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Les épargnants paient la crise une troisième fois

BNP Paribas Fortis a décidé lundi d’abaisser le taux de base de ses comptes d’épargne à 0,75 %. Le compte le plus avantageux de la banque devenue française offre aujourd’hui 1,75 % brut, prime de fidélité comprise, le compte de base se limitant à 1 % tout rond.

BNP Paribas Fortis a décidé lundi d’abaisser le taux de base de ses comptes d’épargne à 0,75 %. Le compte le plus avantageux de la banque devenue française offre aujourd’hui 1,75 % brut, prime de fidélité comprise, le compte de base se limitant à 1 % tout rond.

Quelques institutions présentes en Belgique affichent encore 2 % en taux de base, ou peu s’en faut, tandis que la plus généreuse arrive à 3 % avec la prime de fidélité. Et l’inflation, au fait ? Elle se porte bien, merci : quoi qu’en repli non négligeable, elle se situait encore à 3,37 % en mars. L’épargnant est donc dans le rouge ? Et comment ! Cela fait quelque temps déjà et cette situation pourrait bien se prolonger, en Belgique comme ailleurs. Au profit des banques ? Oui, mais aussi de l’Etat.

Abaisser fortement les taux d’intérêt à court terme après une crise économique et/ou financière est l’article 1 du petit manuel du parfait président de banque centrale. Tant la Federal Reserve américaine que la Banque centrale européenne ont sagement appliqué la recette. Le but avoué est de relancer l’économie, mais il en est un autre. Ce faisant, on permet également aux banques de se refaire du gras après une cure d’amaigrissement involontaire. C’est que la taille mannequin n’est guère prisée dans le secteur financier : l’économie a besoin de banques dodues sous peine de syncope généralisée, comme on l’a vu en 2008. C’est en leur ménageant une marge confortable que Washington a sauvé ses institutions financières lors de la banqueroute du Mexique en 1982, pour ne retenir qu’un des principaux chapitres de cette longue histoire.

Cette marge, c’est la différence entre le taux auquel la banque se finance, auprès de la banque centrale comme auprès des épargnants, et celui auquel elle peut investir les capitaux ainsi récoltés à bon marché. En obligations de l’Etat par exemple. Et même de préférence ! Plus bas est le taux de financement des banques, plus bas peut s’afficher le taux des obligations émises par les Etats. Ce qui, faut-il le préciser, allège d’autant le fardeau de leur dette. Cette dernière étant devenue une préoccupation majeure dans presque tous les pays occidentaux, il est aujourd’hui impératif d’activer ce mécanisme à fond. Ici encore, l’histoire se répète. Au lendemain de la dernière guerre, divers Etats européens, dont la Belgique, ont contraint les banques à accumuler du papier d’Etat pour faire face à un endettement dramatique.

Une telle contrainte ne s’impose pas vraiment de nos jours. On peut raisonnablement considérer que le gentleman’s agreement tacite suffit : “je t’assure une marge et tu m’achètes mes obligations”. D’autant qu’avec les nouvelles normes prévalant dans le secteur financier, telles Solvency II pour les assureurs, les dettes souveraines font le forcing dans les portefeuilles institutionnels, au détriment des actions. Au point que certains s’inquiètent pour les grands fonds de pension, néerlandais notamment : pourront-ils faire face à leurs obligations dans 10 ou 20 ans, avec ces rendements au plancher ? En attendant, les Etats se financent et gagnent même sur un autre tableau. De fait, en payant des taux d’intérêt réels négatifs, ils annulent en quelque sorte une fraction de leur dette. En douceur, sans titres fracassants aux infos… Contrairement à ce qu’on affirme si volontiers dans le camp des “travailleurs”, les épargnants aussi paient la crise. Après l’effondrement des actions bancaires et l’augmentation de la fiscalité, c’est même la troisième fois !

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