Ce cours du pétrole qui ne monte pas

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Le 30 novembre 2016, pour la première fois en plusieurs décennies, les pays membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) ont décidé d’abaisser de 1,2 million de barils (159,24 litres par baril) la production journalière. Onze pays non membres, dont la Russie, se sont également engagés à réduire leur production de plus de 500.000 barils. C’est un accord ” historique ” et déterminant pour l’évolution du prix du pétrole cette année. Aux normes de l’OPEP, l’accord est assez bien suivi, et le 25 mai dernier, la limitation de la production a été prolongée de neuf mois à (au moins) mars 2018.

Pourtant, l’évolution des cours du pétrole ces derniers mois nous déçoit. La réaction initiale à l’accord historique de la fin de l’an dernier fut certes positive, portant le prix de l’or noir à 55 dollars, mais au mois de juin, son prix a glissé à nouveau en direction des 45 dollars, le niveau atteint à l’automne précédent – avant l’accord.

Offre excessive

Ces dernières années, le prix du pétrole a connu une évolution très fluctuante. Début 2016, nombre d’observateurs se demandaient où se situerait son plancher, au moment où le baril de Brent (pétrole de la mer du Nord) avait plongé sous 30 dollars. Nous nous situions alors plus de 70 % sous le niveau de la chute de la mi-2014. Courant de l’an dernier toutefois, un redressement de prix assez solide est intervenu. En début d’année, nous nous trouvions 60 % au-delà, entre 50 et 55 dollars le baril. Le redressement s’est cependant avéré moins durable que ce que nous avions estimé.

La crise pétrolière de 2014-2016 trouvait son origine dans la situation de l’offre. Celle-ci ne saurait être observée sans tenir compte de l’essor de l’exploration pétrolière en haute mer et dans les champs de sable bitumineux, mais aussi de la croissance spectaculaire du segment du pétrole de schiste aux États-Unis. Cette situation a incité l’Arabie saoudite à changer de tactique. Autrefois, ce ” pays-clé ” de l’OPEP du fait de ses réserves abondantes, aurait réduit sensiblement sa production en cas de suroffre. À présent, il continue d’extraire abondamment le pétrole afin de stopper l’essor du pétrole de schiste, notamment. Le succès de cette stratégie est mitigé. Aux États-Unis, l’offre a diminué, et l’an dernier, 800.000 barils de moins y ont été extraits chaque jour en comparaison avec 2015. Cependant, en faisant baisser sensiblement le prix du pétrole, le Moyen-Orient a également scié la branche sur laquelle il était assis, ce qui a donné lieu à d’énormes déficits budgétaires.

Un équilibre délicat

La baisse du cours du pétrole s’est interrompue au niveau (une coïncidence ? ) du coût de production de l’Arabie saoudite. Nous aurions espéré que le prix de l’or noir revienne dans le courant de l’année au niveau des 60 dollars. Cela nous semble aujourd’hui moins évident qu’il y a six mois. Plusieurs pays ne se sont évidemment pas totalement liés à l’accord de l’OPEP. C’est le cas notamment de la Libye et du Nigeria. Mais surtout des États-Unis. Le redressement de prix vers les 55 dollars en début d’année a donné lieu à un accroissement de l’activité d’extraction de pétrole de schiste. Une partie des 800.000 barils par jour qui ” manquaient à l’appel ” par rapport à l’an dernier a été récupérée. En outre, il s’est avéré que la Driving Season (départs en vacances de mai à septembre) ait commencé très doucement cette année, justifiant que la demande de pétrole aux États-Unis soit inférieure aux prévisions. Les réserves de pétrole ont dès lors été plus élevées qu’attendu et une baisse des prix s’est ensuivie. Ajoutons à cela la pression accrue en faveur d’une cohésion au sein de l’OPEP après un conflit ouvert qui a opposé le Qatar et plusieurs autres États du Moyen-Orient, Arabie saoudite en tête. Cet élément a également affecté le prix du pétrole.

Il serait vain d’espérer à nouveau des prix supérieurs à 60 dollars. Un retour à 50, voire 55 dollars cette année nous paraît en revanche plausible.

Des opportunités de trading

Nous pensions que la fin de l’an dernier/le début de cette année constituerait un bon moment pour investir davantage dans le secteur de l’énergie. Aujourd’hui, il semble que nous avions tort. Les prestations moyennes du secteur sur les trois à quatre dernières années sont très décevantes.

Cela dit, les investissements dans les géants pétroliers comme Royal Dutch Shell, Total et Statoil sont malgré tout satisfaisants, grâce aux dividendes très généreux qu’ils versent. Ainsi arrivons-nous pour Royal Dutch Shell à un rendement de 1,3 % sur une année. Le géant pétrolier britannico-néerlandais n’avait plus réduit son dividende depuis la Seconde Guerre mondiale. Dans le segment des producteurs pétroliers, nous sommes positifs à l’égard du parcours de croissance d’AkerBP (lire également en page 6 du numéro 26-27).

Les prestataires de services pétroliers sont en revanche plus sensibles aux fluctuations de prix. La baisse des investissements des géants énergétiques au cours de la période 2014-2016 a provoqué dans le secteur la suppression de pas moins de 440.000 emplois au cours d’une des crises les plus sombres de son histoire. Si nous assistons dans les prochains mois et semaines à un redressement des prix pétroliers, celui-ci permettra avant tout un ” rerating ” des valorisations des prestataires de services pétroliers. On peut généralement établir une corrélation nette entre la révision à la hausse des prévisions de cash-flow libre des multinationales pétrolières et le redressement des cours de Bourse des prestataires de services pétroliers.

Des opportunités existent donc cette année dans le secteur pétrolier. Notons cependant qu’à présent, nous misons davantage sur des opportunités de trading liées à un redressement des cours pétroliers vers 50 – 55 dollars que sur une tendance structurelle haussière à long terme. Nous y reviendrons lorsque l’or noir sera revenu à un niveau proche de 55 dollars.

Il serait vain d’espérer à nouveau des prix supérieurs à 60 dollars à court terme.

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