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Climat: il reste trois ans pour choisir

Faut-il dévier une économie nationale de son cap et risquer quelques points de précieuse croissance alors que tant de problèmes sociaux de court terme restent à traiter ? C’est le débat qui a été posé à la rentrée lors de la démission du très médiatique Nicolas Hulot de son poste de super ministre de l’Environnement du gouvernement français.

Une démission qui a causé quelques remous, quelques articles sur le bien-fondé d’une politique davantage axée sur le climat, puis le soufflé est retombé.

Finalement, avec un peu de temps, la question posée par l’ancien animateur d’ Ushuaïa n’a-t-elle pas des chances de se résoudre toute seule ? Ne suffirait-il pas d’un peu plus de croissance et, la pression sociale retombant, nous pourrions alors nous attaquer aux enjeux climatiques avec sérénité. Or, justement, ne sommes-nous pas au seuil d’un nouvel Eldorado ? La situation économique actuelle présente tous les signes de celle qui avait prévalu au milieu des années 1990, juste avant 10 ans de belle croissance sans inflation. A l’époque, nous sortions aussi d’une pénible récession, la révolution technologique peinait à se traduire dans les chiffres de la productivité, l’économie créait cependant de plus en plus d’emplois, et l’inflation restait particulièrement sage.

Il suffirait donc d’un peu de patience ? Non. Comme l’expliquait le président français Jacques Chirac dans un célèbre discours s’inspirant du tube indémodable ( Beds are burning) du groupe australien Midnight Oil, et comme l’a répété tout récemment le secrétaire général de l’Onu Antonio Guterres : ” La maison brûle et nous regardons ailleurs “. Dans Le Soir voici quelques jours, Paul De Grauwe éclairait la nature du choix que nous avons à faire. Deux scénarios très différents se présentent à nous. Dans l’un, la situation évolue doucement, de manière linéaire. Le climat se réchauffe peut-être un peu, mais nous avons de toute façon le temps de nous adapter. Dans l’autre, la machine s’emballe. Nous sommes confrontés à une évolution non linéaire, brusque, rapide, créée par des processus ” auto-renforçants ” qui mènent à une catastrophe : des températures de fournaise sur une bonne partie du globe, des centaines de millions de migrants climatiques, une chute de la production agricole mondiale, la famine, la guerre et, souligne l’économiste, ” la fin de la civilisation telle que nous la connaissons “.

Comme le répète le climatologue Jean-Pascal Van Ypersele : “Nous n’avons pas de planète B”.

Aujourd’hui, la trajectoire inquiétante des températures nous placerait déjà dans le deuxième scénario. Mais même si nous admettons qu’il y ait peu de probabilité qu’il se réalise, avons-nous le droit, pour nous, nos enfants, nos petits-enfants, de ne pas en tenir compte du tout ?

La Commission mondiale pour l’Economie et le Climat – un groupe d’une trentaine d’anciens chefs d’Etat, de ministres des Finances, d’économistes, de dirigeants d’organisations internationales et de patrons d’entreprise – estime dans un rapport sanglant, qu’il nous reste… trois ans pour choisir avant de, peut-être, nous enfoncer vers l’irrémédiable. Trois ans pour décider d’aller résolument vers une économie très bas carbone, en repensant la politique énergétique, urbaine, agricole, industrielle et en appliquant un coût réaliste aux externalités négatives, et donc en instaurant un prix du carbone de 40 à 80 dollars la tonne dans les deux ans.

Une réorientation bas carbone de l’économie mondiale créerait 65 millions d’emplois, augmenterait le PIB mondial de 26.000 milliards de dollars d’ici à 2030 et regonflerait les recettes des Trésors publics de 2.800 milliards. Et surtout, nous donnerait la certitude de pouvoir continuer à évoluer dans une planète viable. Car, comme le répète le climatologue Jean-Pascal Van Ypersele : ” Nous n’avons pas de planète B “.

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