Amazon fait peur aux banquiers. A tort, pour le moment

Amid Faljaoui Rédacteur en chef de Trends-Tendances

Le “Wall Street Journal”, la bible des affaires, a révélé qu’Amazon, le leader mondial de l’e-commerce était en discussion avec plusieurs grandes banques américaines dont JP Morgan. Je rassure les banquiers qui nous lisent, ce n’est pas pour les racheter, même si Amazon en a les moyens. Non, la raison de ces pourparlers porte sur le fait de voir s’il est possible de proposer un compte courant, une sorte de service bancaire de base pour les personnes non bancarisées. En clair, Amazon vise surtout les jeunes de moins de 40 ans qui ne sont pas friands de comptes bancaires et se méfient des cartes de crédit (surtout aux Etats-Unis où les taux sont usuraires).

En effet, toute une frange de jeunes Américains préfère se passer des banques et utilise une application comme Venmo pour payer leurs achats en deux clics. Autrement dit, Amazon cherche à séduire les jeunes générations qui ont un téléphone greffé à la main ! Bien entendu, il n’en fallait pas plus pour que tout le secteur bancaire s’alerte. Faut-il collaborer avec Amazon ou pas ? C’est la question que se pose la banque JP Morgan puisque c’est elle qui a été contactée par Amazon. Si elle collabore, qu’est-ce qui empêchera demain Amazon de se lancer dans la banque et de devenir son concurrent ? Et si JP Morgan ne collabore pas, ce sera un business qui lui échappera au profit d’une autre banque ? Cruel dilemme.

Les banques ne risquent pas d’être ” disruptées ” comme les taxis l’ont été par Uber. La réglementation post-crise les protège.

En réalité, ce que veut faire Amazon, c’est contrôler encore mieux son business. Exactement comme Ikea, Decathlon et Zara font de l’intégration verticale, c’est-à-dire qu’ils produisent ce qu’ils vendent. En jouant à fond la carte de l’intégration verticale, Zara, Decathlon ou Ikea éliminent les intermédiaires et augmentent mécaniquement leur marge. Amazon s’inspire en quelque sorte de ce concept. Après tout, que fait cette firme toute la sainte journée si ce n’est de nous inciter à acheter tout et n’importe quoi à tout moment ? Des vêtements, des livres, des meubles, des appareils électroniques, et parfois même des produits frais dans certains pays où Amazon propose ce service. Et comme le numéro de notre carte de crédit est déjà introduit, les transactions bancaires se font en deux clics. Pour accélérer encore davantage ce processus d’achats frénétiques, le géant de l’e-commerce souhaite réduire les commissions bancaires sur chaque paiement. Voilà donc pourquoi Amazon veut mettre sur pied un compte courant avec des frais de commission plus doux à destination des personnes non bancarisées.

Les banquiers qui ont peur de voir Amazon arriver sur leur territoire et les ” disrupter ” ont tort. Du moins, pour le moment. La raison ? Parce que le secteur bancaire est très réglementé. Or, Amazon est une société agile, rapide sur la balle, qui ne va pas prendre le risque de s’empêtrer dans une législation hyper compliquée et un secteur bancaire très surveillé. Bref, les banques ne risquent pas d’être ” disruptées ” comme les taxis l’ont été par Uber. La réglementation post-crise les protège. D’ailleurs, c’est un peu l’ironie de l’histoire : si aujourd’hui le secteur bancaire est protégé contre l’arrivée d’un Amazon, d’un Apple ou même d’un Facebook, c’est grâce à la crise de 2007-2008. Après celle-ci, les gouvernements nationaux ont décidé de fortement réglementer le secteur dans un esprit de ” plus jamais ça “. Les banquiers parlent même d’un ” tsunami réglementaire “. Bien entendu, ils ont râlé en disant que leur métier devenait plus difficile à cause de tous ces règlements. Mais aujourd’hui, ils devraient plutôt remercier le législateur ! Sans lui, Amazon les mangerait tout crus. Si vous en doutez, pensez qu’avec sa capitalisation boursière de 748 milliards de dollars, Amazon pèse déjà plus que JP Morgan et Bank of America, les deux plus grandes banques américaines réunies.

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