Brafa : prestige et marketing

© pg

La Brussels Art Fair est une ASBL et elle n’est donc pas tenue de réaliser un bénéfice. Cela ne l’empêche pas de devoir tenir son budget, de l’ordre de 4,5 millions d’euros.

Première question : d’où vient l’argent ? D’abord des clients, c’est-dire des exposants, explique Beatrix Bourdon, directrice de la Brafa. Leur contribution représente la moitié du budget total. Les tarifs de la foire sont structurés de manière différente de ceux d’autres manifestations du genre. Ici, tout le monde paie un fixe de 7.000 euros, auquel s’ajoute un montant au mètre carré très faible, soit 180 euros. Dans d’autres foires internationales, seul un prix au mètre carré est dû, mais il est de l’ordre de 500 à 1.000 euros. Un stand moyen à la Brafa revient dès lors à 20.000 euros environ. Compte tenu d’autres dépenses, comme son hébergement ou encore l’éventuelle invitation de clients à la soirée de gala, un galeriste dépensera au total plutôt 25.000 à 30.000 euros.

Brafa : prestige et marketing
© pg

Deux soirées à 5.000 invités

La billetterie est le second poste car toute entrée est payante : si un visiteur est invité par un exposant, c’est ce dernier qui paie. Les entrées spontanées représentent environ 20 % du budget, poste suivi par l’apport de la banque Delen. ” C’est un sponsor très fidèle et le seul qui contribue financièrement à l’événement “, précise la directrice de la Brafa, les autres partenariats portant plutôt sur des échanges. BMW met des voitures ” dernier cri ” à disposition et Taittinger consent un prix d’ami pour le champagne, qui coule à flots lors des soirées. De son côté, Guerlain offre un flacon de parfum aux participants à la soirée de gala. Un flacon, pas un échantillon…

Côté dépenses, le montage de la foire est un poste considérable, de l’ordre d’un quart du total, car l’aménagement des lieux nécessite des camions entiers de panneaux et d’éléments de décor. Grosse dépense aussi que le catering des trois soirées. On le comprend quand on sait que le dîner de gala rassemble 1.850 personnes, tandis que la soirée d’ouverture et celle de la banque Delen en accueillent chacune 5.000 environ ! Imprimé à 15.000 exemplaires, le (très) épais catalogue représente également un débours important.

Près de deux tiers de siècle

Née en 1956, la Brafa en est cette année à sa 64e édition, ce qui en fait une des foires d’antiquaires les plus anciennes d’Europe. N’y avait-il donc pas grand-chose avant 1956 ? La prestigieuse Grosvenor House de Londres fut lancée en 1934, mais elle ferma en 2009, après avoir fêté son 75e anniversaire. Quant à la foire de Delft, elle fut en 1989 absorbée par la célèbre Tefaf de Maastricht, principal événement du genre dans le monde. A noter que la fameuse Biennale de Paris, qui a aujourd’hui un peu de plomb dans l’aile, remonte à 1959. Au niveau belge, c’est en 1981 qu’Eurantica a pour la première fois ouvert ses portes.

” Les foires étaient peu nombreuses parce que, avant la guerre et même jusque dans les années 1980, l’essentiel de l’activité se réalisait en galeries “, explique Bruno Denis, directeur de la communication. ” Le collectionneur était parfois très fidèle à son galeriste ; c’est avec lui qu’il bâtissait sa collection, complète Beatrix Bourdon. Par contre, il existe de plus en plus de foires et c’est pourquoi il est important de se positionner à un très haut niveau de qualité “, ajoute-t-elle. En Belgique, le groupe Easyfairs (anciennement Artexis), a repris Eurantica et lancé Eurantica Namur. Il a également inscrit à son catalogue Art Brussels, foire dédiée à l’art contemporain.

Brafa : prestige et marketing
© pg

La qualité, c’est celle des exposants et de leurs objets, mais c’est aussi le vetting. C’est ainsi qu’on appelle la vérification des oeuvres par une équipe de spécialistes. La Brafa effectue cette opération en collaboration avec Art Loss Register, maison qui répertorie les oeuvres volées au niveau mondial et dont les experts scrutent tous les stands. Autre précaution prise : pas de pièces sorties d’Irak après 1991 ni de Syrie après 2011 !

Conviviale, mais encore ?

La foire est volontiers qualifiée de conviviale. Le qualificatif est fort à la mode, mais encore ? ” Chez nous, le champagne est offert durant la soirée d’inauguration. Il est payant dans toutes les autres foires que nous avons visitées, souligne Bruno Nelis, pour l’anecdote. Plus fondamentalement, nous offrons aux exposants pas mal de services et une présence attentive, de sorte qu’ils puissent pleinement se concentrer sur leur stand et leurs visiteurs. Le confort dont ils bénéficient ainsi transparaît dans l’ambiance du salon. ” ” Un exposant à l’aise, cela signifie des visiteurs mieux accueillis, renchérit Beatrix Bourdon. Ceux de la Brafa sont du reste fort appréciés pour leur contact avec les exposants. A Bruxelles, ils posent des questions et se renseignent, soulignent ces derniers. ”

Beatrix Bourdon,  directrice de la Brafa
Beatrix Bourdon, directrice de la Brafa” Il existe de plus en plus de foires et c’est pourquoi il est important de se positionner à un très haut niveau de qualité. “© pg

La Brafa investit aussi beaucoup dans la communication et le marketing. L’événement contribuant à l’image de marque de Bruxelles et participant à sa promotion touristique, l’ASBL bénéficie quand c’est nécessaire d’un soutien des autorités politiques, tandis que le partenariat noué avec une vingtaine d’institutions culturelles permet de proposer aux visiteurs de nombreuses activités et visites complémentaires. Elles se retrouveront notamment dans le Brafa City Guide édité pour l’occasion, ou encore dans le programme VIP proposé aux étrangers : un parcours architectural de Bozar, la répétition d’un opéra, une visite des ateliers Delvaux, etc.

De gros investissements de promotion

Ce n’est pas un hasard si la Brafa s’est taillée une belle réputation à l’étranger. L’ASBL travaille pour ce faire avec huit bureaux de presse et invite chaque année plus d’une centaine de journalistes pendant deux jours. Cette fois, ils iront également visiter l’Africa Museum de Tervuren. La foire de janvier n’est pas seule concernée par ces contacts avec l’étranger. Les journalistes en question avaient déjà été invités en octobre, avec visites de musées et de collections privées, tandis qu’une manifestation fut organisée début janvier à la Royal Academy de Londres, avec le magazine Apollo et les invités d’honneur de l’édition 2019 : les artistes britanniques Gilbert & George (lire aussi en p. 86). ” Deux cents personnes sont venues, des gens qu’on ne pourrait pas toucher autrement “, se félicite Bruno Nelis. ” Des collectionneurs, des journalistes, des galeristes, des dirigeants de musée, un public unique “, s’enthousiasme Beatrix Bourdon. Communication, marketing et publicité représentent globalement quel- que 30 % du budget. Les médias sociaux se sont naturellement ajoutés à la panoplie, d’autant que le public de la Brafa a rajeuni parallèlement à son image, observe sa patronne. Relève assurée !

” Nous avons grandi ensemble “

” Delen est notre sponsor depuis 2007, rappelle Beatrix Bourdon. Nous avons grandi ensemble. ” Membre du groupe Ackermans & van Haaren, la banque privée n’était alors implantée qu’à Anvers. Elle a choisi cette manifestation pour se faire connaître ailleurs dans le pays, en particulier à Bruxelles, ce qui semble lui avoir réussi. C’est cette même année que la Foire des Antiquaires de Belgique devient Brafa, et avec le même succès : elle est passée de 35.320 visiteurs en 2007 à quelque 65.000 en 2018. Elle accueille plus de 130 exposants, provenant à 60 % de l’étranger, la France (largement) en tête. Réputée de haut niveau, la Brafa s’inscrit aujourd’hui dans le top 5 européen, estiment ses dirigeants… Et ses exposants.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content