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Les Etats-Unis se réindustrialisent !

A première vue, les Etats-Unis restent mal embarqués : le chômage ne reflue que très lentement, l’immobilier ne paraît pas vraiment stabilisé, la croissance économique est modeste et le déficit budgétaire est attendu à plus de 9 % du PIB cette année encore. Ils disposent toutefois de plusieurs atouts…

C’est un des (nombreux) messages distillés par le colloque “Risque Pays” organisé lundi, à Paris, par l’assureur-crédit Coface. A première vue, les Etats-Unis restent mal embarqués : le chômage ne reflue que très lentement, l’immobilier ne paraît pas vraiment stabilisé, la croissance économique est modeste et le déficit budgétaire est attendu à plus de 9 % du PIB cette année encore, le triple de la zone euro. Patrick Artus, économiste en chef de la banque Natixis et orateur fidèle de l’événement, souligne toutefois plusieurs atouts du pays.

D’abord, alors que la dette de l’Etat a franchi la barre des 100 % du PIB, les entreprises sont au contraire peu endettées (moins qu’en Europe), conséquence d’une rentabilité élevée. Ensuite, la consommation privée a repris après une longue hésitation, grâce à un bas de laine à nouveau délaissé : après avoir fusé de 2 à 8 % en 2008, le taux d’épargne a fléchi à moins de 4 % l’an dernier. On peut ajouter à cela que le crédit à la consommation est reparti depuis la fin 2010, après deux bonnes années de dégonflement spectaculaire. Yves Zlotowski, chef économiste de Coface, souligne pour sa part que les incidents de payement sont, sur les 12 derniers mois, en repli de 0,5 % aux Etats-Unis, alors qu’ils sont en hausse de 28 % dans la zone euro.

Le pays a-t-il dès lors rebondi pour de bon, ou est-il du moins en passe de le faire ? Ce ne serait pas la première fois qu’une hirondelle annoncerait… l’automne. On se souvient que la croissance américaine flirtait avec les 4 % au second semestre 2010, avant le plongeon du début 2011. La réponse vient peut-être d’une autre observation faite par Patrick Artus : les Etats-Unis se réindustrialisent ! La renaissance du secteur automobile, après sa quasi-faillite, ne serait pas un phénomène isolé, mais le témoin emblématique d’un renouveau à grande échelle. Or, pour l’économiste français, c’est bien sa base industrielle qui fait la force d’un pays et sa résistance aux crises.

Cette ré-industrialisation n’a rien de miraculeux : c’est une question de coût, explique l’économiste. Dans l’industrie chimique, la main-d’£uvre est moitié moins chère aux Etats-Unis qu’en France ! On imagine mal que l’Europe puisse singer l’Amérique dans sa chute du pouvoir d’achat des masses laborieuses… Peut-elle s’en inspirer pour le reste ? A en croire Patrick Artus, c’est clairement la “détérioration durable des finances publiques” qui nourrit la croissance américaine. Le déficit budgétaire des Etats-Unis n’est jusqu’ici pas un souci, car il est financé par les achats d’obligations publiques réalisés par la banque centrale américaine, ses cons£urs étrangères et quelques autres institutionnels. L’étranger acceptant de lui prêter à deux pour cent à peine sur 10 ans, un taux sans lien avec la situation désastreuse de ses finances publiques, Washington peut donc se permettre, sinon de mener une politique résolument expansionniste, du moins de s’abstenir de toute austérité.

Cette austérité à laquelle se force l’Europe, sous la contrainte de marchés sanctionnant ses écarts de conduite par une envolée des taux d’intérêt. Trop injuste ? Peut-être, mais pas seulement. Quand on se lamente des indécisions, volte-face, désaccords et incohérences de l’Europe, ce n’est pas seulement en fonction des principes de saine gouvernance. C’est plus encore en raison de l’atteinte à la confiance que nous porte le reste du monde, en particulier nos créanciers. Avec pour conséquence dommageable cette course à l’austérité, que l’on sait pourtant fort malvenue dans le contexte économique du moment.

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