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“Avis aux pionniers de la mobilité”

Plusieurs villes du sud-ouest de la France ont récemment tenté d’attirer des entreprises novatrices dans la technologie de l’hyperloop, ce moyen de transport par capsules géantes évoluant dans un tube à basse pression. Ainsi, la société Hyperloop TT commence la construction d’une piste d’essai à Toulouse. Son concurrent TransPod veut faire de même à Droux. D’autres contacts seraient en cours entre la ville de Limoges et Elon Musk (SpaceX-Hyperloop, et accessoirement Tesla).

De fait, de nombreuses entreprises innovantes, dans différents domaines, doivent tester à grande échelle leur innovation, afin de récolter des données, de communiquer et d’attirer de nouveaux investisseurs mais aussi pour ancrer leurs idées dans le public. Pour une ville ou même une région, proposer un site d’essai ou même accepter de participer à un projet pilote ” grandeur nature ” n’est pas dénué de sens. Il y a évidemment un intérêt en termes de communication, pour se montrer elle-même innovante, mais il y a aussi un intérêt économique : celui d’attirer les équipes de recherche et développement et, si cela fonctionne, tout un écosystème d’entreprises liées de près ou de loin à la technologie novatrice. Tout le monde peut donc y trouver un avantage. Une région peut se spécialiser dans un domaine d’activité innovant et se créer une nouvelle dynamique intégrée de l’enseignement au tissu économique. Les entreprises proposant de toutes nouvelles technologies y trouvent un terrain d’essai favorable, ce qui aujourd’hui leur est très important. C’est en effet en accumulant les données (et en traitant celles-ci) que l’on peut accélérer le développement de technologies.

C’est toute la difficulté que rencontrent les entreprises actives dans le développement de voitures autonomes. Pour accumuler encore et encore des données, leur seul véritable terrain d’essai est la voie publique où l’intelligence artificielle est confrontée à ses deux pires ennemis : le manque d’expérience (qui lui fait faire des erreurs) et l’irrationalité des autres conducteurs (qu’il est difficile de modéliser). Ce qui a déjà engendré des accidents mortels faisant, à tort ou à raison, une mauvaise presse au secteur de la voiture autonome. Or la confiance du public est cruciale : si par sa méfiance, le grand public refuse d’adopter une technologie, le risque lié à son développement devient trop important.

Imaginez qu’une ville wallonne ou même Bruxelles décide de prendre le taureau par les cornes en se déclarant exclusivement dédiée aux véhicules autonomes.

Etrangement, aucune ville dans le monde n’a, à ma connaissance, proposé de terrain d’essai grandeur nature à la technologie de la voiture autonome. Concrètement, il s’agirait ici de sauter l’étape durant laquelle les voitures autonomes doivent cohabiter avec les conducteurs classiques, pour imaginer une mobilité entièrement autonome (qui est de toute façon le but ultime de la technologie). Imaginez donc qu’au lieu de continuer à s’engluer dans des solutions de mobilité sans lendemain, une ville wallonne ou même Bruxelles décide de prendre le taureau par les cornes en se déclarant exclusivement dédiée aux véhicules autonomes. Puisque ceux-ci sont capables de communiquer entre eux, on élimine la question de l’irrationalité des autres conducteurs, l’un laissant toujours la priorité à l’autre, tout en l’informant de sa décision. La réduction du nombre d’accidents renforcerait alors la confiance du public dans cette technologie, ce qui diminuerait le risque financier. Le développement à grande échelle des véhicules autonomes permettrait également d’accélérer l’accumulation de données. Il est donc fort probable qu’une telle initiative trouve un écho favorable auprès des géants du secteur, qui ont bien les moyens de financer une telle mise en situation. Pour la ville en question, ce serait l’occasion d’attirer des chercheurs, des sous-traitants… et des touristes probablement. Imaginez cette ville devenant le leader mondial d’une technologie pouvant potentiellement révolutionner la mobilité. Quel challenge, et quelle révolution en matière de développement économique !

Mais ce serait aussi un risque énorme : il n’est pas certain que la technologie s’imposera un jour. Le risque financier est également présent par les investissements que cela nécessiterait (notamment autour de la ville), sans compter la révolution que cela engendrerait sur le marché du travail par la disparition de certains métiers au profit de nouveaux. Mais c’est le propre du développement technologique : les pionniers prennent des risques et sont souvent (mais pas toujours) récompensés. Avis aux amateurs !

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