2019 : incertitudes économiques et tartine au Nutella

Amid Faljaoui

En ce début d’année, ce qui prime aujourd’hui pour les chefs d’entreprise, c’est l’absence de visibilité économique. Je dirais même que la seule certitude, c’est l’incertitude. Les marchés boursiers l’ont d’ailleurs bien compris et c’est la raison pour laquelle ils broient du noir depuis plusieurs semaines. Alors qu’elle n’a cessé de grimper depuis plusieurs années, la Bourse de Wall Street a enregistré son pire mois de décembre depuis… 1931.

A qui la faute ? Notamment à la guerre commerciale entamée par Donald Trump contre la Chine. Même Apple qui était depuis 2012 la première valeur boursière au monde a perdu des plumes à cause de cette guerre commerciale, les ventes d’iPhone et autres iPad ont diminué en Chine. Et le résultat, c’est que la firme à la pomme qui venait de franchir les 1.000 milliards de dollars de capitalisation boursière au début de l’été 2018 ne pèse plus aujourd’hui ” que ” 745 milliards de dollars. Autrement dit, en quelques semaines, la Bourse a effacé plus d’un tiers de la valorisation d’Apple !

L’incertitude la plus forte en ce début d’année, c’est cette guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine qui n’en finit pas.

Mais la guerre commerciale n’explique pas tout. La hausse des taux d’intérêt joue aussi son rôle de déstabilisateur de la Bourse, d’autant que Donald Trump ne s’est pas gêné de critiquer cette hausse initiée par le président de la banque centrale américaine (Fed). Au point que les investisseurs se demandaient s’il n’allait pas virer son président, Jerome Powell.

Par ailleurs, le risque politique a aussi fait son entrée fracassante en Bourse, y compris en Europe. Il faut dire que les risques de dérapages en 2019 sont nombreux : il y a par exemple le Brexit, avec un vote ce 14 janvier au Parlement britannique qui risque de déboucher sur un rejet et donc sur un Brexit ” sauvage “, en d’autres mots, une absence d’accord entre le Royaume-Uni et l’Union européenne. Là encore, je rappelle qu’en cas de Brexit, la Belgique via la Flandre serait le deuxième pays le plus affecté après l’Irlande. Et croire que si la Flandre est affectée, Bruxelles et la Wallonie resteraient indemnes est un leurre.

De plus, comme si cela ne suffisait pas, certains experts parlent aussi d’un éventuel retour d’une crise financière, mais si cela devait être le cas, qui pourrait prendre le problème à bras-le-corps en Europe ? Merkel est affaiblie politiquement et est en partance. Macron est lui aussi très affaibli avec la contestation des gilets jaunes. Quant au Royaume-Uni, sa Première ministre Theresa May n’arrive déjà pas à trouver de solution pour le Brexit. Et ce ne sont hélas pas les Italiens qui vont nous aider. La raison ? Le 26 décembre dernier, Matteo Salvini, le ministre de l’Intérieur et homme fort du gouvernement, n’a rien trouvé d’autre que de tweeter qu’il prenait un petit déjeuner avec une tartine et du Nutella, alors qu’un tremblement de terre venait de faire d’énorme dégâts à Catane et que la mafia venait d’assassiner le frère d’un repenti ! Alors, qui prendra le relais de Sarkozy et de Merkel en cas de nouvelle crise financière ? Aujourd’hui, la réponse semble être… personne !

Tenant compte de tous ces éléments, on comprend que les chefs d’entreprise soient plutôt aveugles en ce moment. En réalité, l’incertitude la plus forte en ce début d’année, c’est cette guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine qui n’en finit pas. C’est la plus grosse hypothèque sur la croissance économique mondiale. En principe, en décembre dernier, une trêve a été signée pour trois mois, histoire de laisser un peu de temps aux négociateurs pour trouver une solution équilibrée pour les deux camps. Mais la plupart des spécialistes ne croient pas à cette trêve car ils savent que la bataille entre ces deux géants économiques est plus profonde : c’est une bataille entre les Etats-Unis, la première puissance économique mondiale, et la Chine, qui est la deuxième et qui aspire à redevenir la première.

Or, un historien américain – Graham Allison de l’université de Harvard – a constaté que ce genre de rivalité entre la puissance numéro économique 1 et la puissance numéro 2 a eu lieu 16 fois au cours des 500 dernières années. Sur les 16 fois qu’a eu lieu ce passage de témoin, on compte 12 guerres. C’est ce constat historique qui déboussole les Bourses, même si cette guerre reste, pour l’instant et fort heureusement, uniquement une guerre économique. Les plus optimistes se souviendront aussi que la Bourse n’est pas toujours un bon baromètre. L’ancien prix Nobel d’économie Paul Samuelson disait que la Bourse avait prédit neuf des cinq dernières récessions !

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