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Les prochains shrapnels économiques

Ce furent d’abord des déflagrations au ras des chiffres. Ensuite, on a senti les lourds bilans de Manhattan trembler et se fissurer sous les grondements de l’assaut des subprimes. Puis, tout s’est passé très vite après la faillite de Lehman Brothers. La guerre économique a alors commencé.

Ce furent d’abord des déflagrations au ras des chiffres. Un peu comme ces mines qui meurtrissent sans tuer. Ensuite, on a senti les lourds bilans de Manhattan trembler et se fissurer sous les grondements de l’assaut des subprimes. Puis, tout s’est passé très vite après la faillite de Lehman Brothers. La guerre économique a alors commencé.

Terre brûlée

Il faut se préparer à une décennie économique de terre brûlée. L’annonce d’une économie plus dure n’est pas un message facile. Mais cette réalité ne signifie ni résignation, ni prophétie désespérée. C’est cela, peut-être, le message de cette crise : il faut repenser la pensée, sortir de nos réflexes idéologiques et culturels, et redéfinir ensemble la prospérité économique de notre pays. Le statu quo est intenable. Voici quelques points de repère de l’économie de demain :

1. Les foyers de croissance du monde se recomposent, avec une zone européenne à la croissance autonome très faible, suite à un manque de capacité d’innovation et à la finitude d’un capitalisme d’accumulation. Au cours des 10 dernières années, les économies occidentales se sont limitées à croître grâce à une politique monétaire expansionniste, aux conséquences artificielles et éphémères. Comme l’expansion monétaire atteint ses limites, la croissance de l’Europe continentale va en être durablement affectée.

2. Nous traverserons une immersion dans une économie de marché beaucoup plus exigeante, voire prédatrice, au sein de laquelle l’Etat, intoxiqué par quatre décennies d’endettement croissant et de manque de vision, sera contraint à n’assurer plus qu’un rôle supplétif. Les prochaines années signeront la fin de l’Etat providence et des modèles de stimulation étatique à crédit.

3. Acculés par leur endettement, les Etats vont reprendre le contrôle du secteur financier en plaçant les banques sous une forte tutelle. Cette dernière conduira à exiger des banques de canaliser l’épargne vers le financement de leurs dettes. Les Etats vont donc recapturer le droit régalien de battre monnaie dont le sabordage des accords de Bretton Woods en 1971 les avait dépossédés. En conséquence, les banques évolueront dans un état de nationalisation éthérée.

4. Cette monétisation de la crise suscitera de probables poussées de forte inflation, elles-mêmes attisées par la rareté croissante des ressources alimentaires. La déflation sera évitée par une croissance des transferts sociaux. L’hyperinflation est un scénario peu probable, quoiqu’il ne soit aucunement exclu. Il s’agirait alors du “Weimar planétaire” esquissé par Jacques Attali.

5. Le prix des matières premières, qu’elles soient énergétiques, alimentaires ou industrielles, va atteindre des sommets qui risquent d’être inimaginables, malgré l’adaptation progressive de l’homme à la raréfaction des biens. En même temps, les contraintes démographiques et environnementales, que l’humain n’aura pas réussi à discipliner, se verront régulées par les prix d’une économie de marché, c’est-à-dire la loi de l’offre et de la demande, multipliée par la peur de la pénurie.

6. Le contexte monétaire évoluera probablement vers une dépréciation du dollar. Cette dépréciation du dollar sera cependant mitigée par la fissuration de l’euro et le rôle de la Chine comme premier créancier des Etats-Unis. Il n’est pas exclu que les Etats-Unis mettent en oeuvre un subtil protectionnisme, pour se protéger contre la délocalisation asiatique des capacités de production industrielle.

7. Les gouvernants de la zone euro seront confrontés au dilemme schizophrénique de devoir relancer leurs économies au risque d’une fragmentation de la zone Euro. Il en résultera des poussées inflationnistes. Des Etats, situés aux confins de l’Europe, vont suffoquer sous la discipline de la monnaie unique.

8. L’hétérogénéité des foyers de croissance sera un ferment fécond à des troubles sociaux (qui seront graves dans certains pays), voire, à une échelle extra-européenne, à des phénomènes guerriers, qui porteront sur les flux alimentaires et/ou énergétiques. Des tensions générationnelles émergeront et certains pays pourraient connaître un Mai 68 socio-économique, avec des réminiscences de mouvements ultra-violents.

Nos communautés continueront à traverser un profond changement de modèle, touchant à la trame de nos valeurs collectives. Car, au-delà de l’adoption du modèle, un fait s’impose, au même rythme que la disparition des référentiels supérieurs : ce sera la confiance en l’individu et donc sa responsabilisation au titre d’acteur de l’économie de marché, qui prévaudra. Ceci ramène à un des grands défis de nos communautés occidentales : la répartition des richesses, c’est-à-dire l’alignement des intérêts privés et des bénéfices sociaux.

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