs, qui sont parfois presque de simples indépendants, prennent conscience que s’ils veulent grandir, ils doivent aller chercher la croissance là où elle est. La distance n’est plus en frein : il faut saisir les opportunités au-delà de la Belgique et des pays limitrophes. Je suis convaincu que nous devons placer la Wallonie sur la carte internationale et nous tourner vers les pays émergents. Cela ne pourra se faire que sur des produits et services à haute valeur ajoutée, nous en sommes bien conscients. Cela s’est très bien passé pour nos entreprises en Argentine et en Uruguay. Leurs représentants sont dans l’ensemble très satisfaits des contacts B to B qui avaient été organisés par les agences régionales.

Venons-en à cette agence régionale : après avoir réformé les structures wallonnes d’animation économique, comptez-vous faire de même avec l’Awex ?

Je veux avancer sur deux axes : soutenir les PME en croissance, ce que nous ne faisons pas encore suffisamment ; et les sensibiliser à l’international. Il y a du travail à mener en amont pour encadrer les PME et les inciter à se lancer à l’export. Des entreprises participent régulièrement à des missions et des salons, avec le soutien de l’Awex. C’est très bien mais, les enveloppes n’étant pas extensibles, je préférerais que ce soit de nouvelles entreprises. Celle qui y revient pour la sixième fois, c’est qu’elle estime qu’elle a un bon retour. Il n’est donc peut-être plus indispensable de l’aider ou de l’aider autant. Ce ne doit pas devenir un soutien structurel.

En juin 2019, il y aura les états généraux de l’Awex. Ce sera un moment important. Toute structure, tout dispositif financé par les autorités publiques doit, à un moment donné, faire l’objet d’une évaluation. Cela permet de renforcer, de réorienter, de supprimer certaines aides qui ne portent pas ou plus leurs fruits. Faire régulièrement un tel exercice me paraît logique, c’est de la saine gestion. Cette évaluation doit être basée sur une consultation la plus large possible, y compris auprès des entreprises qui ne sollicitent pas les services de l’Awex. Il faut mener le processus jusqu’au bout et surtout ne pas tomber dans l’auto-satisfaction. Cela étant, quand je vois son fonctionnement, je trouve que l’Awex effectue vraiment un bon boulot. Mais on peut toujours s’améliorer.

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