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Les citoyens vont payer la crise… pour la première fois

S’il est vrai que les citoyens vont payer la crise dans les années à venir, ce sera en réalité la première fois, du moins pour la plupart d’entre eux.

Le dernier sommet européen tenu à Bruxelles fut l’occasion de quelques manifestations. Devant les caméras, un leader syndical protesta contre les politiques d’austérité qui se mettent en place et qui vont peser sur la conjoncture, donc sur l’emploi. Le point est sensible, voire le reproche fondé, et la question divise d’ailleurs les économistes. Un autre estima scandaleux que les “travailleurs” paient la crise une deuxième fois, un refrain déjà servi à maintes reprises et dans plusieurs pays. Voilà qui est par contre largement infondé et témoigne d’une très mauvaise compréhension de ce qui s’est passé au cours des deux dernières années.

On se souvient des prévisions parfois apocalyptiques faites fin 2008 et début 2009, dans le sillage du véritable effondrement économique auquel on assistait alors. Or, si le chômage a augmenté, il n’a heureusement pas explosé, loin s’en faut, ni en Belgique ni dans les pays voisins. Contrairement à ce qu’on a observé aux Etats-Unis, mais aussi en Espagne notamment. En Belgique, l’emploi vient du reste de retrouver son niveau d’avant la crise, ont observé plusieurs économistes. Au niveau quantitatif mais pas qualitatif, c’est vrai. Le moral des consommateurs ne s’est pas effondré, loin s’en faut ici aussi, leurs revenus n’ayant guère diminué.

La plupart des entreprises n’ont finalement pas trop souffert non plus, en tout cas pas durablement, ainsi qu’en témoignent les indices boursiers. Mesurées par le Stoxx 600, les places européennes viennent de retrouver leur niveau d’avant la faillite de Lehman, en dépit d’un secteur financier encore en retrait d’un tiers. En Allemagne, l’indice Ifo du climat des affaires a même dépassé son niveau d’avant-crise et s’inscrit au plus haut sur 20 ans.

Ce n’est pas par miracle qu’entreprises et travailleurs-consommateurs s’en sortent finalement assez bien, mais grâce au sacrifice des Etats, qui sont montés au créneau et ont encaissé la crise en pleine figure. Ils ont injecté des centaines de milliards dans le soutien de l’activité économique, de l’emploi et de la consommation, alors même que leurs recettes fléchissaient douloureusement. D’où cet envol de leur endettement et la défiance des marchés financiers à leur égard. Comme à l’égard des banques, qui détiennent leurs emprunts en quantité. Toutes ces facettes de la question sont bien connues et le lien fort limpide. Alors, pourquoi cet aveuglement ? S’il est vrai que les citoyens vont payer la crise dans les années à venir, ce sera en réalité la première fois, du moins pour la plupart d’entre eux.

Reste l’épineuse question de l’austérité. Faut-il vraiment précipiter le redressement des budgets publics, comme clamé (presque) sur tous les toits ? Force est de reconnaître que les Etats-Unis ne prennent pas cette voie : au prix d’un subtil compromis entre démocrates et républicains, Washington a prolongé les abattements fiscaux et étendu les dépenses sociales, sans qu’il soit question de resserrer la vis fiscale. De ce fait, après avoir quasiment égalé celui de la Grèce en 2009, le déficit budgétaire américain est attendu à plus de 10 % cette année, contre 8 % environ à Athènes.

Pourquoi l’Europe ne pourrait-elle pas, comme les Etats-Unis, soutenir pendant un ou deux ans encore une économie toujours convalescente ? C’est la vraie question, et on peut regretter qu’elle soit fort peu débattue. Même si la distinction est édifiante entre les pays plutôt sages et ceux qui ne l’ont pas été au cours des dernières années. Ici, c’est le citoyen-électeur qui est en cause et il est délicat de le souligner…

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